Dictionnaire de l'économie 2000Éd. 2000
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France (suite)

Durant les années 1794-1814 furent également jetées les bases d'un système d'enseignement et de promotion du savoir qui permit à la France de former des savants, des techniciens et des chercheurs sans lesquels le développement industriel des deux siècles à venir n'auraient pas été possible. Napoléon, malgré une politique extérieure coûteuse en hommes et en matériel, contribua à cet essor en encourageant les scientifiques et les industriels, qui bénéficièrent de la politique protectionniste de l'Empereur (blocus continental, 1806). 

L'économie française au xixe siècle : le rôle des chemins de fer et le poids de l'agriculture

Le siècle qui s'écoula entre 1815 et 1914 fut celui de l'industrialisation, lente mais régulière, de l'économie française. Le taux de croissance du produit national par tête fut de l'ordre de 1,2 % par an en moyenne, excepté durant les années 1875-1890 (0,5 % par an), marquées, comme dans l'ensemble des pays industrialisés, par un net ralentissement de l'activité.

Les chemins de fer jouèrent un rôle essentiel : le réseau ferré passa de 3 000 kilomètres en 1830 à 50 000 en 1913, ce qui reflétait la maîtrise des nouvelles machines à vapeur (locomotives de Marc Seguin) et des techniques de construction des voies ferrées (ouvrages d'art, ponts métalliques, tunnels...). Ils entraînèrent l'essor de l'extraction minière, de la métallurgie, de la fabrication de rails, de wagons, de locomotives..., la construction de gares et l'aménagement du centre des villes. Toutes ces activités, fortement utilisatrices de main-d'œuvre, furent à l'origine du développement du travail salarié et d'une demande de biens de consommation agricoles et industriels, permettant l'entretien de la croissance. Le chemin de fer suscita également la création de nombreuses banques collectant l'épargne nécessaire au financement des compagnies (Crédit Lyonnais, Société générale, Crédit mobilier...).

L'agriculture française connut une évolution globalement moins favorable que l'industrie. Elle souffrit de la faible croissance de la demande nationale (la population française ne passant que de 36 millions d'âmes en 1851 à 40 millions en 1911). D'autre part, la plupart des exploitations agricoles étaient de petite taille et utilisaient des techniques de production vétustes. La productivité était donc faible, et les revenus étaient insuffisants pour permettre une modernisation des domaines. Mais le poids du secteur agricole restant important (75 % de la population vivait à la campagne en 1851), les gouvernants optèrent pour une politique protectionniste, renforcée vers la fin du siècle par les « tarifs Méline ».

Le maintien des prix agricoles permit la survie de la petite paysannerie, mais empêcha aussi la baisse des coûts salariaux (dépendant encore largement du prix des biens alimentaires), ce qui handicapa les exportations françaises : le solde du commerce extérieur français fut généralement négatif durant l'ensemble du siècle. Cependant, la France combla ce déficit par les revenus des investissements effectués à l'étranger (en 1914, la France détenait 8,7 des 44 milliards de dollars placés dans le monde). Mais ces sorties de capitaux ont réduit la capacité de financement de l'économie française et expliquent en partie que la France ait été dépassée à la fin du siècle par les États-Unis et l'Allemagne.

Vers 1900, la France restait néanmoins un lieu d'innovation et d'expérimentation exceptionnel : les inventeurs français participèrent à la naissance de l'automobile, de l'aviation, de l'électrification, du cinéma, de l'industrie de l'aluminium et de la chimie moderne, de la télégraphie sans fil..., secteurs d'activité sur lesquels reposera la croissance économique du xxe siècle.

L'économie française durant l'entre-deux-guerres

La France fut durement touchée par le premier conflit mondial. Ses pertes humaines s'élevèrent à environ 1,4 million de morts, auxquels s'ajoutèrent près de 3 millions de blessés. Cependant, la diminution de la main-d'œuvre masculine fut compensée par un recours plus intensif à l'emploi féminin, par l'immigration (la population d'origine étrangère passant d'environ 1,2 million de personnes en 1911 à 2,7 millions en 1931) et par les gains de productivité permis par la mécanisation.

Dès 1920-1921, les effets directs de la guerre étaient effacés. Il n'en fut pas de même des conséquences financières du conflit.La France avait dû en effet accroître de 18 milliards de francs sa dette extérieure pour financer l'effort de guerre et elle avait perdu beaucoup de ses placements à l'étranger (en Russie en particulier). De plus, l'inflation plus forte en France qu'à l'étranger gênait les exportations françaises. Il en résulta une perte de confiance dans le franc, dont la valeur se dégrada considérablement.

Aussi Raymond Poincaré fut-il rappelé durant l'été 1926 pour rassurer les milieux financiers. Son retour suffit pour faire cesser la chute du franc. Deux ans plus tard, il définissait une nouvelle parité-or du franc fixée au cinquième de sa valeur d'avant la guerre (un franc valait désormais 65,5 mg d'or). Mais cette dévaluation par rapport à l'or était calculée de façon à stabiliser le franc relativement à la livre et au dollar.

La faiblesse du franc avait eu cependant un effet bénéfique sur les exportations puisqu'elle rendait les produits français bon marché pour les acheteurs étrangers, malgré la hausse des prix intérieurs français : entre 1920 et 1926, la valeur des exportations françaises doubla et le solde des échanges extérieurs devint même positif de 1924 à 1926. La plupart des branches industrielles exportaient une partie importante de leur production : le textile de 30 à 50 %, la sidérurgie 30 %, la chimie 25 %, l'automobile et le caoutchouc 15 %, les industries de luxe (bijouterie, parfumerie, mode...) plus de 50 %... Cela explique le dynamisme industriel de la France durant les années 1920 : la production industrielle augmenta de 10 % par an de 1921 à 1929 ; celle des automobiles fut multipliée par 6 et celle de l'acier par 2,5...