Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
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Lugones (Leopoldo)

Écrivain et homme politique argentin (Villa María del Río Seco, Córdoba, 1874 – Buenos Aires 1938).

Il est le grand représentant du mouvement moderniste en Argentine. Son œuvre poétique révèle une étonnante variété de tons depuis les Montagnes de l'or (1897) et le Lunaire sentimental (1909) jusqu'aux Odes séculaires (1910) et aux Poèmes aristocratiques (1928) d'inspiration épique et patriotique. Comme prosateur, il mit l'esthétique moderniste au service du genre gauchesque dans les récits de la Guerre des gauchos (1905).

Luik (Viivi)

Poétesse et romancière estonienne (Tänassilma 1946).

Elle débute à 18 ans avec une poésie pleine de fraîcheur, centrée sur la nature (la Fête des nuages, 1965), puis de plus en plus abstraite et tragique (Joie austère, 1982). Elle se tourne ensuite vers le roman, décrivant de façon subtile et attachante des scènes d'une enfance campagnarde dans l'Estonie du début des années 1950 (le Septième Printemps de la paix, 1985), avant de livrer, à travers le récit d'une liaison amoureuse en Lettonie en 1968, une sorte de poème symphonique en prose sur l'Europe orientale à l'ère brejnévienne (la Beauté de l'Histoire, 1991).

Luis de León (Fray)

Théologien et poète espagnol (Belmonte, Cuenca, 1527 – Madrigal de las Altas Torres, Ávila, 1591).

Chef de l'école de Salamanque, il a su combiner le mysticisme chrétien à la forme classique héritée des Grecs et des Latins dans ses poèmes, publiés par F. de Quevedo (1631). Sa traduction et son commentaire du Cantique des cantiques (1580-1589) célèbrent la retraite du corps et de l'âme, loin du monde et des passions. Son traité de morale, la Parfaite Épouse (1583), devint vite populaire.

Lulle (Raymond)

Théologien et écrivain catalan (Palma de Majorque 1235 – Bougie, Algérie, 1315).

Son intense activité de missionnaire se double d'une prodigieuse production littéraire : plus de 200 œuvres d'une extrême diversité de formes et de tons, dont le trait commun est le caractère fondamentalement didactique. Le premier de ses ouvrages essentiels est le Livre du Gentil et des trois sages (vers 1272), inspiré du Hazari de Juda Halevi et où trois sages, un juif, un chrétien et un musulman, exposent à un païen les principes de leur religion respective, afin qu'il puisse choisir celle qui lui aura semblé la mieux fondée. De la même époque date le Livre de la contemplation de Dieu, dont les 366 chapitres sont destinés à fournir, pour chaque jour de l'année, la matière d'une réflexion qui ne pourra qu'amener à la louange du Créateur « contemplé » à travers ses œuvres. C'est entre 1283 et 1286 qu'il composa le « roman » intitulé Blanquerne (du nom du personnage principal), dont le propos est de fournir les modèles d'une vie chrétienne idéale, tant dans le mariage – l'exemple étant ici donné par les parents du héros – que dans les différentes formes de vie religieuse : Blanquerne va les connaître toutes puisque, après avoir vécu en ermite, il se voit contraint d'accepter, par esprit d'obéissance, de devenir moine, puis abbé, évêque et, enfin, pape ; ayant ainsi pu réformer la chrétienté entière, selon des principes évidemment tout lulliens, il renonce au pontificat pour revenir à l'état d'ermite, qui correspond le mieux à ses aspirations. C'est dans cette vie solitaire que Blanquerne écrit le Livre de l'ami et de l'aimé, recueil de maximes mystiques inséré dans le « roman » proprement dit, et qui constitue l'un des sommets de la littérature religieuse médiévale. Le fil narratif est beaucoup plus mince dans le Félix ou le livre des Merveilles du monde (vers 1286), où les différents voyages du héros ne sont guère que le prétexte à décrire, en 9 livres, les divers aspects de la création. Le septième livre, Livre des bêtes, est le plus connu et le plus curieux : il ne s'agit pas d'un traité de zoologie, faisant pendant par exemple au cinquième livre consacré aux plantes, mais d'un apologue relatant les intrigues de cour dans un royaume d'animaux où le Lion se trouve appelé à régner sur des sujets turbulents et divisés.

   L'œuvre en vers de Raymond Lulle répond au même projet didactique que son œuvre en prose, et certains recueils, tels que les Cent Noms de Dieu (1285) ou Médecine contre le péché (1300), ne sont même versifiés que « pour être plus aisément appris par cœur ». Certaines œuvres peuvent néanmoins être considérées comme proprement poétiques (Plainte de la Vierge Marie, v. 1275 ; le Chant de Ramon, 1299). Le vrai trait commun à l'œuvre en vers est finalement d'ordre linguistique : on y remarque en effet d'assez nombreux provençalismes, alors que son œuvre en prose a grandement contribué à fixer la norme du catalan écrit.

   C'est après sa mort qu'un Catalan rédigea à Londres un Testament de l'art chimique universel (imprimé d'abord à Cologne en 1566), que l'on rapprocha de l'Ars magna (1305-1308) de Lulle, où un rationalisme mystique aidé de constructions géométriques cherchait à concilier l'ordre de la raison et celui de la révélation. Ce traité fut suivi d'une nombreuse littérature alchimique et kabbalistique se réclamant des textes de Lulle et qui influença toute la pensée médiévale (science, mentalité populaire, légende de Faust).

Lundkvist (Artur)

Écrivain suédois (Oderljunga 1906 – Stockholm 1991).

Il chanta d'abord, en poète, les forces de la nature (Ardeur, 1928 ; Vie nue, 1929 ; Ville noire, 1932). Sous l'influence de Freud, il s'intéressa ensuite aux zones sombres de l'inconscient (Ascension, 1935) pour revenir au vitalisme à partir de Croisée des chemins (1942). Vie comme herbe (1954), Roses des vents, Contrefeu (1955) sont des tentatives d'expérimentation verbale inspirées du surréalisme. Parallèlement, dans de nombreux récits et essais (Miroirs pour le jour et la nuit, 1953), il met au point une prose lyrique d'un intense pouvoir de suggestion, très proche du fantastique, notamment pour consigner des impressions de voyages (Sang du dragon, 1936). Il travaille à la divulgation de mouvements littéraires étrangers d'avant-garde (la Fuite d'Icare, 1939). Il a fini par prendre l'envergure d'une sorte d'éminence grise des lettres suédoises (Autoportrait d'un rêveur aux yeux ouverts, 1966) qu'il a ouvertes à tous les vents de l'esprit.