Dictionnaire de la danse 1999Éd. 1999
B

Johann Sebastian BACH, ou [B. Jean-Sébastien ] (1685-1750). (suite)

Face aux tourments du siècle, la musique de Bach devient aussi bientôt le symbole d'une intemporalité menacée de toutes parts. D'abord avec M. Béjart qui, dans le Cercle (1956), encadre un largo de Bach par deux pièces de P. *Henry (Tam-tam 1 et 2). D'autres juxtapositions suivent, tandis qu'un nouveau pas est franchi en 1969 par F. *Blaska qui utilise pour *Electro-Bach des arrangements électroniques signés Walter Carlos. La voie est alors ouverte à toutes les contaminations et confrontations, dont W. *Forsythe, notamment, se fera une spécialité : ainsi, les Partitas pour violon seul qui accompagnent les pas de deux dans *Artifact (1984) ne sont plus qu'une vision béatifique et éphémère, sans cesse saccagée par le bruits métalliques du tomber du rideau et de la musique concrète.

BT, PLM

Sur la musique de Bach. De *Valois (Nautical Nonsense, 1927 ; Suite de danses, 1930) *Bolm (Bach Cycle, 1935) ; von *Grona (Religious Allegory, 1937) ; *Ashton (The Wise Virgins, 1940) ; *Lifar (Dramma per musica, 1946 ; Naissance d'un ballet, 1964) ; *Sokolow (Dreams, 1961 ; Musical Offering, 1961) ; *Limón (Choreographic Offering, 1963) ; *Cranko (Brandenbourg n° 2 et 4, 1966 ; Kyrie eleison, 1968) ; *Tharp (All About Eggs, 1974 ; Third Suite, 1980) ; Mark *Morris (Marble Halls, 1985 ; Jesus meine Freude, 1993) ; *Bagouet (So schnell, 1990).

Alexis BACQUOY-GUÉDON (vers 1740-apr. 1784).

Danseur du Théâtre-Français et pédagogue.

Il est l'auteur d'une Méthode pour exercer l'oreille à la mesure dans l'art de la danse (Amsterdam, 1766 ; rééd. Valade, Paris, 1784) en deux parties. La première, théorique, comporte l'étude du *menuet et de la *contredanse. Y sont énumérés les différents moyens pour marquer la *mesure en insistant sur la notion déterminante de " menuet dansant " par rapport au " menuet en musique ", avant de terminer par une " réflexion " sur les deux danses. La seconde partie contient plusieurs airs de musique illustrant tous les types de mesure appliqués aux menuets et contredanses. Il met à profit sa retraite pour approfondir et reformuler sa réflexion dans les Considérations sur la danse du menuet (2eéd. 1784). Ces préceptes sont mis en application dans un menuet monté en 1779 par P. D. *Deshayes, *maître de ballet au Théâtre-Français.

ERou

Henk BADINGS (1907-1987).

Compositeur néerlandais.

Ingénieur de formation, c'est en autodidacte qu'il compose sa première symphonie, créée par Willem Mengelberg en 1930. Formé par la suite par W ? ? ? ? Pijper, il sera lui même un professeur au rayonnement international, notamment dans le champ de l'acoustique, prolongeant ainsi son intérêt pour les micro-tons et les gammes non tempérées. Il compose un grand ballet, Orpheus en Eurydike, en 1941, créé par Y. *Georgi en 1955, où, en donnant le rôle d'*Orphée à un acteur et en introduisant un chœur, il réussit à fusionner les genres de l'art dramatique.

BT

Autres compositions. Elektronisches Ballet (1957, Georgi ; 1958, *Chladek) ; Evolutionen (1958, Georgi ; Jungle, 1961, *Van Dantzig) ; Diversities, 1966, Jonathan Taylor) ; la Femme d'Andros (1960, Georgi ; 1972, Garth Welch).

Bagnolet (Concours de).

Compétition chorégraphique annuelle organisée en France depuis 1969, devenue biennale en 1988.

Lancé sous le nom de « Ballet pour demain » par le danseur Jaques Chaurand, qui en assure la direction jusqu'en 1984, ce rendez-vous annuel qui se déroule alors dans un gymnase de la ville de Bagnolet connaît vite le succès. À l'origine, grande foire de la danse permettant aux jeunes danseurs et chorégraphes de présenter leur travail en dix minutes, il se professionnalise peu à peu.

En 1975, devant l'afflux des candidatures, une présélection est mise en place. Les prix distribués, dont celui du ministère de la Culture institué en 1979, deviennent des références pour une carrière. C'est dans son cadre que sont organisées en 1981, les assises de la danse qui serviront de base aux premières mesures en faveur de la danse prises par Jack Lang, alors ministre de la Culture. En 1985, Bernadette Bonis, journaliste, succède pour un an à Jaques Chaurand avec pour objectif de transformer le concours, qui est finalement suspendu pendant deux ans.

Il renaît en 1988, sous la direction de Lorrina Niclas. Rebaptisée Rencontres chorégraphiques internationales de Seine-Saint-Denis en 1990, la manifestation, désormais biennale, se déroule à la maison de la culture de Bobigny et constitue le point d'orgue d'un processus complexe réunissant les lauréats de sélections nationales (compagnies présentées officiellement par certains pays) et des lauréats indépendants, sélectionnés lors de rencontres intermédiaires (les "plates-formes") organisées dans les pays participants.

Témoin actif d'un milieu artistique encore inorganisé lors de sa création, le concours de Bagnolet va contribuer à structurer ce milieu en révélant pendant près de 20 ans la plupart des grandes figures de la jeune danse française dont D. *Bagouet (1976), J.-C. *Gallotta (1976), M. *Marin (1978), F. *Verret (1980), J. *Bouvier et R. *Obadia (1981), R. *Chopinot (1981), D. *Larrieu (1982), Ph. *Decouflé (1983), C. *Diverrès et B. *Montet (1984), M. *Tompkins (1984), C. *Brumachon (1984), M. *Monnier (1985), A. *Preljocaj (1985). Prenant en compte cette nouvelle donne, la manifestation porte depuis 1988 une attention particulière au développement de la jeune danse à travers le monde.

JP

Dominique BAGOUET (1951-1992).

Danseur et chorégraphe français.

Formé à l'école de R. *Hightower, il débute une carrière classique (Ballet du Grand Théâtre de *Genève, *Ballets du XXe siècle) avant de se tourner vers la danse contemporaine. Nouvelle formation (P. *Goss, C. *Carlson) et remise en question du statut du danseur le font se tourner rapidement vers la chorégraphie : en 1976, sa première pièce, Chansons de nuit, remporte le premier prix au *Concours de Bagnolet. Directeur dès 1980, de l'un des premiers Centres chorégraphiques régionaux (devenu *CCN de Montpellier en 1984), son oeuvre assume, interroge et met à distance l'héritage classique.

C'est avec *Déserts d'amour (1984), qu'il affirme le style raffiné, complexe et détaillé qui fera parler de « baroque contemporain ». Son mouvement comme ses compositions spatiales aux perspectives savantes, voire monumentales (Assaï, 1986), sont hantés par de minuscules effondrements, d'indécelables assymétries qui deviendront sa marque. Ce conflit secret entre structure et défaillance, d'abord posé dans une rigoureuse abstraction qui rappelle que le corps du danseur est le vrai théâtre de la danse, ne cesse dès lors de se transformer. Bagouet confronte la puissance de son langage à celui d'autres artistes (Assaï est une collaboration avec le compositeur Pascal Dusapin), tout en en faisant éclater les conventions. A cet effet, il convoque divers partenaires (Dusapin et le plasticien Christian Boltanski pour *Le Saut de l'ange en 1987, un texte du romancier Emmanuel Bove pour *Meublé Sommairement en 1989, etc.), chaque nouvelle pièce faisant la critique de la précédente. Ainsi, des séquences binaires et quasi grossières détruisent parfois le bel ordre de sa gestuelle, du texte rompt la règle du silence de la danse, le récit et l'autobiographie font irruption dans son univers réputé pudique. Ce processus remet au centre du projet esthétique le danseur et son dialogue avec l'écriture chorégraphique, faisant de l'interprétation un des moteurs de l'acte créateur, et l'un des domaines où la pensée de Bagouet aura été la plus novatrice.