Dictionnaire de l'économie 2000Éd. 2000
A

Amérique latine (suite)

La dévaluation forcée du real brésilien (provoquée par la chute des réserves de change), début 1999, qui était largement une conséquence de la crise financière asiatique de 1997, a été surnommée Samba, du nom de la danse latine. Les difficultés économiques du Brésil ont laissé l'Argentine encore plus isolée avec son taux de change fixe entre peso argentin et dollar : ses produits restent au même prix (1 dollar pour 1 peso) tandis que ceux du Brésil ont subitement diminué de plus d'un tiers. Après avoir atteint 18 milliards de dollars en 1997, le commerce bilatéral a chuté à 13 milliards en 1999.

Ces choix monétaires distincts rendent l'unification de la région encore plus délicate.

• la vulnérabilité envers les prix des matières premières. Le Chili, par exemple, tire du seul cuivre 40 % de ses recettes d'exportations. Le Mexique, le Venezuela, la Colombie et l'Équateur sont exportateurs de pétrole, donc très dépendants de son cours. À l'inverse, le Brésil souffre d'une crise énergétique chronique. À côté de bassins industriels performants, des petits planteurs de café, de canne à sucre ou de banane forment des couches sociales fragiles ;

• le caractère très inégalitaire des sociétés latino-américaines et l'existence de poches de grande pauvreté : les images des bidonvilles de Rio de Janeiro, de Bogotá ou de Caracas sont dans tous les esprits. Le Chili est l'un des sept pays les plus inégalitaires du monde : les 10 % des Chiliens les plus riches reçoivent des revenus trente fois supérieurs à ceux des 10 % les plus défavorisés (cet écart dit « interdécile » s'élève à cinq en France). Les révoltes de paysans sans terre, conflits qui semblent d'un autre âge, sont fréquentes au Brésil ;

• les difficultés politiques liées au rapprochement des États, malgré l'émergence de blocs commerciaux (ALENA, Mercosur, Pacte andin). Ainsi, le pouvoir exercé par les États-Unis sur l'ALENA est tout à fait tolérable pour le Mexique, alors que le Brésil, principal pilier du Mercosur, se méfie beaucoup des États-Unis. Les régimes de changes sont également disparates, du flottement total à la dollarisation des monnaies. Rien d'étonnant à ce que le projet américain d'un grand bloc commercial « de l'Alaska à la Terre de Feu » d'ici à 2005 soit encore embryonnaire. De plus, les démocraties sont encore fragiles.

La CECA du « cône sud » ?

L'aventure de l'unification européenne est née grâce à l'énergie. En 1952 était créée la CECA (Communauté européenne du charbon et de l'acier), sur la base de laquelle allaient naître, en 1957, la CEE (Communauté économique européenne)... puis l'euro en 1999.

Un scénario similaire est-il en train d'être écrit en Amérique latine ? L'énergie joue un rôle pivot dans la dynamique régionale. Le Brésil (véritable géant représentant près de 80 % de la production du Mercosur) souffre d'un déficit énergétique important. L'Argentine, au contraire, est riche en pétrole et en gaz naturel (de même que le Venezuela ou le Mexique). De grands projets comme le barrage hydroélectrique d'Itaipú ou la première tranche du gazoduc de Bolivie vers le Brésil (entrée en service en 1999) voient le jour.

Le rapprochement des économies du « cône sud » engendré par la création du Mercosur, en 1995, offre une perspective de croissance régionale solide. Autour du Brésil, les différents pays du marché commun ont des complémentarités qui doivent permettre à leurs économies de profiter les unes des autres. Et les importants travaux ferroviaires en cours doivent permettre une meilleure circulation des biens dans la zone.

Il faut aussi noter l'importance de la culture et du trafic de la drogue, les revenus de la cocaïne atteignant parfois 10 % de la production nationale. Certains États, comme le Pérou ou la Bolivie, ont réduit leur production, mais c'est loin d'être le cas en Colombie, par exemple. La région andine produit environ 700 tonnes de cocaïne par an ; elle alimente ainsi les consommations illégales dans le monde industriel, encourage les enrichissements illicites et les fuites de capitaux.

F. L.

➙ ALENA, dette, Mercosur

AMI (Accord multilatéral sur l'investissement)

Projet d'accord visant à libéraliser les mouvements de capitaux dans le monde.

En mai 1995, des négociations furent lancées entre 29 pays, sous l'égide de l'OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques), pour faciliter les investissements directs. L'objectif était de parvenir à la signature d'un accord, baptisé AMI, qui permettrait d'établir un code de libéralisation des mouvements de capitaux entre pays et un dispositif de règlement des différends entre investisseurs et États d'accueil. Il existe en effet encore beaucoup de barrières aux entrées de capitaux : prises de participation limitées, obligations de contenu local, obligation pour les filiales étrangères d'exporter une quantité minimale de leur production. Durant les négociations, beaucoup d'obstacles surgirent. Les pays européens souhaitaient que les dispositions nouvelles ne s'appliquent pas aux industries de la culture que l'Organisation mondiale du commerce (OMC) leur permet de protéger. Ils demandaient en revanche que les États-Unis suppriment leurs mesures de rétorsion à l'égard des firmes qui veulent investir à Cuba, en Libye et en Iran (loi D'Amato et Helms-Burton). Faute de consensus, l'accord fut reporté sine die en février 1998.

B. G.

Amin (Samir)

Économiste égyptien, né en 1931. Marxiste hétérodoxe, c'est un des principaux théoriciens de l'économie du développement des années 1970-1980.

Transposant les analyses marxistes à l'échelle internationale, il développe une vision du monde hiérarchisé entre « centres » capitalistes dominants et « périphéries » dominées. Dans cette optique, le sous-développement des périphéries fait partie intégrante du processus d'accumulation mondiale, qui privilégie le développement des « centres ». Parmi les mécanismes assurant cette domination, l'échange inégal occupe une place centrale, en favorisant un transfert vers le centre des richesses produites dans les périphéries. La concentration des centres de décision financière dans les pays du centre prive également les périphéries de leur pouvoir de décision et entrave l'émergence de bourgeoisies industrielles dans les périphéries. Par ses analyses, S. Amin a été logiquement amené à recommander une déconnexion des périphéries par rapport au centre. Son ouvrage principal, l'Accumulation à l'échelle mondiale, a été publié en 1970.

J.-M. F.

➙ Dépendance, échange inégal, périphérie