Dictionnaire de l'économie 2000Éd. 2000
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États-Unis (suite)

Mais ces trois grands ensembles étaient quasi indépendants les uns des autres : le Grand Ouest était difficilement accessible et encore hostile ; le Nord-Est industriel était protectionniste et avait besoin d'étendre ses débouchés ; le Sud-Est était libre-échangiste et exportait son coton et son tabac vers l'Europe, où il s'approvisionnait en produits industriels. Ce fut la principale cause de la guerre de Sécession, qui opposa les États capitalistes du Nord aux États confédérés esclavagistes du Sud de 1861 à 1865 : elle fit 620 000 morts et 460 000 blessés, et se termina par l'abolition de l'esclavage (décrétée en 1863) et par la destruction de l'économie agro-exportatrice du Sud, intégrée au Nord. Celui-ci put vendre ses produits au Sud, y investir ses capitaux, et utiliser la main-d'œuvre noire dans ses usines.

La paix revenue, la conquête de l'Ouest put reprendre sur une grande échelle : il s'agissait de s'approprier les riches terres agricoles et les immenses pâturages permettant de fournir la nourriture des régions industrielles de l'Est, de dégager un surplus de denrées exportables vers l'Europe, d'exploiter un sous-sol très riche en minerais (cuivre, plomb, zinc, mercure, or et argent...). Pour transporter les hommes et les marchandises sur des milliers de kilomètres, il fallait aussi construire des lignes de chemin de fer, qui fournissaient aux usines de l'Est un débouché essentiel pour leur production de fonte, d'acier, de poutrelles métalliques, de locomotives et de wagons. C'est sur cette complémentarité que reposa l'essor de l'économie américaine.

Mais, pour cela, il fallait expulser les populations indiennes vivant sur les terres situées à l'ouest du Mississippi, que le Congrès des nouveaux États-Unis avait considérées en 1787 comme appartenant aux Indiens. Revenant sur ses engagements, l'État fédéral déplaça de force les populations indiennes et finit par vaincre militairement les derniers soulèvements durant les années 1880. Un grand mouvement de population se produisit alors en direction de l'Ouest, accompagné d'une construction accélérée des voies ferrées : le réseau passa de 50 000 km en 1860 à 360 000 km en 1906, et 40 millions d'hectares de terres fédérales (sur 52,5 millions distribués) furent cédés aux compagnies de chemin de fer.

Le grand essor du capitalisme industriel (1870-1914)

À partir des années 1860-1870, le capitalisme industriel, commercial et financier bénéficia d'un vaste marché, de ressources naturelles et humaines considérables et d'immenses opportunités d'investissement. Il connut ainsi un développement spectaculaire. Le produit national brut américain passa de 10 milliards de dollars vers 1870 (soit 170 dollars par habitant) à environ 40 milliards de dollars en 1914 (400 dollars par tête). La production industrielle fut multipliée par dix de 1865 à 1910, celle de la houille passa de 30 millions de tonnes en 1870 à 510 millions en 1913, et celle de l'acier passa de 1,2 million de tonnes en 1880 à 31,8 millions en 1913.

Durant cette période se constituèrent des empires industriels et financiers, dominés par d'audacieux chefs d'entreprise, dont les plus célèbres furent Carnegie (acier), Rockefeller (pétrole), Morgan (banque), Edison (électricité et cinéma), Ford (automobile). Ces firmes réussirent à passer rapidement au stade de la production de masse et à améliorer la qualité des produits, grâce à une large utilisation du progrès technique (taylorisme) et à la standardisation de la production (fordisme). Cela ne fut possible qu'en raison de l'importance des moyens de financement accordés par les banques et de la concentration de l'appareil de production américain, qui s'accéléra durant le dernier quart du siècle : formation de trusts, de cartels ou de holdings malgré une législation s'efforçant d'éviter la disparition de la concurrence considérée comme l'aiguillon du développement économique. La loi Sherman (1890) et le Clayton Act (1912), visant à limiter les ententes entre les grandes firmes, furent peu efficaces. Effectuant de lourdes dépenses d'investissement, les entreprises géantes devaient éviter la concurrence par les prix qui rend aléatoires les profits, et contrôler les marchés pour écouler sans risque les biens fabriqués en grande quantité, condition nécessaire pour réduire les coûts unitaires de production.

Les entreprises industrielles (mais également les agriculteurs) bénéficièrent aussi de la politique protectionniste menée par l'État fédéral, qui établit des droits de douanes élevés sur les importations (souvent supérieurs à 30 %), culminant en 1890 (tarifs Mac Kinley).

Face à ces grandes firmes se constituèrent des syndicats ouvriers (les Chevaliers du travail en 1869, l'American Federation of Labor en 1886), recrutant le plus souvent parmi les travailleurs qualifiés et qui menèrent des actions souvent violentes (à Chicago en 1886, à Pittsburgh en 1892...). Ils permirent à la classe ouvrière américaine d'obtenir des hausses de salaires et des lois sociales protectrices au début du xxe siècle.

L'entre-deux-guerres

La Première Guerre mondiale permit aux États-Unis d'accentuer leur avance sur les pays européens, durement touchés par le conflit et ayant perdu de nombreux marchés extérieurs au profit des Américains. Ceux-ci détenaient au sortir de la guerre la moitié du stock d'or mondial, et le dollar pouvait désormais rivaliser avec la livre sterling. Le rôle du dollar s'affirma d'autant plus que le Gold Standard Act de 1900 avait établit le monométallisme or (dollar convertible exclusivement en or), et que le Federal Reserve Act de 1913 avait créé une banque centrale américaine (le Federal Reserve Board), indépendante du pouvoir politique et régulant la création monétaire.

La population des États-Unis

Aux États-Unis la population passa d'environ 35 millions d'habitants en 1865 à 100 millions en 1914. Cette croissance s'explique par un flux d'immigration important, s'élevant à 250 000 personnes en 1865, à environ 500 000 par an durant les années 1880, et à 1 million durant les années 1910. La population noire passa de son côté d'environ 4 millions de personnes en 1860 à 10 millions en 1910, essentiellement par accroissement naturel.