Dictionnaire de l'économie 2000Éd. 2000
S

Say (Jean-Baptiste)

Économiste français (1767-1832), qui fut l'un des principaux fondateurs du libéralisme et fut à l'origine de l'idée d'équilibre macroéconomique.

J.-B. Say se situe dans la continuité des penseurs libéraux du xviiie siècle, et en particulier d'Adam Smith dont il introduisit les idées en France, après un séjour à Londres en 1796.

Hostile au dirigisme et au protectionnisme de Napoléon, il quitta ses fonctions au Tribunat pour fonder une usine textile employant 400 ouvriers, avant de créer un enseignement d'économie au Conservatoire national des arts et métiers en 1820 et au Collège de France en 1831. Dans son Traité d'économie politique (1803), son Catéchisme d'économie politique (1815) et ses Cours complets d'économie politique (1828-1829), il dépassa la pensée de ses prédécesseurs.

Selon lui, une économie respectant les principes de la libre concurrence ne saurait connaître de crise de surproduction, car toute nouvelle production s'accompagne de la distribution de revenus supplémentaires d'une valeur équivalente : l'offre crée sa propre demande. Cette loi des débouchés (à laquelle Ricardo rendra hommage) a pour corollaire que la monnaie n'est qu'un voile car elle n'est pas thésaurisée : tout revenu monétaire est soit utilisé à acheter des biens de consommation, soit prêté à un autre agent désireux de consommer lui-même ou d'investir. Tout se passe comme si les produits s'échangeaient contre d'autres produits. Et, si un bien est moins demandé et que son prix baisse, cela signifie qu'un autre bien est davantage demandé, ce qui fera augmenter son prix et attirera de nouveaux producteurs. L'État doit donc laisser le marché réguler l'économie et se contenter de remplir des fonctions de police ou de justice, d'améliorer les voies de communication... pour créer un environnement favorable aux entreprises privées.

J.-B. Say contribua aussi à fonder la théorie de la « valeur utilité », selon laquelle la valeur des biens échangés dépend de la satisfaction éprouvée par les consommateurs (et non du temps de travail utilisé pour les produire, comme le pensaient Smith ou Ricardo).

P. B.

➙ Libéralisme économique

Schacht (Horace Greeley Hjalmar)

Homme politique allemand (1877-1970), ayant notamment été l'initiateur de la politique économique du régime national-socialiste.

À la tête de la banque centrale allemande en 1923, le « Docteur Schacht » a stabilisé le mark après l'épisode d'hyperinflation. Ralliant le parti national-socialiste dans les années 1930, il inspira et mit en œuvre la politique économique hitlérienne, l'objectif étant de remédier au chômage et de restaurer la puissance économique et politique de l'Allemagne à travers une prise de contrôle de l'économie par l'État (réarmement, autarcie, politique colonisatrice...).

P. U.

Schumpeter (Joseph Alois)

Économiste autrichien (1883-1950), qui a analysé les cycles longs de l'économie et le rôle joué par les entrepreneurs à travers l'innovation.

Dans sa Théorie de l'évolution économique (1912), il a cherché à dépasser le cadre de l'économie statique pour comprendre la complexité de la dynamique interne du capitalisme. Pour cela, il a mis l'accent sur les facteurs individuels et subjectifs, et sur le rôle des « grappes d'innovations » constituant un processus de destruction créatrice. Par le recours au crédit, l'entrepreneur, doté d'une psychologie qui n'est pas simplement celle de l'Homo oeconomicus, est le seul agent de ce changement, qui suit un processus discontinu.

Schumpeter a étendu l'analyse du cycle économique qui en résulte dans son ouvrage Business Cycles (1939), en précisant le processus de diffusion de l'innovation propre au capitalisme. Il a aussi voulu tirer les conséquences de long terme de cette dynamique de l'innovation dans Capitalisme, Socialisme et Démocratie (1942). Estimant qu'il en résulte de façon inéluctable une socialisation croissante du capital, il a prédit la disparition du capitalisme et l'avènement du socialisme.

Il est aussi l'auteur d'une monumentale Histoire de l'analyse économique, publiée après sa mort.

P. L.

➙ Croissance, (F. A. von) Hayek, (C.) Menger, progrès technique, (W. W. ) Rostow

Science économique

Selon E. Malinvaud, « l'économie est la science qui étudie comment des ressources rares sont employées pour la satisfaction des besoins des hommes vivant en société ; elle s'intéresse d'une part aux opérations essentielles que sont la production, la distribution et la consommation des biens, d'autre part aux institutions et aux activités ayant pour objet de faciliter ces opérations. »

Cette définition est une synthèse de conceptions différentes proposées tout au long du développement de l'économie comme discipline autonome. Elle a lentement émergé d'un savoir englobant la réflexion économique dans un questionnement plus général, d'ordre à la fois philosophique (sur la valeur) et pratique (sur la bonne administration des ressources). La discipline a d'abord été instituée sous la forme de doctrines économiques, de l'Église ou du mercantilisme. Marquées par des jugements de valeur qui en limitent le pouvoir explicatif, ces doctrines ont été rejetées au profit d'une réflexion plus analytique dans laquelle les recommandations pratiques, adressées à la puissance publique, sont fondées sur des théories censées rendre compte de la réalité observée. C'est le temps de l'économie politique comme science morale et politique, dont l'heure de gloire a commencé à la fin du xviiie siècle avec A. Smith et s'est achevée un siècle plus tard. Si le libéralisme classique et le socialisme ont été développés dans ce cadre, leur contenu normatif a suscité le projet d'une science neutre (de tout jugement de valeur) à la fin du xixe siècle. La révolution du marginalisme est à ce titre le fruit d'un travail collectif de refondation du libéralisme sur des bases qui se veulent scientifiques.

Science pure, science sociale ou programme politique ?

Dans cette conception moderne de l'économie comme science, seule la partie analytique de la réflexion, faisant œuvre de connaissance, mérite l'attention des économistes. Les phénomènes étudiés étant de nature quantitative, les tenants de cette conception soutiennent qu'on peut élaborer une science économique sur le modèle des sciences expérimentales, et entre autres de la physique. Si l'expérimentation est impossible en économie, sauf quelques études de comportement en laboratoire, la méthode scientifique générale serait quand même applicable aux phénomènes économiques. Partant de l'observation des faits, qui fait appel à l'histoire économique et à la statistique, l'économiste formule une hypothèse explicative, une théorie dont la rigueur interne peut être améliorée par le recours à l'économie mathématique. Enfin, la véracité de l'explication peut être évaluée par l'économétrie et des tests empiriques portant notamment sur les prédictions qu'elle engendre.