Dictionnaire de l'économie 2000Éd. 2000
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Afrique (suite)

L'Afrique du Nord

L'Afrique du Nord au sens large (cinq pays, Égypte comprise) forme un ensemble disparate de 119 millions d'habitants en 1996. Des stratégies de développement très diverses y ont été mises en œuvre. L'Algérie développait dans les années 1970 une stratégie fondée sur les industries lourdes, des taux d'investissement exceptionnels et une gestion de l'économie étatique et planifiée. Les deux autres pays du Maghreb ont connu des pratiques moins dirigistes. Quatre décennies après les indépendances, le « miracle économique tunisien » (croissance moyenne de 4,1 % entre 1990 et 1996) contraste fortement avec la crise prolongée que traverse l'économie algérienne (0,6 % pour la même période). Après une décennie 1980 de croissance rapide (4,2 %), le Maroc connaît une phase de croissance ralentie (2,1 % entre 1990 et 1996), du fait de l'instabilité des performances de l'agriculture. Ces différences ainsi que les tensions politiques expliquent que les tentatives d'unification économique (Union du Maghreb arabe, ou UMA) tardent à se concrétiser. Les accords passés avec l'Union européenne renforceront l'intégration de l'ensemble nord-africain à une économie méditerranéenne orientée vers le Nord. En revanche, l'Égypte, qui compte à elle seule 59 millions d'habitants, est plutôt tournée vers le Moyen-Orient. Sa position géostratégique lui permet de recevoir des capitaux en abondance, notamment des pays du Golfe et des États-Unis, et de bénéficier de traitements très favorables en matière d'endettement de la part des États occidentaux.

L'Afrique au sud du Sahara

Au sud du Sahara se situe un ensemble important par sa superficie et sa population (600 millions d'habitants en 1996), mais extrêmement fragmenté (46 États) et très peu dense (25 habitants seulement au km2). En raison du très faible niveau de revenu moyen, de l'ordre de 500 dollars par habitant en 1996 (soit environ 1 500 dollars en termes de parité de pouvoir d'achat), le poids économique de l'Afrique subsaharienne est très petit : le PIB des 46 pays est égal à celui de l'Argentine, soit encore approximativement celui de la Belgique. Le PIB de la seule Afrique du Sud représentant 45 % du total, les 45 autres pays de l'Afrique subsaharienne se partagent un PIB équivalent à celui de la Thaïlande. Cette balkanisation africaine est en soi un obstacle considérable au développement, encore accru par la fragmentation interne des États, notamment sur le plan ethnique. C'est pourquoi les efforts de construction d'espaces économiques ou financiers se sont multipliés : Union économique et monétaire ouest-africaine, Communauté économique et monétaire d'Afrique centrale, Conférence sur la coordination du développement de l'Afrique australe, Communauté économique des pays des Grands Lacs, etc., mais avec des succès limités jusqu'à présent en raison des spécialisations trop proches de ces économies.

Les obstacles au développement en Afrique subsaharienne

La croissance de la plupart de ces pays est faible : 2,7 % par an de 1965 à 1996, soit – 0,2 % par an et par habitant en tenant compte de la croissance démographique. La comparaison avec l'Asie fait ressortir cette lenteur. Ainsi, en 1960, le PIB par habitant de la Corée du Sud était inférieur à celui du Cameroun ; en 1996, il lui est 17 fois supérieur (7,5 fois en termes de pouvoir d'achat). Il existe cependant de très fortes disparités en Afrique subsaharienne : le Botswana, par exemple, est le pays du monde qui a connu la plus forte croissance de son PIB par habitant depuis les années 1960 (13 % par an). Il n'est pas sûr cependant que les données disponibles reflètent correctement la réalité, parce qu'une part croissante et dynamique du revenu national en Afrique résulte d'activités informelles fort difficiles à chiffrer. En particulier, la faible croissance qu'indiquent les données officielles sur les productions agricoles devrait se traduire par une croissance rapide des importations alimentaires, ce qui n'est pas le cas.

Plus grave est le fait que très peu de ces pays aient connu un véritable bouleversement structurel. La plupart d'entre eux conservent les traits des économies « sous-développées » des années 1960 : dominance du secteur primaire (70 % de la population est encore rurale en 1990), exportations concentrées sur un très petit nombre de matières premières, hypertrophie du secteur tertiaire, notamment du commerce et de l'administration. Cela rend la situation économique fragile, dépendante des fortes fluctuations des cours des matières premières, dont le pouvoir d'achat se réduit à long terme. Les tentatives de régulation ont pratiquement toutes échoué, et le système de stabilisation des recettes d'exportations (STABEX) mis en place en 1975 par l'Union européenne est de plus en plus contesté.

L'abondance des matières premières constitue une richesse potentielle pour de nombreux pays. Mais la mauvaise gestion des recettes, notamment le gaspillage lors des périodes de booms des matières premières, et les convoitises suscitées par certaines d'entre elles ont généralement transformé cet avantage en une sorte de malédiction. Toutefois, certains pays ont su gérer efficacement les recettes tirées de l'exportation de matières premières (Botswana, Maurice). D'une manière plus générale, beaucoup de pays africains ont connu des stratégies de développement très dirigistes, fortement protectionnistes, se revendiquant pour certains d'entre eux de diverses formes de « socialismes africains » (Ghana, Tanzanie, Congo, Mali, Bénin). Ces tentatives étaient contradictoires avec la forte dépendance de ces économies par rapport au commerce et au financement extérieur, ainsi qu'avec les capacités réelles de gestion de l'économie. En conséquence, elles ont eu tendance à favoriser de petites élites, à généraliser la corruption et à exercer une pression décourageante sur les filières exportatrices (économie de rente). Elles ont généralement débouché sur des crises des finances publiques.

Des stratégies économiques qui oublient le social