Dictionnaire de l'économie 2000Éd. 2000
M

Macroéconomie (suite)

Par contre, Keynes a critiqué cette vision des choses en renouant avec l'approche macroéconomique du circuit déjà présente chez Quesnay, approche qui analyse les conditions d'un ajustement global entre flux de revenus et flux de dépenses. On considère dans cette perspective qu'on ne peut étendre au niveau global ce qui est valable au niveau individuel (l'épargne peut être une vertu privée mais un vice public parce qu'elle décourage la production) ; il faut donc envisager le fonctionnement du système global, dont l'un des principes de base est que la dépense des uns constitue le revenu des autres, et se poser notamment la question du bouclage du circuit (c'est-à-dire en particulier celle des conditions de l'équilibre entre l'épargne globale et l'investissement).

P. L.

➙ Collectivisme, crise économique, État, inflation, keynésianisme, libéralisme économique, marxisme, mondialisation, nouvelle école classique, physiocratie, protectionnisme, régulation, science économique, (L.) Walras

Mafia

Au sens strict, la Mafia (du toscan maffia,qui signifie « misère », ou de l'arabe mu-afah, signifiant « protection des faibles ») désigne le crime organisé en Sicile, alors que la Camorra s'applique au banditisme napolitain,et la Ndrangheta, à la formule calabraise du même phénomène.

Tous les pays du monde ont leurs mafias, souvent très anciennes (yakusas au Japon, triades en Chine, etc.). La particularité récente du crime organisé est qu'il s'appuie sur des ressources financières extrêmement puissantes : argent de la drogue, réseaux internationaux de prostitution ou de trafic d'armes...

On assiste à l'institutionnalisation de réseaux mafieux partout dans le monde. Les mafias se sont enrichies en sachant se rendre indispensables dans la distribution de produits de première nécessité, comme dans beaucoup de pays d'Afrique, ou en prêtant main-forte à la lutte contre les guérillas d'extrême gauche, comme en Amérique latine ou en Thaïlande. Souvent présentes au sommet des États, elles généralisent le détournement des ressources publiques au profit de leurs intérêts privés.

Le racket n'est plus qu'une maigre partie des revenus financiers de la mafia. Celle-ci dirige ses affaires au moyen d'instruments financiers sophistiqués, notamment le blanchiment d'argent. La corruption, la violence physique et le culte du secret sont les instruments privilégiés dont se sert la mafia pour parvenir à ses fins : l'enrichissement de quelques-uns au détriment du plus grand nombre.

Avec la fin de la guerre froide, la Russie est devenue l'un des principaux terrains d'élection des pratiques mafieuses en tous genres. Interpol évalue à 10 000 le nombre de groupes mafieux installés en Russie, qui contrôleraient 40 000 sociétés et plus du tiers des banques. La mafia russe est très différente de la Mafia italienne. Plus récente puisqu'elle a pris son envol après la chute du régime soviétique, elle n'est pas organisée autour d'un clan familial ou villageois mais autour d'un patron enrichi par les privatisations sauvages et le délit d'initié à grande échelle.

L. D.

Main invisible

Mécanisme par lequel la recherche de l'intérêt particulier permet de satisfaire au mieux l'intérêt général.

Cette formule, utilisée à une seule reprise par Adam Smith, désigne une procédure selon laquelle la recherche de l'intérêt privé par les agents conduit ces derniers à des actions qui produisent, par leur agrégation, le bien collectif. Ce résultat n'est pas recherché par ces agents, et il ne serait sans doute pas atteint s'ils se le donnaient explicitement comme objectif : ils y sont menés comme par « une main invisible ».

P. S.

Malinvaud (Edmond)

Économiste français (né en 1923), spécialiste de l'économie mathématique et de l'économétrie.

Polytechnicien, directeur général de l'INSEE de 1974 à 1987, professeur au Collège de France, E. Malinvaud est connu par ses contributions à diverses théories : allocation des ressources, croissance, risque, déséquilibres macroéconomiques. Il a élaboré en particulier la théorie du déséquilibre, qui se propose de donner des fondements microéconomiques aux analyses keynésiennes et d'étudier les équilibres de sous-emploi avec chômage involontaire.

Il a également participé à l'étude des politiques économiques au Commissariat général du Plan, au ministère des Finances et à la Commission européenne.

N. E.-M.

➙ INSEE, mathématiques

Malthus (Thomas Robert)

Économiste et sociologue anglais (1766-1834), surtout connu pour son pessimisme démographique, qui fut aussi un théoricien des crises du capitalisme.

C'est dans son Essai sur le principe de population (1803) que Malthus développa la célèbre « loi » selon laquelle la « race humaine croît selon la progression 1, 2 ,4, 8, 16... [c'est-à-dire suivant une progression géométrique], tandis que les moyens de subsistance croissent selon la progression 1, 2, 3, 4, 5... [c'est-à-dire suivant une progression arithmé- tique] ». Ainsi, selon lui, « au bout de deux siècles, la population et les moyens de subsistance seront dans le rapport de 256 à 9 ».

Face à ce problème, Malthus préconisa la restriction des naissances, grâce au mariage tardif, à l'éducation morale et à la suppression de l'aide aux plus pauvres (pratiquée alors en Grande-Bretagne), afin de les inciter à avoir moins d'enfants.

Il fut critiqué pour son cynisme et son erreur d'appréciation sur les progrès techniques agricoles. Cependant, les problèmes contemporains des pays du tiers-monde ont réactualisé sa pensée : des mesures autoritaires de contrôle des naissances ont été mises en œuvre dans divers pays (Chine, Inde...), et l'on estime qu'à la fin du xxe siècle plus de la moitié de la population mondiale souffre de carences alimentaires. Le « malthusia- nisme » s'exprime également à propos de la croissance industrielle dévoreuse d'énergie et destructrice d'environnement, que certains écologistes souhaiteraient ralentir (travaux du « club de Rome » – club d'experts qui, dans les années 1970, souhaitaient ralentir la croissance économique).

Malthus fit aussi œuvre d'économiste en critiquant vivement le libéralisme et l'optimisme de Smith, de Ricardo et de Say, dans ses Principes d'économie politique (1820). Selon lui, le libre-échange tend à faire baisser les prix, ce qui dissuade les agriculteurs d'accroître la production. Mais, surtout, le capitalisme risque de connaître de graves crises de surproduction du simple fait que les capitalistes épargnent une partie importante de leurs revenus et ne consomment pas les biens qu'ils produisent.

P. B.

➙ Démographie, population