Dictionnaire de l'économie 2000Éd. 2000
I

Inflation (suite)

Les différentes explications de l'inflation

Plusieurs causes de l'inflation sont traditionnellement avancées, qui se combinent généralement quand le processus est engagé.

• L'excès de monnaie en circulation est souvent considéré comme la cause principale de l'inflation. Pour les tenants de la théorie quantitative de la monnaie et du monétarisme, dont Milton Friedman est le chef de file, « l'inflation est toujours et partout un phénomène monétaire ». Selon lui, dans les sociétés modernes, l'inflation résulte du laxisme des autorités monétaires, qui cèdent aux pressions des « demandeurs de monnaie », par faiblesse ou démagogie, et qui créent ainsi un désajustement entre la masse monétaire en circulation et le volume des transactions qu'elle sert à assurer, ce qui entraîne une hausse des prix nominaux. Ce raisonnement s'appuie sur la vieille théorie quantitative de la monnaie (imaginée au xvie siècle par Jean Bodin et prolongée par David Ricardo et Irving Fisher).

Par conséquent, pour garantir une quasi-stabilité des prix, il faut et il suffit, selon les monétaristes, que la création de moyens de paiement soit faible – celle-ci pouvant être augmentée si la croissance de la production est plus forte que prévu.

• L'excès de la demande sur l'offre disponible est une autre cause de l'inflation. Si les monétaristes considèrent que l'inflation ne peut se produire que s'il y a création d'un surcroît de monnaie, d'autres économistes envisagent différentes situations où la demande peut exercer une tension inflationniste sans « laxisme monétaire ».

Cet accroissement de la demande peut se produire dans le cas d'une réduction de l'offre due à des insuffisances de la capacité de production, dans celui d'une augmentation de la propension à consommer, d'une déthésaurisation, d'une entrée de revenus provenant de l'extérieur (afflux de capitaux étrangers, excédent commercial...). Il peut provenir aussi d'un retard dans l'offre globale, dû au fait que des investissements créateurs de dépenses immédiates ne permettront d'accroître la production, et donc l'offre, que dans l'avenir. Il peut également avoir pour origine un déficit budgétaire qui accroît la consommation immédiate en redistribuant les revenus au profit de catégories sociales dépensières.

• L'accroissement des coûts de production est la troisième principale cause de l'inflation. Pour exercer une pression inflationniste, cette hausse des coûts doit être supérieure aux gains de productivité du facteur de production considéré : si, par exemple, les salaires augmentent de 5 %, mais que la productivité du travail ne s'élève que de 3 %, le coût du travail par unité produite s'accroît de 2 %, et les entreprises auront tendance à augmenter leur prix de vente.

L'origine de la hausse des coûts peut provenir des revendications unilatérales des offreurs du facteur de production (pression des syndicats pour obtenir des hausses de pouvoir d'achat dans un contexte de plein-emploi, décision des pays producteurs de pétrole...), ou des détériorations des conditions de production (épuisement des matières premières, vieillissement des équipements productifs...). Elle peut aussi être due à une hausse des charges sociales ou de la pression fiscale, du coût de l'endettement, de celui des importations...

La grande différence entre ces deux dernières explications et la théorie monétariste de l'inflation provient du fait qu'elles considèrent qu'une création monétaire ne sera inflationniste que si l'appareil de production ne peut répondre à l'augmentation de la demande, et que si les coûts de production unitaires s'élèvent. Si cela n'est pas le cas, l'accroissement de la quantité de monnaie en circulation se traduira par un surcroît de demande satisfait par un surcroît de production, et peut même conduire à des baisses de prix si l'on se trouve dans une zone de production à rendements croissants.

• Dans une autre approche, dite « régulation- niste», l'inflation apparaît comme liée à une phase de l'histoire du capitalisme, celle de la régulation monopoliste.

L'inflation ne serait donc pas le fruit d'un dérèglement du système, mais au contraire un élément de régulation, dans la mesure où elle permet aux entreprises de répercuter la hausse de leurs coûts sur leurs prix de vente afin de maintenir leur profit. Cela serait rendu possible par l'atténuation de la concurrence, par la hausse de la demande d'origine salariale et par l'expansion des moyens de paiement garantie par les autorités monétaires en fonction des besoins de l'économie. L'inflation favoriserait ainsi la croissance et permettrait d'atténuer les tensions sociales, puisque la stabilité des profits pousserait les entreprises à investir et à embaucher, tandis que l'augmentation des coûts salariaux et du crédit à l'économie élargirait parallèlement les débouchés des entreprises. Cette situation correspond à la période d'inflation modérée allant de la fin de la Seconde Guerre mondiale au milieu des années 1970, durant laquelle une croissance forte et régulière avait assuré le quasi-plein-emploi et l'amélioration sensible du sort des salariés.

L'inflation dans l'histoire

L'inflation n'est pas un phénomène propre au xxe siècle. Au iiie siècle de notre ère, alors que l'Empire romain connaissait une grave crise à la fois militaire, économique et monétaire, une forte inflation avait ébranlé la société. Elle était due à une pénurie de denrées, mais aussi à l'émission massive de « mauvaise monnaie ». Cela avait conduit en 301 l'empereur Dioclétien à décréter l'« édit du maximum » réglementant les hausses de prix et des revenus.

De nouvelles « poussées inflationnistes », largement dues aux guerres ou aux troubles intérieurs, se produisirent à la fin du xviiie siècle, en particulier en France durant les années révolutionnaires.

Le xixe siècle, par contre, fut marqué par une tendance longue à la baisse des prix industriels et agricoles, due aux progrès techniques, à la concurrence et à l'absence d'organisation de la classe ouvrière, dont les revenus nominaux étaient très flexibles à la baisse. De plus, les États menaient des politiques monétaires restrictives, voire de déflation.