Comptabilité (suite)
• La comptabilité juridique – les Français l'appellent parfois « patrimoniale », les Allemands, « statique » (car elle repose sur une fiction de cessation d'acti- vité) – a pour objet la mesure de la valeur de revente des actifs sur le marché, de façon à vérifier la capacité de l'entreprise à rembourser ses dettes et/ou son capital ; une forme « prudente » de ce type de comptabilité, utilisée dans l'optique d'une prévention des difficultés, consiste à retenir un système d'évaluation qui prend en compte les pertes potentielles et fait abstraction des profits potentiels.
• La comptabilité fiscale a pour objet la détermination du résultat imposable (et donc de l'impôt). Elle applique les règles d'évaluation dictées par l'administration fiscale : celles-ci, notamment les règles concernant les amortissements, ne sont généralement pas les mêmes que les règles d'évaluation économiques. Le résultat donné par ce type de comptabilité peut donc, pour une période donnée, différer fortement de celui des deux précédentes comptabilités.
• La comptabilité actuarielle (ou boursière) a pour objet la détermination de la valeur actualisée de l'entreprise, c'est-à-dire de sa valeur boursière théorique.
Dans les pays anglo-saxons où la régulation boursière domine (États-Unis, Grande-Bretagne), la législation privilégie une variante de comptabilité économique pour permettre aux investisseurs de mesurer les performances des entreprises. La comptabilité « boursière » est également très développée. Par contre, la comptabilité fiscale est considérée comme secondaire, comme un calcul annexe ; quant à l'optique juridique, elle est quasiment inexistante.
En France, c'est traditionnellement une forme de comptabilité fiscale (appelée « comptabilité géné-rale ») qui fait l'objet essentiel de la réglementation comptable, intégrant des critères macroéconomiques (mise en évidence, par exemple, de la valeur ajoutée). La comptabilité économique, appelée comptabilité « analytique », n'est pas réglementée en France : elle est tenue secrètement par les entreprises selon des principes qui varient d'une entreprise à l'autre.
En Allemagne, c'est jusqu'à présent l'optique juridique qui domine avec la volonté de protéger les intérêts des créanciers (notamment du système bancaire) et de favoriser l'autofinancement des entreprises par une sous-estimation des bénéfices distribuables et la création de réserves cachées (les fameuses stille Reserven).
La comptabilité n'est donc pas une technique neutre et ne concerne pas seulement les comptables : elle révèle les mentalités sociales et les objectifs assignés aux entreprises
J. R.