Dictionnaire de l'économie 2000Éd. 2000
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Précarité (suite)

Une situation en voie d'extension

La précarisation de l'emploi, qui tend à retarder le moment de l'autonomie financière, contribue aussi à différer le départ des jeunes adultes du domicile parental. Par ailleurs, certains chercheurs s'inquiètent des répercussions sur la santé – physique et psychique – des salariés « précaires », en particulier les hommes.

Le temps partiel, encouragé par les mesures d'allégement des charges patronales, coïncide souvent avec des formes d'emploi précaire. Dans le secteur privé, le temps partiel concerne près de 20 % des salariés (majoritairement des femmes), mais il s'agit de moins en moins d'une formule volontairement choisie : la proportion de ces salariés qui souhaiteraient travailler davantage est passée de 28 % en 1991 à 38,5 % en 1998.

L'extension de ces formes d'emploi est de moins en moins réservée aux jeunes ou aux non-diplômés. L'âge ainsi que le niveau de qualification des personnes travaillant en intérim ou avec un contrat à durée déterminée s'élèvent de façon régulière depuis 1990, se rapprochant de la structure de l'ensemble de la population active. De même, la fonction publique n'est pas à l'abri des formes de précarité. Les vacataires et autres non-titulaires sont largement présents dans les services de l'État mais aussi dans les hôpitaux et les collectivités locales

J.-M. N.

➙ CDD, flexibilité, pauvreté, qualification

Préférencepour la liquidité

Comportement privilégiant la détention des actifs financiers les plus liquides (c'est-à-dire immédiatement disponibles).

Par ce principe, Keynes a expliqué qu'il est rationnel de préférer conserver de la monnaie et des actifs liquides (livret A, épargne-logement) peu rémunérés plutôt que des actifs mieux rémunérés mais moins liquides, dont la valeur risque de baisser lorsque le taux d'intérêt augmente (le cours des obligations à 5 % baisse si de nouvelles obligations sont émises à 6 %)

P. L.

➙ Agrégats monétaires, arbitrage, dépréciation, finance, incertitude, liquidité, moyens de paiement, placement, plus-value, spéculation

Prélèvements obligatoires

Les partisans d'une baisse drastique des prélèvements obligatoires utilisent souvent cette image : les Français travaillent pour l'État la moitié de la semaine, et ils ne commencent à le faire pour eux-mêmes que le mercredi après-midi. En clair, 50 % de leurs ressources seraient prélevées par l'État et les organismes sociaux.

Les « PO » sont constitués par l'ensemble des cotisations sociales, des taxes et des impôts (y compris ceux qui sont reversés aux collectivités locales et à l'Union européenne) auxquels les entreprises, les salariés et les ménages sont assujettis. Le taux des prélèvements obligatoires est le rapport de ces prélèvements au produit intérieur brut (PIB).

Un    constat    n'est    pas    discutable    : les prélèvements obligatoires n'ont cessé de progresser au cours des dernières décennies, surtout en raison de la progression des dépenses sociales (retraites, maladie, chômage), et ils situent la France dans les pays où les prélèvements sont les plus importants. En 1970, ceux-ci représentaient 35,1 % du produit intérieur brut (PIB) et 41,7 % dix ans plus tard, selon l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE). En 1998, leur taux a atteint 44,9 % et ils représentaient une somme de 3 848 milliards de francs. En 1999, il devait battre un record (45,3 %) en raison de bonnes rentrées fiscales liées à une activité économique soutenue.

En trente ans, l'augmentation continue des prélèvements s'est accompagnée d'un changement dans leur structure : la part des cotisations a progressé, reflétant l'accroissement de l'effort social de la nation ; celle des impôts s'est stabilisée (si l'on excepte la montée en puissance de la CSG). Entre 1973 et 1984, le taux des fameux « PO » passe de 35,1 % à 44,6 %, et la quasi-totalité de la hausse est imputable aux cotisations sociales : en 1970-1975, les impôts représentaient 59,2 % des prélèvements, les cotisations sociales, 39 %, et le prélèvement au profit de l'Europe, 1,8 % ; en 1995, les parts sont respectivement de 51,5 %, 46,2 % et 2,3 %. Dans son ouvrage Politiques sociales (Presses de Sciences po et Dalloz, 1997), Marie-Thérèse Join-Lambert rappelle que les gouvernements de gauche et de droite ont « fait porter l'ajustement à la hausse des cotisations davantage sur les revenus des ménages que sur les capacités de financement des entreprises ».La notion de prélèvements obligatoires doit être maniée avec précaution : dans certains pays, des dépenses sociales prises en charge par les entreprises ne sont pas comptabilisées dans les prélèvements obligatoires, alors qu'en France l'essentiel  de  ces  dépenses  est  socialisé  et  inclus  dans les prélèvements obligatoires. Cette notion est également ambiguë, puisqu'elle recouvre deux types de prélèvements, aux objectifs et aux effets économiques différents : les impôts (sauf la CSG) servent à financer des dépenses courantes de l'État et des collectivités territoriales (armée, éducation, police, aide sociale, etc.), et des investissements publics (routes, équipements militaires...) ; à l'inverse, cotisations sociales et CSG sont immédiatement redistribuées sous forme de pensions, de remboursements de frais médicaux, d'allocations familiales ou d'indemnités chômage, ces prestations représentant plus du tiers (36 %) du revenu total des ménages français.

Les fluctuations du débat sur la « baisse des PO »

Le taux de pression fiscale et sociale n'en est pas moins très fort. Le débat sur la baisse des prélèvements obligatoires a pris corps dès 1973, avec le premier choc pétrolier. « Dans une période où le problème des coûts était relativement second par rapport au problème de la demande, l'augmentation régulière des prélèvements obligatoires n'était pas dangereuse pour l'évolution de l'économie et avait même plutôt un effet positif dans la mesure où elle obligeait l'économie à une espèce de fuite en avant permanente, quitte à ce que cela se fasse aux dépens de la stabilité des prix », résumait Jean-Baptiste de Foucauld, alors commissaire adjoint au Plan, dans la revue Droit social (mars 1990). « Au contraire, depuis 1973, nous sommes dans une situation complètement différente : pour produire, il faut produire moins cher et mieux que les autres. Dans un tel contexte, l'élément coût du prélèvement obligatoire devient beaucoup plus important que l'élément soutien de la demande. »La baisse des prélèvements obligatoires ne fait plus vraiment débat dans le monde politique. La droite est acquise depuis longtemps à cette idée, qui fait partie de sa doctrine économique. Alors président de la République, Valéry Giscard d'Estaing assurait que, en passant la barre des 40 % de prélèvements sur la richesse créée, la France basculerait dans le socialisme. Tout en se montrant plus mesurée, la gauche s'est peu à peu convertie à l'idée d'une réduction de la pression fiscale et sociale. Dans sa déclaration de politique générale, le 19 juin 1997, Lionel Jospin avait promis la « sta- bilisation » des PO. Le Premier ministre envisageait même – « si la croissance le permet », précisait-il – de « les diminuer ». Le ministre de l'Économie et des Finances a réaffirmé, au cours de l'année 1999, qu'il souhaitait réduire les impôts directs (impôt sur le revenu et taxe d'habitation). Le gouvernement envisageait de baisser d'abord la taxe d'habitation dès l'au- tomne 2000.