Dictionnaire de la danse 1999Éd. 1999
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Antal Fodor (né en 1941).

Danseur et chorégraphe hongrois.

Élève de l'Institut national de ballet (1954-1959), il danse au Ballet Sopianae (1957-1968), où il crée sa première chorégraphie, Ballo concertante (1966, A. *Vivaldi), de facture *néoclassique. Danseur et maître de ballet à l'Opéra de *Budapest depuis 1971, il enseigne aussi à l'Académie de danse de Budapest. De Concerto en mi majeur (1974, J.-S. *Bach), proche de la danse *libre, à Répétition (1982, mus. Jean-Sébastien Bach et Gábor Presser), un « ballet rock », ou Requiem (1998, mus. G. *Verdi), il révèle un style varié avec un goût marqué pour une danse abstraite, les évolutions des danseurs restant basées sur la technique classique.

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Michel FOKINE (1880-1942).

Danseur et chorégraphe russe.

Né à Saint-Pétersbourg, Fokine entre à l'École de danse de cette ville poussé par sa mère, passionnée de théâtre, et malgré les réticences de son père, homme d'affaires, qui porte un regard critique sur le ballet. Il est l'élève de Platon Karsavine (le père de T. *Karsavina), de N. *Volkov qui lui inculque le sens de la précision du mouvement, de P. *Guerdt qui lui apporte la dimension artistique, et de N. *Legat. Il complète sa formation par l'étude de la musique et de la peinture, pratiquant toute sa vie l'art du portrait. Engagé au *Mariinski en 1898, il est nommé premier danseur en 1904. Dès 1901 un cours lui est confié à l'école où il enseigne jusqu'en 1911. Il crée sa première chorégraphie en 1905 pour un gala d'élèves, et ses premières œuvres importantes constituent le répertoire choisi par S. *Diaghilev lorsqu'il se lance à la conquête du public parisien en 1909 avec ses *Ballets russes. Le succès est retentissant, et leur collaboration dure jusqu'en 1912. Fokine retourne alors en Russie où il travaille pour les Théâtres impériaux, et ne revient chez Diaghilev que pour la saison 1914. Il quitte définitivement la Russie en 1918. Chorégraphe indépendant, il travaille en France, en Grande-Bretagne et en Scandinavie, ayant J. *Börlin pour élève à Copenhague. En 1923 il s'installe aux États-Unis, où il a ouvert une école à New York en 1921 et créé sa compagnie de ballet en 1922. Il revient en Europe en tournée, et est invité à travailler pour I. *Rubinstein (1931), les Ballets de *Monte-Carlo (1936-1937) et les *Ballets russes du colonel de *Basil (1938-1939). S'il ne cesse de composer jusqu'à sa mort, c'est chez Diaghilev qu'il crée ses plus grands chefs-d'œuvre, qu'il est souvent invité à remonter. Époux de la danseuse Vera Fokina, qui est souvent sa partenaire, ils ont un fils, Vitale, qui sera professeur de danse classique à New York, et leur petite-fille, Isabelle, sera danseuse au Pittsburgh Ballet.

Danseur à la technique solide et aux grandes qualités d'expression, c'est surtout comme chorégraphe et rénovateur du ballet classique que Fokine occupe une place essentielle dans l'art de la danse : il est notamment le premier, dans le domaine du ballet, à affirmer clairement, au début du XXe siècle, la nécessité d'un style individuel. Baignant dans l'atmosphère révolutionnaire de l'époque, il appartient à la génération qui succède au long règne de M. *Petipa, dont il admire les œuvres, mais il affirme très tôt sa personnalité par son désir d'exprimer dans le ballet une sensibilité nouvelle. Sa démarche est portée par une inlassable curiosité, qui le conduit à s'intéresser à tous les arts, et à élargir ses connaissances par la lecture. Conforté dans sa voie par le passage d'I. *Duncan en Russie, il commence à mettre ses idées en pratique dès ses premières œuvres : la *Mort du cygne, Eunice, et le Pavillon d'*Armide (1907), Une nuit d'Égypte et *Chopiniana (1908). C'est par l'intermédiaire d'A. *Benois, avec lequel il s'est lié à l'occasion de leur collaboration pour le Pavillon d'Armide, qu'il fait la connaissance de Diaghilev. Cette rencontre est déterminante, car celui-ci, qui partage les mêmes idées novatrices en matière artistique, donne à Fokine la possibilité de les mettre en œuvre en toute liberté au sein des Ballets Russes, où il bénéficie pleinement de l'atmosphère d'innovation et de collaboration, loin des lourdeurs institutionnelles du Mariinski.

Fokine accorde une grande importance à la musique, aux décors et aux costumes qui doivent être en parfaite harmonie avec le sujet, et contribuer à l'expressivité de l'œuvre. Il fait aussi évoluer la conception même du ballet. Sa volonté de montrer que toute l'action dramatique peut être traduite par la danse le conduit à en supprimer la mimique et les divertissements qui interrompent l'action : il produit ainsi des œuvres courtes, à la charge dramatique et émotionnelle puissante. Il ne renie rien de la danse d'école qui l'a formé, mais n'utilise jamais la technique de façon démonstrative, ne la concevant qu'au service d'une expressivité. Il applique ce principe non seulement aux rôles de soliste, mais également au corps de ballet, qu'il intègre au déroulement de l'action, et dont il fait le protagoniste des *Danses polovtsiennes. Il compose ses chorégraphies à partir de l'idée qu'il se fait des personnages ou de l'atmosphère qu'il veut créer, donnant un sens au moindre détail, et engageant le corps tout entier dans l'interprétation. Ainsi, il utilise une danse virtuose dans le *Spectre de la rose ou les *Sylphides, ou privilégie la caractérisation des personnages (*Carnaval). Il cherche des mouvements qui correspondent au style du sujet du ballet, inventant une gestuelle persane (*Schéhérazade), chinoise (*l'Épreuve d'amour), indienne (le *Dieu bleu), évoquant la Grèce antique (*Daphnis et Chloé) ou l'Égypte ancienne (Cléopâtre), et s'inspirant des danses de *caractère russes (l'*Oiseau de feu, *Petrouchka).

Nourrissant son enseignement de ses idées, il est un remarquable pédagogue, adoré de ses élèves passionnés par les nouvelles perspectives qu'il leur révèle. De la même manière, il sait transmettre à ses danseurs les exigences requises dans chacun de ses ballets. Son œuvre est transcendée par les interprètes exceptionnels qui mettent leur talent au service des rôles qu'il crée pour eux : N. *Pavlova, A. *Bolm, mais surtout V. *Nijinski et T. *Karsavina, qui adhèrent totalement à sa démarche et contribuent largement à son succès.