Dictionnaire de l'économie 2000Éd. 2000
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Santé (suite)

Ces écarts se doublent d'inégalités sociales. Selon le Centre de recherche, d'étude et de documentation en économie de la santé (CREDES), 23 % des assurés sociaux ont dû renoncer au cours de leur vie à certains soins (dentaires, optiques et prothèses). De plus, si l'espérance de vie progresse dans toutes les couches de la population, les classes aisées en profitent plus que les catégories modestes : à 35 ans, les cadres hommes et les membres des professions libérales ont une espérance de vie moyenne de 44,5 ans, alors qu'elle n'est que de 37 ans pour les ouvriers non qualifiés. Enfin, l'inégalité hommes-femmes devant la mort ne recule pas.

Des assurés mal remboursés

Des Français sont de moins en moins bien remboursés par les caisses d'assurance-maladie : la Sécurité sociale, qui prenait en charge 76,5 % des dépenses de santé en 1980, n'en rembourse plus que 75,5 % en 1998, alors que les dépenses ont plus que doublé. Cette baisse est notamment liée à la réduction de 5 % du remboursement des consultations et des prescriptions des médecins en août 1993. Elle avait été précédée, au cours des années 1980, par l'instauration du secteur à honoraires libres pour les médecins libéraux (1980), par celle d'un forfait journalier à l'hôpital (71 francs) et par une baisse de la prise en charge de nombreux médicaments. Dans le même temps, de plus en plus de Français ont accédé à une mutuelle complémentaire. Mutuelles, compagnies d'assurances et institutions de prévoyance remboursent 12 % du total des dépenses. 85 % des Français ont une couverture complémentaire.

Les caisses de la Sécurité sociale ne veulent plus être des « payeurs aveu-gles ». D'ici à la fin 2000, toute la pharmacopée aura été passée au peigne fin. Les produits à l'efficacité thérapeutique faible ou nulle ne seront plus remboursés, ou ils le seront plus mal. Une première liste de 1 100 produits (cardio-vasculaires, nutrition et métabolisme, rhumatologie et psychiatrie) a déjà été passée au crible par l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé. Conclusion : un quart d'entre eux (270), parfois parmi les plus prescrits, n'ont pas fait la preuve de leur efficacité.

Les morts prématurées liées au tabac et à l'alcool (environ 100 000 par an) ainsi qu'aux accidents de la route et aux suicides ne reculent pas. Le Haut Comité de la santé publique estime qu'une amélioration de la prévention et une réduction des conduites à risques permettraient de diminuer de 50 % le nombre de ces décès prématurés.

La couverture vaccinale s'est étendue à la quasi-totalité de la population, les techniques médicales (échographie, scanner, procréation médicalement assistée…) et les médicaments innovants (ciclosporine, trithérapies anti-sida…) ont connu une large diffusion et l'« espérance de vie sans incapacité » s'est accrue. Le poste « santé » des ménages est celui qui a le plus augmenté depuis la fin des années 1980.

Pourtant, une part importante des dépenses médicales des ménages français demeure à leur charge, la Sécurité sociale ne remboursant plus que 75,5 % des dépenses de santé (89,7 % pour les dépenses hospitalières et 65,7 % pour les soins de ville). Celles-ci ont atteint près de 730 milliards de francs en 1997.

Une réforme nécessaire mais difficile

La rationalisation du système de soins aura un coût, notamment en termes d'emplois. « L'excédent d'offres de soins commence à pouvoir être chiffré de façon sérieuse par secteur : environ 230 000 emplois ne correspondent pas à une utilité médicale », écrit Gilles Johanet dans Sécurité sociale : l'échec et le défi (Seuil, 1998). Fermer les lits d'hôpitaux excédentaires, c'est une suppression nette de 130 000 emplois. Éliminer de la gamme des médicaments les produits qui ne méritent pas ce nom entraînera la disparition de 25 000 emplois. Réduire le nombre de praticiens libéraux en excès d'environ 20 000 actuellement supprimera 30 000 emplois. L'assurance-maladie elle-même, qui a déjà supprimé près de 10 000 emplois de 1984 à 1993, en supprimera autant avec l'informatisation.

La forte concentration des dépenses de santé

Les dépenses de santé sont très concentrées. Dans une étude publiée en août 1999 sur la base d'un échantillon de 4 517 personnes (Concentration des dépenses et grands consommateurs de soins médicaux), le Centre de recherche, d'étude et de documentation en économie de la santé (CREDES) indique qu'en 1995 le quart de la population avait absorbé 80 % des dépenses médicales et que 5 % des assurés étaient responsables de 47 % de ces dépenses. En 1995, les grands consommateurs (10 % des assurés) dépensaient en moyenne 48 300 francs par personne et par an. Dans le groupe correspondant aux 5 % des plus grands consommateurs, l'« ordonnance » pouvait atteindre 669 146 francs pour une seule année.

Le vieillissement de la population impose de développer la prise en charge des handicaps, de la dépendance, des maladies chroniques et des soins palliatifs (traitement de la douleur, aide aux malades en fin de vie…). Enfin, il est urgent de réduire les inégalités sociales par des politiques très ciblées en direction des populations les plus défavorisées. Au système de soins, où le curatif est très largement dominant, doit se substituer un système de santé au sens plein du terme. Autrement dit, un système dans lequel la prévention – peu reconnue dans la culture médicale française – aurait toute sa place.

J.-M. B.

➙ Consommation, déficits sociaux, protection sociale, Sécurité sociale

Sauvy (Alfred)

Économiste et démographe français (1898-1990), inventeur du terme « tiers-monde ».

« Car, enfin, ce tiers-monde, ignoré, exploité, méprisé, comme le tiers État, veut lui aussi être quelque chose » (l'Observateur politique, économique et littéraire, le 14 août 1952).

Personnalité multiple (économiste, statisticien, historien, journaliste, écrivain, essayiste, professeur, conseiller du prince), Alfred Sauvy a été l'un des fondateurs de la science conjoncturelle en France, mais c'est surtout pour son renouvellement de la démographie qu'il est connu. Il fonde, en 1945, l'Institut national d'études démographiques (INED) et crée la revue Population, qui ouvre la démographie aux autres sciences sociales, notamment l'histoire. Farouche antimalthusien, il élabore notamment le concept d'« optimum de population ». Journaliste, il collabore au Monde jusqu'à sa mort. Parmi ses nombreux ouvrages, on note particulièrement Théorie générale de la population (1954 ) et Histoire économique de la France entre les deux guerres (1965).

J.-M. F.

➙ Démographie, (T. R.) Malthus