Dictionnaire de l'économie 2000Éd. 2000
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France (suite)

Cette situation délicate suscita la mise en œuvre d'une politique économique dite « de rigueur » à partir de 1983. Le gouvernement socialiste, constitué en 1981, qui avait fait de la lutte contre le chômage son objectif principal, s'orienta alors vers la désinflation, afin de restaurer la compétitivité-prix des produits français.

Cette politique consista à maîtriser les coûts salariaux (après les hausses des bas salaires accordées en 1981), à réduire le déficit budgétaire (accru pour relancer l'économie en 1981-1982) et à restreindre la création monétaire. Les résultats de cette nouvelle logique économique, poursuivie depuis lors par tous les gouvernements, furent spectaculaires en ce qui concerne l'inflation et le commerce extérieur : le taux d'inflation baissa de 13,5 % en 1980 à 2,5 % dix ans après, et resta inférieur à 1,5 % à partir du milieu des années 1990. Le solde du commerce extérieur en biens (énergie comprise) devint positif en 1993 et dépassa 100 milliards de francs en 1996.

Parallèlement, la situation financière de la plupart des entreprises, fortement dégradée à la fin des années 1970, se redressa elle aussi (le taux de rendement du capital des entreprises industrielles passant de 10 % environ en 1980 à plus de 15 % en 1995).

Le commerce extérieur français

La France possède un solde commercial excédentaire depuis 1992, grâce à la politique de désinflation compétitive qui stimule les exportations et, en limitant la hausse des salaires, freine la consommation, donc les importations. Cet excédent global correspond à des déficits dans la branche énergétique, dans celle des métaux non ferreux, dans les secteurs traditionnels (textile, bois) et dans la filière électronique. Les autres filières industrielles et le secteur de l'agroalimentaire sont excédentaires. Les spécialisations françaises industrielles se situent dans les mêmes créneaux que l'Allemagne mais sont beaucoup moins marquées. Ainsi, la position de marché de la France (solde divisé par les exportations mondiales) dans la branche automobile en 1997 est de 1,1 %, alors que celle de l'Allemagne s'élève à 9,2 %. Cet écart, qu'on retrouve dans les filières de la chimie, de la mécanique ou du matériel électrique, révèle l'existence d'un moindre engagement de la France, par rapport à l'Allemagne, dans les secteurs de haute et moyenne technologie. La comparaison avec le Japon ferait apparaître des écarts encore plus importants. Par rapport à ces deux poids lourds du commerce mondial, la France donne l'image d'un pays plus diversifié, dont les excédents industriels sont plus modestes mais qui dépend moins de l'extérieur pour ses approvisionnements, notamment énergétiques.

Mais ce redressement de l'économie française ne fut que partiel : la croissance resta lente et le chômage ne se réduisit que faiblement à la fin des années 1990. De plus, le développement du travail précaire, les départs en préretraite, les contrats de formation, le nombre important de bénéficiaires du RMI (1 million de personnes) masquent une dégradation globale plus forte de la situation de l'emploi : aux 3 millions de chômeurs recensés en 1997-1998 s'ajoute un nombre sensiblement équivalent de « chômeurs cachés ».

France

Population : 59 080 000 hab.

PNB (1998) : 1 403,97 milliards de $

PNB/hab.  : 26 300 $

Structure de la population active : agriculture 4,5 %, mines et industrie 25,6 %, services 69,9 %

Dette publique brute : 66,5 % du PIB

Taux de chômage : 11,8 %

Pourtant, la France reste à l'orée du xxie siècle la quatrième puissance industrielle du monde, derrière les États-Inis, le Japon et l'Allemagne.

Sa capacité d'innovation dans le domaine industriel (automobile, industries mécaniques, espace), dans celui des transports (TGV, aéronautique), dans le secteur des télécommunications (téléphone, Minitel...), dans celui de la recherche fondamentale (médecine, physique, chimie, mathématiques...), ainsi que la tenue de sa monnaie au sein de la nouvelle Union économique et monétaire européenne laissent à penser qu'elle peut continuer à occuper la place qui fut la sienne depuis les débuts de la révolution industrielle.

Un capitalisme français « transnational ? »

En 1999, la part des étrangers (essentiellement anglo-saxons) dans la capitalisation de la Bourse de Paris atteignait 40 % (contre 10 % en 1985). Cette part était de l'ordre de 7 % à New York, de 10 % à Tokyo et Francfort et de 16 % à Londres. Comment en est-on arrivé là ?

• Les Français n'aiment pas la Bourse et n'y ont jamais été réellement incités par une fiscalité qui est toujours demeurée dissuasive par rapport aux pratiques étrangères.

• L'État était le principal émetteur de titres sur le marché français pour financer ses propres dépenses. L'épargnant français, culturellement rétif au risque, préférait confier son argent à la puissance publique sous forme de bons du Trésor et d'OAT (obligations assimilables du Trésor), par ailleurs favorisés fiscalement.

L'exception française, c'était aussi cela : une épargne très forte qui s'investit dans les placements de « bon père de famille » (épargne-logement, assurance-vie), en évitant les dangers de la Bourse et des actions. Les entreprises françaises devaient donc chercher leur financement ailleurs. Traditionnellement, elles avaient recours aux banques, elles-mêmes largement contrôlées par l'État. Depuis que le capitalisme « de gui- chet » a été remplacé par le capitalisme « de marché », il a fallu trouver l'argent en dehors des frontières.

Mais durant les années 1990 l'attirance pour la Bourse s'est développée en France, les plus-values boursières exceptionnelles (de l'ordre de 30 % par an) étant de nature à rassurer les épargnants et à susciter un nouvel esprit « boursicoteur ».

On peut toutefois se demander si la France gardera son originalité, constituée par une synthèse des pratiques libérales et interventionnistes. Après l'expérience socialiste à contre-courant de 1981-1982, illustrant une nouvelle fois la « spécificité fran- çaise » et qui étendait la sphère des activités contrôlées par l'État, les dénationalisations effectués depuis 1986 et l'acceptation du jeu de la concurrence et de l'économie de marché peuvent conduire à « banaliser » le modèle français et à le rapprocher des autres économies engagées dans la voie de la mondialisation

P. B.

➙ Banque de France, CAC 40, colbertisme, franc, INSEE, planification, Trente Glorieuses