Dictionnaire de l'économie 2000Éd. 2000
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Prélèvements obligatoires (suite)

Si elle est moins « grand public » que la baisse des impôts, celle des prélèvements sociaux, assis pour l'essentiel sur les revenus du travail, a dominé le débat économique au cours des années 1990. La progression de ces prélèvements a conduit à l'ouverture d'un débat sur l'élargissement de l'assiette des cotisations prélevées sur les salaires qui, en alourdissant le coût du travail, pèserait sur la compétitivité des entreprises, freinerait les créations d'emplois et maintiendrait le chômage à un haut niveau.

Comment se décomposent les prélèvements obligatoiresen 1998 ?

Les prélèvements obligatoires, qui ont atteint 3 848 milliards de francs en 1998, sont affectés à quatre grands postes de dépenses :

• les administrations publiques centrales, dont l'État, qui ont reçu 1 540 milliards de francs en 1998 (40 % du total) pour financer les dépenses (éducation nationale, armées, équipements, justice, police, remboursement de la dette publique etc.) ;

• les collectivités locales (communes, départements, Régions), qui ont reçu 493 milliards de francs (12,8 %) ;

• la sécurité sociale (caisses d'assurance-maladie, de retraite, d'allocations familiales), qui a reçu 1 763 mil- liards de francs (45,8 %) ;

• les institutions de l'Union européenne (Commission de Bruxelles, Parlement de Strasbourg), qui ont touché 52 milliards de francs (1,4 %).

La baisse des cotisations assises sur les salaires a été la priorité du gouvernement de Lionel Jospin : en 1998, il a quasiment supprimé la cotisation maladie des actifs et des retraités pour la remplacer par la CSG, prélevée sur tous les revenus (salaires, pensions, capital). M. Jospin a aussi maintenu les « ristournes » de cotisations sociales sur les bas salaires (jusqu'à 1,3 fois le SMIC), instaurées par le gouvernement d'Alain Juppé, et qui coûtent 43 milliards de francs au budget de l'État. Dans un second temps, il a opté pour des baisses ciblées de TVA (travaux d'entretien des logements), désormais acceptées par l'Union européenne, et des droits de bail payés par les locataires.

Comparaisons internationales

Le taux des prélèvements obligatoires ainsi que leur répartition entre impôts et cotisations sociales sont très différents suivant les pays, selon les données de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Avec environ 45 % de prélèvements obligatoires, la France est l'un des pays industrialisés où la pression fiscale et sociale est la plus forte, derrière la Suède, le Danemark et la Belgique. Il reste que les comparaisons sont très difficiles à faire.

La Suède bat les records, avec un taux global (moyenne de la seconde partie des années 1990) de 52 % : 36,5 % pour les impôts et 15,5 % pour les cotisations.

L'Allemagne a un taux de 38,1 %, assez équilibré entre les impôts (22,6 %) et les cotisations (15,5 %).

Le Royaume-Uni a un taux de 36 %, et l'impôt domine très nettement (29,8 %) par rapport aux cotisations (6,2 %).

Les États-Unis ont un taux de 28,5 %, dont 21,5 % pour l'impôt et 7 % pour les cotisations.

Le Japon a un taux de 28,4 %, dont 18,1 % pour les impôts et 10,4 % pour les cotisations.

En prônant la stabilisation, voire la réduction des prélèvements, M. Jospin ne fait que mettre ses pas dans ceux de François Mitterrand. Dès novembre 1982, dans un entretien au Monde, celui-ci annonçait que « des dispositions seront prises, dès le budget de 1984, pour que le pourcentage total des prélèvements fiscaux et sociaux soit au moins stabilisé avant d'amorcer la décrue ». Ceux-ci représentaient alors 44,7 % du PIB, un seuil jugé « insupportable » par M. Mitterrand. Cette perspective était loin de faire l'unanimité à gauche.

Progressivité de l'impôt et dégressivité des cotisations

La droite propose régulièrement de ramener le taux marginal de l'impôt sur le revenu de 54 % à environ 40 %, et de diminuer plus massivement les cotisations sociales sur les bas salaires. « Trop d'impôt tue l'impôt », soulignait Jacques Chirac en février 1995, trois mois avant son élection à la présidence de la République, en paraphrasant Arthur Laffer. L'économiste américain juge que, passé un certain niveau d'impôt, plusieurs effets pervers se cumulent : les agents économiques ne sont plus incités au travail, les prélèvements freinent l'activité, la fraude se développe. Au total, le ralentissement économique entraînerait une baisse du rendement de ces prélèvements.

Toute réforme des « PO » doit s'accompagner d'une réflexion sur les finalités du système fiscal et social : impact économique, progressivité et effets redistributifs… Les impôts et les cotisations doivent-ils être d'autant plus lourds que les revenus sont élevés ? Globalement, le système français est peu progressif dans  ses  prélèvements ;  il  l'est  davantage si  l'on  tient  aussi  compte  des  prestations.  Mais le caractère dégressif des cotisations sociales compense largement la forte progressivité de l'impôt sur le revenu. En préconisant désormais une baisse de l'impôt sur le revenu, qui est très concentré sur les revenus élevés, et en utilisant à plein l'arme de la CSG (prélèvement proportionnel sur le revenu, même s'il touche aussi les revenus du capital et du patrimoine), la gauche semble avoir pris son parti de cette réalité.

Les économistes ne sont pas capables de définir avec précision le seuil optimal de prélèvements permettant une juste redistribution des richesses sans freiner le dynamisme des acteurs économiques. Aborder la question, c'est se demander s'il y a incompatibilité entre compétitivité économique et cohésion sociale (le maintien du SMIC relevant du même registre). C'est aussi reposer le rôle de l'État, et notamment de l'État providence constitué depuis la Libération. Mais, derrière la dénonciation de l'excès de prélèvements, il y a surtout, de la part des économistes libéraux, une critique du rôle régulateur de l'État dans l'économie

J.-M. B.

➙ CSG, (A.) Laffer, protection sociale, Sécurité sociale

Prestations sociales

Avantages financiers ou en nature, versés en compensation des cotisationsde sécurité sociale.