Dictionnaire de l'économie 2000Éd. 2000
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Déficits sociaux (suite)

La « Sécu » sous perfusion

Les plans de redressement jalonnent l'histoire de la Sécurité sociale. Depuis le milieu des années 1970, ils se sont succédé au rythme d'environ un tous les dix-huit mois.

• Le plan Barre (1976) supprime le remboursement des médicaments dits « de confort ».

• Les plans Veil (1977 et 1978) imposent une cotisation d'assurance-maladie pour les retraités et créent un forfait hospitalier à la charge des malades.

• Les plans Barrot (1979 et 1980) relèvent la cotisation vieillesse, déplafonnent quatre points de cotisation maladie, bloquent honoraires médicaux et budgets hospitaliers, instaurent une contribution exceptionnelle pour les pharmaciens.

• Le plan Questiaux (1981) double la taxe sur les assurances automobile et instaure une cotisation de 1 % sur les allocations chômage supérieures au SMIC.

• Le plan Bérégovoy (1982), l'un des plus ambitieux, instaure le budget global (enveloppe financière annuelle) dans les hôpitaux publics, taxe le tabac et l'alcool, crée une taxe sur la publicité pharmaceutique. Il étend aussi le forfait hospitalier.

• Le plan Delors (1983) instaure un prélèvement exceptionnel de 1 % sur tous les revenus imposables, ouvrant ainsi la voie à la CSG.

• Les plans Séguin (1986-1987), parmi les plus drastiques, suppriment le remboursement des soins à 100 % autres que ceux qui sont liés à la maladie ayant donné droit à l'exonération totale du ticket modérateur. À cela s'ajoute l'indexation des retraites sur les prix et un prélèvement exceptionnel de 0,4 % sur les revenus.

• Les plans Evin (1988 et 1990) déremboursent les antiasthéniques, augmentent la taxe sur la publicité pharmaceutique et, surtout, en 1990, jettent les bases des accords d'encadrement de l'activité de certaines professions, comme les biologistes et les radiologues.La situation restera à peu près saine jusqu'en 1985 et supportable jusqu'en 1990. En 1991, Michel Rocard crée la CSG, mais baisse d'autres cotisations pour que la réforme se fasse à prélèvements constants.

• Le plan Bianco (1991) prévoit une hausse de 0,9 % de la cotisation maladie des salariés et un encadrement des dépenses des cliniques et des infirmières libérales. Le forfait hospitalier passe de 33 à 50 francs par jour.

• Le plan Veil (1993) augmente la CSG de 1,3 point (elle passe à 2,4 points) et réduit de 5 points la prise en charge des soins de ville : la consultation d'un généraliste n'est plus remboursée qu'à 70 % et les médicaments à 65 % ou 35 %. Le forfait hospitalier passe à 55 francs. Par ailleurs, Edouard Balladur engage une réforme des retraites (voir ci-contre).

• Le plan Juppé, de loin le plus ambitieux, engage une réforme institutionnelle profonde de la Sécurité sociale (voir page suivante).

• S'il n'y a pas à proprement parler de « plans Aubry », la ministre de l'Emploi et de la Solidarité a égrené, de 1997 à 1999, des mesures importantes. Elle crée un fonds de réserves afin de limiter les hausses de cotisations nécessaires à l'équilibre des caisses de retraite à partir de 2005 ; début 2001, ce fonds pourrait gérer entre 15 et 20 milliards de francs. Elle a renforcé les pouvoirs de la CNAM (Caisse nationale d'assurance maladie) en lui confiant le soin de sanctionner les médecins dont l'activité dérape. Elle a décidé de ne plus rembourser que les médicaments dont l'efficacité thérapeutique est avérée. Elle a poursuivi la refonte de la carte sanitaire en favorisant la mise en réseau des hôpitaux, chaque établissement ne pouvant plus tout faire. Enfin elle a réduit les avantages familiaux en abaissant le plafond du quotient familial, pénalisant ainsi les hauts revenus.

La question de l'assiette

Dans l'ensemble des pays développés, le débat sur le mode de financement de la protection sociale a été très vif dans les années 1990. En France, la question a surtout été de savoir s'il existe un socle plus solide que les seuls salaires pour asseoir durablement ce financement. L'assiette a déjà été élargie, au profit des salariés : le gouvernement d'Alain Juppé et surtout celui de Lionel Jospin ont remplacé la cotisation maladie des salariés par la contribution sociale généralisée (CSG), qui touche aussi les revenus du patrimoine et du capital.Le souci de trouver un financement à la fois plus pérenne et plus favorable à l'emploi (notamment des non-qualifiés) a aussi relancé le débat sur les cotisations patronales, qui assurent la plus grosse part des recettes des régimes sociaux : les entreprises à forte valeur ajoutée mais à faible main-d'œuvre ne doivent-elles pas contribuer davantage au financement de la protection sociale ? Certains experts redoutent qu'une telle réforme ne pénalise le développement des entreprises dans les secteurs de haute technologie (biotechnologies, informatique, télécommunications…).

Le plan Juppé

Que reste-t-il du plan de réforme de la Sécurité sociale qu'Alain Juppé a présenté à l'Assemblée nationale le 15 novembre 1995 ? Le Premier ministre déclarait alors que, cinquante ans après sa création par l'ordonnance du 4 octobre 1945, il entreprenait une véritable « refonda-tion » de la Sécurité sociale. Élaboré par un groupe très restreint d'experts, arbitré dans ses grandes lignes par Jacques Chirac et Alain Juppé, ce plan fut rejeté par les syndicats de la fonction publique, qui s'opposèrent à toute réforme des régimes de retraite des fonctionnaires et des salariés des entreprises publiques. Sous la pression de la rue (grèves et manifestations de novembre-décembre 1995), il fut abandonné.

En butte à l'hostilité du mouvement familial, M. Juppé renonça aussi à son projet de soumettre les allocations familiales à des conditions de ressources ( mesure appliquée au cours de l'année 1998 par M. Jospin  ) ou de les intégrer dans les revenus imposables. La réforme des cotisations patronales, visant à en diversifier l'assiette, ne vit pas le jour, pas plus qu'un « régime universel d'assurance-maladie » censé verser des prestations identiques à tous, en lieu et place des dix-neuf régimes existants. Le plan prévoyait également la mise en place d'un système d'épargne-retraite : voté en février 1997, il est resté lettre morte puisque la gauche, revenue au pouvoir en juin 1997, en a gelé les décrets d'application. Enfin, faute de moyens, M. Juppé a dû reporter la création d'une véritable prestation pour les personnes âgées dépendantes.