Dictionnaire de la danse 1999Éd. 1999
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Hanns NIEDECKEN-GEBHARD (1889-1954). (suite)

LGui

Bibliographie. B. Helmich, " Händel-Fest und Spiel der 10 000 ". Der Regisseur Hanns Niedecken-Gebhard, Peter Lang, Francfort, 1989.

Friedrich Wilhelm NIETZSCHE (1844-1900).

Philosophe et philologue allemand.

Plaçant la réflexion esthétique au cœur de son œuvre - « L'art est la tâche suprême et l'activité véritablement métaphysique de cette vie » (« Lettre à Richard Wagner », 1871) -, Nietzsche accorde à la danse une importance peu commune dans les écrits philosophiques. « Nourrie de musique », selon P. *Valéry, sa philosophie trouve dans la tragédie grecque, dont il rattache l'origine à la musique, la forme la plus accomplie de l'art et dans la danse, le mouvement reliant le corps à l'esprit, la tradition à la création, dans une dimension essentiellement musicale et métaphysique : « Par ses chants et danses, l'homme montre qu'il est membre d'une communauté supérieure » (la Naissance de la tragédie, 1872).

Opposant la dimension dionysiaque de l'art, inscrite dans le souffle même de la nature, dans notre part d'irrationnel, et qui sollicite le corps tout entier dans une « danse totale », à la dimension apollinienne, rationnelle, qui recherche, par l'imitation et la classification des genres, la satisfaction simplement intellectuelle d'un goût de l'image immobile et de la beauté formelle, Nietzsche attribue à la danse une essence dionysiaque, car elle crée le trait d'union de l'art et de la pensée à la nature et à la vie. Pour lui, bien danser est d'une certaine manière penser et, réciproquement, penser véritablement, de façon authentique, est une manière de danser. La danse de la pensée et de l'écriture est ce qui transforme le simple philosophe en philosophe-artiste, à la manière du danseur de corde d'Ainsi parlait Zarathoustra qui pense, danse, au-dessus d'un monde engoncé dans ses catégories intellectuelles et morales artificielles. C'est cette dimension première de la danse comme principe métaphysique qui conduit finalement Nietzsche à s'opposer à R. *Wagner après avoir vu dans le drame wagnérien la renaissance de la tragédie grecque, forme dionysiaque par excellence car fondatrice de mythes. Il accuse celui-ci d'avoir « rendu la musique malade » pour ne pas avoir respecté les exigences premières de la musique ancienne où « il fallait danser » (« Wagner considéré comme un danger », in Nietzsche contre Wagner, 1888) : pour Nietzsche, ce qui empêche la musique de gesticuler et de se trahir en mimant le théâtre ou la peinture, c'est sa dimension choréique. Déclarant qu'il faut « méditerraniser la musique » (Par-delà le bien et le mal, 1886), il se tourne alors vers G. *Bizet notamment, trouvant une forme d'apaisement et comme le sentiment d'être « meilleur philosophe » dans la dimension naturelle et cruelle de l'amour de Carmen, dans sa danse mauresque pleine de « lascive mélancolie » et à la « gaîté africaine » empreinte de tragique (le Cas Wagner, 1888).

En parlant de danse, Nietzsche ne fait pas allusion au mode de représentation du ballet, mais essentiellement à ses dimensions populaires et métaphoriques (danse de l'esprit ou de la nature) : il l'aborde dans sa dimension temporelle et musicale comme mouvement du corps et de l'être en son devenir, en sa volonté d'exister, comme un acte tout à la fois physiologique et esthétique, celle-ci n'étant pour lui qu'une « physiologie appliquée ». C'est cette dimension de la danse comme expression de la vie même qui conduit Isadora *Duncan à rejeter les formes artificielles et « apolliniennes » du ballet pour retrouver, à partir du « corps naturel et réel », les chemins d'une danse dionysiaque cherchant à renouer avec les grands mythes et une dimension populaire, visions nietzschéennes qu'elle exprime notamment dans la Marseillaise (1916). À la suite de Duncan, de nombreux chorégraphes vont se référer à la pensée de Nietzsche, au prix parfois de contresens, voire de trahisons de ses idées. M. *Béjart est celui qui revendiquera le plus fortement son affiliation au philosophe : IXe Symphonie (1964), *Messe pour le temps présent (1967) qui se réfère directement à Zarathoustra, *Ce que l'amour me dit (1974) sont autant de rencontres avec Nietzsche, lequel intervient même en tant que personnage dans Dionysos (1984), l'esprit dionysiaque étant invoqué, plus largement, dans toute la production béjartienne. C'est toutefois dans le *butô que la pensée nietzschéenne de la danse semble trouver son véritable accomplissement chorégraphique : partant de la sensation du corps mort, le danseur de butô développe au sein même de cette mort la danse comme irruption du mouvement interne du temps, de la vie, du devenir soi ; approche profondément nietzschéenne, que C. *Ikeda et K. *Murobushi affirment explicitement en créant Zarathoustra (1984, carré Thorigny, Paris).

AF

Bronislava NIJINSKA (1891-1972).

Danseuse, pédagogue et chorégraphe russe.

Fille de danseurs polonais et sœur de V. *Nijinski, elle est formée à l'École de danse de *Saint-Pétersbourg. En 1908, elle entre au *Mariinski et participe en 1909, elle à la première saison des *Ballets Russes, et mène une double carrière de soliste dans les deux compagnies jusqu'à sa démission du Mariinski en1911. En 1914, elle danse dans l'éphémère compagnie de son frère, puis retourne en Russie. Elle crée sa première chorégraphie, la Tabatière , en 1915 à *Petrograd, et ouvre à Kiev une école de danse en 1919, où elle a S. *Lifar comme élève. En 1921, elle retourne chez *Diaghilev comme danseuse et chorégraphe jusqu'en 1925. Elle travaille ensuite comme chorégraphe indépendante dans diverses compagnies : à l'Opéra de *Paris, au *Teatro Colón à Buenos Aires, pour I. *Rubinstein (1928 et 1929) et l'*Opéra russe de Paris (1930 et 1931). En 1932, elle monte sa propre compagnie. En 1935 elle est au *Ballet Russe de Monte Carlo, en 1937 elle dirige les Ballets Polonais de Paris. Elle collabore avec M. *Reinhardt à Berlin pour les Contes d'Hoffmann, et pour son film le Songe d'une nuit d'été. En 1938, elle s'installe aux États-Unis, ouvre une école à Los Angeles, et travaille pour diverses compagnies. Après la guerre, elle est invitée par le marquis de *Cuevas, et remonte ses œuvres pour le *Royal Ballet. Elle finit ses jours à Los Angeles.