Dictionnaire de l'économie 2000Éd. 2000
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Allemagne (suite)

En 1815, le congrès de Vienne institua la Confédération germanique, qui entérinait l'éclatement du Saint Empire en créant 39 États autonomes, parmi lesquels l'Autriche et la Prusse. Celle-ci s'efforça de fédérer autour d'elle (et contre l'Autriche) les États de l'Allemagne du Nord. Elle créa en 1833 le « Zollverein », zone de libre-échange protégée de la concurrence extérieure par un tarif douanier protectionniste. En 1842, le Zollverein regroupait 25 États et représentait un marché de 26 millions de personnes. Il permit à l'industrie prussienne de trouver des débouchés importants et de se développer rapidement. Grâce à la puissance des canons Krupp, la Prusse put écraser l'Autriche en 1866 et la France en 1870. Ces victoires permirent à Guillaume Ier de Prusse de se proclamer empereur d'Allemagne. La politique pangermanique du chancelier Bismarck avait atteint son but : l'unification des États allemands, sous l'égide prussienne.

L'essor de l'Allemagne industrielle

La production industrielle allemande s'éleva rapidement à la fin du xixe siècle ; elle représentait environ 16 % de la production mondiale au début du xxe siècle (contre 15 % environ pour la Grande-Bretagne et 6,5 % pour la France), faisant de l'Allemagne la deuxième puissance industrielle du monde.

Ce développement s'explique par le dynamisme de grandes entreprises modernes, telles I.G. Farben et Hoescht (chimie industrielle et pharmacie), regroupées en « konzern » et bénéficiant souvent de commandes publiques (industries d'armement...). Il provient aussi de la créativité de grands capitaines d'industrie : la famille Krupp (armement lourd, chimie, métallurgie...), August Thyssen (aciérie), Bayer (chimie, pharmacie), les frères Siemens (mines, acier, verrerie, électricité, télégraphie...), Daimler (co-inventeur du moteur à essence) et Benz pour l'automobile...

L'entre-deux-guerres

En 1918, l'Allemagne comptait environ 1,8 million de morts et autant de blessés ; l'effort financier dû à la guerre et aux réparations provoqua une forte inflation et un endettement important de l'État.

Aussi, une spéculation contre le mark se déclencha au début des années 1920 et dégénéra en une dramatique hyperinflation : fin 1923, le mark-or, qui valait 2 marks-papier en 1919, s'échangeait contre 1 000 milliards de marks-papier ! La situation financière se rétablit cependant en 1924 et la croissance put reprendre. Mais l'Allemagne fut bientôt profondément touchée par la crise de 1929. La baisse de l'activité et des exportations s'accompagna d'une montée du chômage (6 millions de personnes en 1932), tandis que resurgissaient les problèmes financiers (dûs en partie au rapatriement des capitaux étrangers).

Cela contribua à l'arrivée au pouvoir, en janvier 1933, de Hitler, qui mena une politique volontariste de relance de l'activité et de l'emploi, grâce en particulier à des dépenses publiques dans les domaines de l'armement et des infrastructures (construction d'autoroutes...). Hitler obligea les grands groupes industriels à s'organiser (loi de cartellisation obligatoire, juillet 1933), supprima les syndicats ouvriers et contrôla les salaires, afin de rétablir les profits des entreprises. Il chercha également à procurer à l'Allemagne son espace vital (Lebensraum) en étendant son emprise sur les pays limitrophes et en fournissant des marchés, des matières premières et des réserves métalliques.

En 1939, sous l'impulsion du ministre de l'Économie Hjalmar Schacht, l'Allemagne était totalement sortie de la crise et disposait d'un potentiel industriel et militaire considérable.

La nouvelle Allemagne démocratique

En 1945, l'Allemagne, meurtrie, en partie détruite et divisée, engagea un processus de reconstruction qui porta ses fruits d'une manière spectaculaire. La capacité de production industrielle fut rétablie et les entreprises furent modernisées ; l'inflation une fois maîtrisée, le solde du commerce extérieur devint bientôt positif et le mark s'affirma comme une monnaie forte. Cette réussite s'explique par l'héritage industriel du pays, mais aussi par le consensus social basé sur la reconnaissance des droits syndicaux (pouvant aller jusqu'à la cogestion des entreprises), sur la prévention des conflits sociaux et sur le rôle protecteur de l'État, qui renforça l'efficacité du système et permit l'élévation du niveau de vie de toutes les catégories de salariés.

Ces traits ont amené à parler de « modèle rhénan » pour définir l'originalité allemande, conciliant l'économie de marché, la négociation collective et la redistribution des revenus par l'État (« économie sociale de marché » prônée par Ludwig Erhard). Dans ce cadre, l'État assure une gestion orthodoxe de l'économie, en particulier sur le plan monétaire (la défense de la valeur du mark étant considérée comme une priorité).

L'ex-RDA

La République démocratique allemande naquit officiellement le 7 octobre 1949, après quatre ans et demi d'occupation soviétique. Cette partie est de l'ancien IIIe Reich, représentant environ un tiers de sa superficie, resta l'un des pays du bloc de l'Est le plus industrialisé, malgré le démantèlement d'usines opéré par l'URSS. Mais au moment de la réunification de 1990 (faisant suite à la chute du « mur de Berlin »), l'important écart de développement entre les deux Allemagnes posa divers problèmes : un transfert financier important s'opéra de l'Ouest vers l'Est (passant de 106 milliards de marks en 1990 à 141 milliards en 1998), qui pesa sur les finances publiques du pays ; le taux de chômage élevé à l'Est (touchant 20 % de la population) accrut le poids de la question sociale ; l'adoption d'une monnaie unique dans tout le pays posa la question de la crédibilité du mark, ce qui n'eut cependant pas un effet aussi grave que celui que l'on redoutait.

Cette réunification a ressoudé la nation allemande et créé un vaste marché de 80 millions de personnes. Mais les disparités internes (faible productivité des entreprises et insuffisance des équipements collectifs à l'Est, écarts importants de salaires entre Est et Ouest) restent préoccupantes et peuvent déboucher sur de vives tensions sociales si la croissance ne redevient pas forte et créatrice d'emplois.