Dictionnaire de l'économie 2000Éd. 2000
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Commerce international (suite)

La théorie de l'échange international : la spécialisation, l'innovation, la diversification

Qu'il soit interbranche ou intrabranche, l'échange de biens est censé apporter un surplus de revenu réel aux pays partenaires par rapport à l'autarcie. Selon le principe des avantages comparatifs, énoncé par l'économiste David Ricardo au xixe siècle, dès lors que deux pays possèdent des coûts relatifs en travail différents, l'échange leur apporte un gain, même si l'un d'entre eux possède des coûts absolus plus élevés que son partenaire dans tous les secteurs. Heckscher et Ohlin étendent le principe ricardien au cas où existent plusieurs facteurs (travail et capital, par exemple) que l'on peut combiner dans des proportions variables selon les techniques choisies. D'après le théorème d'Heckscher-Ohlin, chaque pays doit exporter les biens qui utilisent relativement plus le facteur dont il est relativement le mieux pourvu et importer les autres biens. L'application de cette règle conduit les pays à s'orienter vers des spécialisations conformes aux dotations possédées au moment où ils s'ouvrent à l'échange. Les pays peu développés doivent exporter des produits primaires, les pays en phase d'industrialisation se spécialisant dans des biens manufacturés peu sophistiqués et les nations technologiquement avancées investissant les créneaux les plus utilisateurs de main-d'œuvre qualifiée. Le caractère statique de la thèse, qui n'explique guère pourquoi et comment les spécialisations doivent évoluer à travers le temps, justifie les efforts des économistes pour faire appel à d'autres déterminants que les dotations facto-rielles : l'innovation, la recherche d'économies d'échelle et la différenciation des biens. Une partie importante des exportations mondiales provient en effet de pays dont le système économique organise la production de biens innovants et dans lesquels les unités de production peuvent, par leur taille, abaisser fortement leurs coûts et multiplier les gammes. Les avantages de l'échange, en termes de prix et en termes de variété de biens offerts, justifient à eux seuls un commerce fondé sur l'innovation, les effets de taille ou la multiplication des types de biens offerts et pas seulement sur les dotations factorielles.

Les spécialisations des pays et des zones : des situations contrastées

Dans la période contemporaine, les spécialisations des pays développés très engagés dans le commerce mondial reflètent les écarts entre les efforts d'innovation et/ou les difficultés de certains à s'adapter aux nouvelles formes de concurrence. Ainsi, dans la décennie 1988-1998, les États-Unis ne parviennent à dégager des excédents que dans l'agroalimentaire, la chimie et la mécanique (où se trouve l'aéronautique). Partout ailleurs, ils affichent des déficits, en particulier dans des secteurs industriels traditionnels (textile, bois) et dans des branches où la concurrence asiatique est intense (automobile, électronique). Le déficit commercial américain, permanent à partir de 1975, est en partie compensé par l'excédent réalisé sur les services commerciaux (transports, tourisme, services financiers, audiovisuel). À l'inverse, le Japon est importateur net de services mais présente des soldes positifs et élevés (plus de 10 % du commerce mondial) dans toutes les branches de biens manufacturés de haute et moyenne technologie, sauf la chimie. Ces excédents sont principalement réalisés sur les marchés américain et européen.

L'Europe possède des spécialisations en moyenne plus diversifiées que le Japon ou même que les États-Unis, mais l'ampleur des engagements dans les filières excédentaires est variable selon les pays. La France bénéficie d'un excédent agroalimentaire confortable, possède quelques spécialisations industrielles peu marquées (chimie, véhicules, mécanique, matériel électrique) et présente de nombreux déficits peu élevés dans des secteurs traditionnels ou en électronique.

L'Allemagne possède les mêmes avantages que la France (mis à part l'agriculture, qui est déficitaire), mais ses excédents sont beaucoup plus élevés, ce qui explique le poids de ce pays dans le commerce mondial. Le modèle de spécialisation italien est un peu différent de celui de la France et de l'Allemagne, dans la mesure où le textile figure, en tant que branche excédentaire, à côté de la chimie, de la mécanique, des véhicules et du matériel électrique. La Grande-Bretagne se différencie nettement des trois autres, par ses spécialisations en énergie (ressources de la mer du Nord) et en électronique, et par ses déficits dans les branches des véhicules et du matériel électrique. Les pays d'Amérique latine ont des spécialisations encore très liées à leurs avantages naturels (énergie et métaux non ferreux au Mexique, agroalimentaire, bois et métaux non ferreux au Brésil), mais présentent des excédents dans quelques secteurs industriels, tels que les véhicules et le matériel électrique au Mexique et la sidérurgie au Brésil. Les NPI d'Asie (Corée, Hongkong, Singapour, Taïwan) sont très engagés dans le textile et l'électronique, et commencent à obtenir des excédents dans la filière des véhicules et du matériel électrique. La Chine présente un profil de spécialisation proche de celui des NPI d'Asie, mais, contrairement à eux, elle dégage des excédents en agroalimentaire et dans la filière bois. L'Afrique subsaharienne, spécialisée en biens primaires (énergie, produits agroalimentaires et métaux non ferreux), est déficitaire dans tous les secteurs de produits manufacturés, sauf la sidérurgie, ce qui reflète son retard dans le processus d'industrialisation

B. G.

➙ Balance commerciale, échange inégal, excédent commercial

Commerce triangulaire

Système d'échange entre l'Europe, les côtes africaines et l'Amérique, portant essentiellement sur le transport des esclaves et des denrées tropicales.

Ce commerce prit de l'ampleur au xviiie siècle avec l'essor de l'économie de plantation. De Londres, Bristol et Liverpool, de Bordeaux, Nantes ou La Rochelle partaient des navires qui allaient échanger le long du golfe de Guinée des armes ou de la pacotille contre des esclaves (le « bois d'ébène »). Plusieurs millions d'Africains furent entassés dans les cales des bateaux négriers, pour être vendus aux Antilles ou aux Amériques, où ils travaillaient dans les plantations de canne à sucre, de café, de tabac et de coton. Ces produits primaires étaient ensuite exportés vers l'Europe.