Dictionnaire de l'économie 2000Éd. 2000
C

Comptabilité (suite)

• La comptabilité juridique – les Français l'appellent parfois « patrimoniale », les Allemands, « statique » (car elle repose sur une fiction de cessation d'acti- vité) – a pour objet la mesure de la valeur de revente des actifs sur le marché, de façon à vérifier la capacité de l'entreprise à rembourser ses dettes et/ou son capital ; une forme « prudente » de ce type de comptabilité, utilisée dans l'optique d'une prévention des difficultés, consiste à retenir un système d'évaluation qui prend en compte les pertes potentielles et fait abstraction des profits potentiels.

• La comptabilité fiscale a pour objet la détermination du résultat imposable (et donc de l'impôt). Elle applique les règles d'évaluation dictées par l'administration fiscale : celles-ci, notamment les règles concernant les amortissements, ne sont généralement pas les mêmes que les règles d'évaluation économiques. Le résultat donné par ce type de comptabilité peut donc, pour une période donnée, différer fortement de celui des deux précédentes comptabilités.

• La comptabilité actuarielle (ou boursière) a pour objet la détermination de la valeur actualisée de l'entreprise, c'est-à-dire de sa valeur boursière théorique.

Dans les pays anglo-saxons où la régulation boursière domine (États-Unis, Grande-Bretagne), la législation privilégie une variante de comptabilité économique pour permettre aux investisseurs de mesurer les performances des entreprises. La comptabilité « boursière » est également très développée. Par contre, la comptabilité fiscale est considérée comme secondaire, comme un calcul annexe ; quant à l'optique juridique, elle est quasiment inexistante.

En France, c'est traditionnellement une forme de comptabilité fiscale (appelée « comptabilité géné-rale ») qui fait l'objet essentiel de la réglementation comptable, intégrant des critères macroéconomiques (mise en évidence, par exemple, de la valeur ajoutée). La comptabilité économique, appelée comptabilité « analytique », n'est pas réglementée en France : elle est tenue secrètement par les entreprises selon des principes qui varient d'une entreprise à l'autre.

En Allemagne, c'est jusqu'à présent l'optique juridique qui domine avec la volonté de protéger les intérêts des créanciers (notamment du système bancaire) et de favoriser l'autofinancement des entreprises par une sous-estimation des bénéfices distribuables et la création de réserves cachées (les fameuses stille Reserven).

La comptabilité n'est donc pas une technique neutre et ne concerne pas seulement les comptables : elle révèle les mentalités sociales et les objectifs assignés aux entreprises

J. R.

Comptabilité nationale

Représentation chiffrée de l'économie nationale, reposant sur des définitions spécifiques des acteurs de la vie économique et sur des comptes retraçant les différents aspects de leur activité.

La comptabilité nationale (CN) est née des besoins de mieux connaître la réalité économique et de pouvoir agir sur elle, dans le contexte de l'intervention accrue de l'État postérieure à la Seconde Guerre mondiale.

En France, l'élaboration des concepts de la comptabilité nationale doit beaucoup aux travaux de Claude Gruson, effectués dans le cadre d'une commission des comptes de la nation qu'il anima au sein du ministère de l'Économie et des Finances.

• La comptabilité nationale définit des catégories d'agents (appelés « secteurs institutionnels »), qui regroupent des unités économiques ayant la même activité principale : les entreprises (ou sociétés) non financières produisent des biens et services marchands ; les sociétés financières collectent l'épargne, la transforment en moyens de financement et émettent de la monnaie ; les entreprises d'assurance (rattachées depuis 1999 aux précédentes) transforment les risques individuels en risques collectifs ; les administrations publiques (État, collectivités locales, assurances sociales...) fournissent à la collectivité des services non marchands ; les ménages consomment des biens et des services offerts par les autres agents (et ne sont pas considérés comme producteurs, sauf s'ils sont « entrepre-neurs individuels » ou s'ils louent des logements).

• Les agents effectuent différentes opérations : des opérations sur biens et services (production, consommation, investissement), des opérations de répartition (versement de salaires, de dividendes, de prestations sociales, d'impôt...) ou des opérations financières (prêts et emprunts, achats d'actions et d'obligations...). Ces opérations relient entre eux les différents agents, pour constituer un circuit économique, car toute dépense pour l'un d'entre eux est un revenu pour un autre.

• La comptabilité nationale française enregistre les flux de revenus qui s'établissent annuellement à l'occasion de ces opérations, à l'aide de différents comptes (de production, d'exploitation, d'affectation des revenus primaires, de distribution secondaire du revenu, d'utilisation de revenu, de capital et financier). Ces comptes présentent en Ressource (partie droite de chaque compte), ce qui correspond à une entrée de revenu, et en Emploi (partie gauche des comptes), ce qui représente une sortie. Par exemple, dans le compte de production, sont inscrits en Ressource la valeur de la production, et en Emploi les consommations intermédiaires (achats de matières premières). En déduisant la somme des emplois de la somme des ressources, ces comptes font apparaître des soldes économiquement significatifs : par exemple, le solde de ce même compte de production est appelé valeur ajoutée, et la somme des valeurs ajoutées de tous les agents (augmentée de la TVA) est égale au produit intérieur brut (PIB) du pays. Le solde du compte d'utilisation de revenu est l'épargne, qui mesure les revenus dont chaque catégorie d'agents dispose après avoir payé toutes les dépenses liées à son activité principale ; elle pourra être utilisée pour effectuer des investissements ou des placements financiers.

• Les flux économiques sont regroupés dans de grands tableaux de synthèse qui montrent les points de départ et d'arrivée de ces flux, c'est-à-dire quel agent dépense et quel agent bénéficie de ces dépenses (tableau économique d'ensemble), qui prête et qui emprunte et de quelle façon (tableau des opérations financières), comment la production a été réalisée et quel a été son usage (tableau d'entrées-sorties).