Dictionnaire de l'économie 2000Éd. 2000
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Patrimoine (suite)

Cependant, l'INSEE montre que le fameux « ascenseur social », qui veut qu'une génération soit plus aisée que la précédente, est en panne depuis le début des années 1980 : les générations d'avant 1945 disposent d'un niveau de revenus et d'un patrimoine supérieurs à celui des générations précédentes, ce qui n'est pas vrai des générations nées après la Seconde Guerre mondiale. À l'inverse des années 1970, où la croissance des revenus concernait toutes les tranches d'âge, on assiste à un changement depuis près de vingt ans : « Pour les plus âgés, le revenu poursuit sa progression, tandis qu'il cesse de croître pour les plus jeunes. » Autrement dit, les ménages de 25-35 ans ont à la fin du siècle le même revenu (par unité de consommation et en francs constants) que ceux qui avaient le même âge il y a dix ou vingt ans.

À chaque âge son patrimoine

L'âge constitue un élément essentiel dans l'évolution d'un bilan patrimonial :

• 25-35 ans : la situation est simple. La carrière professionnelle commence, les revenus sont plutôt modestes, on vit encore seul ou en concubinage plus ou moins stable, au moins jusqu'à la naissance d'enfants. On se préoccupe surtout de se loger, de se meubler, d'acquérir un véhicule ou d'en changer. De nombreux conseils préconisent de placer en Bourse à cet âge, parce que c'est très rentable sur dix ou vingt ans et que les jeunes ont du temps. D'autres préconisent l'achat d'un studio.

• 35-45 ans : cette période de relative stabilité familiale et professionnelle permet également d'épargner. La préoccupation est tournée vers l'acquisition de la résidence principale. On veut également disposer de ressources financières suffisantes pour préparer les études des enfants. Le temps vient pour certains de souscrire une assurance-vie.

• 45-55 ans : c'est le moment d'évaluer le futur niveau de retraite, de fixer ses objectifs de transmission, ses garanties décès ou dépendance, souscrites dans le cadre professionnel de préférence, ou sinon à titre personnel.

• 55 et 65 ans : le temps vient d'aider financièrement les enfants à s'installer dans la vie, d'acheter un logement ou une voiture, tout en confortant les placements financiers en vue d'avoir un complément de retraite.

• Au-delà de 65 ans : les premières années de la retraite permettent de profiter du temps libre, de s'occuper de sa santé et de son épargne. Vient également le temps de préparer sa succession et la transmission de ses biens par donation pour éviter de trop lourds prélèvements fiscaux. Il ne faut cependant pas se dessaisir au profit d'un héritier.

Prudence française vis-à-vis de la Bourse

Échaudés au début du siècle par les emprunts russes, qui ont ruiné des familles entières, les Français restent encore très prudents face aux placements boursiers. Ils se montrent plus réticents en préférant avant tout le placement immobilier dans la constitution de leur patrimoine. Concernant le volet financier, ils privilégient les plans d'épargne aux actions. Pourtant, toutes les études montrent que, sur le long terme, les actions rapportent plus que les autres placements, qu'ils soient obligataires, monétaires ou en or. L'hypothèse, si elle ne manque pas d'intérêt, n'en reste pas moins théorique : elle suppose que l'épargne investie a été définitivement bloquée pendant quarante-deux ans ! Ce n'est pas exactement le comportement d'un ménage moyen.

Les très riches toujours plus riches

Une étude menée en 1999 a révélé que plus de 6 millions de personnes dans le monde évaluaient leur fortune à plus de 1 million de dollars (6,1 millions de francs, 0,94 million d'euros 1999). Selon le rapport réalisé par la banque d'investissement Merrill Lynch et Gemini Consulting, les individus les plus riches ont continué à s'enrichir : leur fortune globale a crû de 12 %, atteignant 21 600 milliards de dollars (20 300 milliards d'euros 1999). En 2003, selon les simulations, leur fortune devrait atteindre 32 700 milliards de dollars.

Contraste européen

À la différence de leurs voisins européens, les Français sont moins attirés par la Bourse. L'année 1997 a été spectaculaire : les placements en actions des ménages ont enregistré un flux négatif de plus de 5 milliards de francs (0,76 milliard d'euros), ceux-ci préférant verser leurs économies sur les plans d'épargne. Cette distribution contraste avec celle des autres pays. Les investissements en actions ont constitué 80 % des flux de placements en Italie, 71 % en Espagne, 35 % en Belgique, 32 % au Portugal, 24 % en Allemagne et 20 % en Grande-Bretagne.

Autre signe de cette prudence : l'image des marchés financiers. En mars 1999, selon un sondage commandé à Taylor Nelson Sofres par Paris Europlace, l'association chargée de la promotion de la place financière parisienne, 51 % des Français interrogés ont une image « positive » du secteur financier et 84 % des Français l'estiment utile au développement de l'économie. Autre enseignement de l'étude : il n'existe pas de clivage gauche-droite puisque 85 % des électeurs de gauche et 88 % des électeurs de droite jugent l'industrie financière utile, la séparation se faisant plus selon l'âge : 93 % des 18-24 ans partagent cette opinion contre 71 % des sondés.

Toutefois, l'image de l'industrie financière reste « négative » pour un Français sur deux, notamment auprès des diplômés de l'enseignement supérieur (58 %) et auprès des cadres et des professions libérales (56 %). Plusieurs explications sont invoquées par les 47 % des Français qui ont une image négative de cette industrie : « le manque de confiance », « la loi de l'argent », « l'accen-tuation des inégalités », le fait qu'elle « profite aux plus riches ». De plus, les Français se montrent très prudents quant à l'utilisation directe des marchés financiers pour leur propre usage. Moins de la moitié d'entre eux pensent avoir recours à l'industrie financière pour gérer leur patrimoine. Seulement 49 % des personnes interrogées sont prêtes à recourir aux placements financiers (actions, épargne-retraite, emprunts) dans les années à venir. Mais les jeunes affichent vis-à-vis de la Bourse une attitude plus positive que leurs aînés.

D. G.

➙ Bourse, inégalités