Agriculture (suite)
José Bové et la « malbouffe »
Au cœur de l'été 1999, un agriculteur de l'Aveyron de quarante-six ans, cheveux ras et moustache abondante, a tenu la vedette. Éleveur de brebis sur le causse du Larzac, José Bové – l'un des fondateurs de la Confédération paysanne – prend la tête du combat contre la mondialisation, la « dictature » des grandes firmes multinationales et la « mal- bouffe ». Avec d'autres, il a lancé les mois précédents des actions contre les OGM (organismes génétiquement modifiés). Mais, à la mi-août, il détériore avec ses amis le restaurant MacDonald's de Millau, symbole selon lui de l'alignement passif de la France et de l'Europe sur le modèle alimentaire américain. Prison, condamnation, libération...
Il a déjà eu l'occasion, en 1976, de lutter contre l'extension du camp militaire du Larzac ou, en 1995, de s'opposer aux essais nucléaires en Polynésie. À l'automne 1999, il lance une véritable croisade pour mettre en garde les consommateurs européens et français contre les négociations de l'OMC (Organisation mondiale du commerce) qui s'ouvrent à Seattle fin novembre. Le 21 octobre, il obtient une mini-consécration en étant reçu, avec d'autres syndicalistes, à la table ronde que président Lionel Jospin, Premier ministre, et Jean Glavany, ministre de l'Agriculture et de la Pêche. Et, en janvier 2000, il se « paiera le luxe » d'aller à Davos (Suisse) troubler le symposium célèbre où se rencontrent chefs d'État, hommes d'affaires et « penseurs » de l'économie mondiale.
Au croisement de l'économie, de la politique et de l'écologie
En simplifiant, on peut dire que la Bretagne est le principal bassin européen de production de porcs et, en y adjoignant les Pays de la Loire, de volailles. Le nord du Bassin parisien et le Centre forment la principale concentration pour les betteraves et, si l'on ajoute à ces deux dernières zones la Bretagne, on est en présence de la plus forte production européenne de pommes de terre. Le blé se concentre dans le Bassin parisien, mais on voit peu à peu des terres affectées traditionnellement aux céréales qui se conver- tissent aux fruits (pommes) ou aux légumes pour l'industrie de la conserve (en Picardie ou en Champagne). La polyculture caractérise l'Alsace (céréales, élevage, tabac, maïs), la Bourgogne (viticulture, élevage bovin, oléagineux, céréales, betteraves, oignons) alors que les vallées (Rhône, Garonne, Val de Loire) se spécialisent dans les vergers et le maraîchage. La Dordogne et le Lot-et-Garonne produisent à eux seuls plus des trois quarts des fraises.
Diverse, l'agriculture française continue à représenter une activité économique essentielle. Les enjeux sont financiers, du fait de l'importance des sommes publiques engagées pour ce secteur et du très fort excédent du commerce extérieur qu'il dégage. Ils sont aussi politiques, avec des syndicats et des organisations professionnelles très actifs, des lobbys qui savent se faire entendre au gouvernement, au Parlement et à Bruxelles. Ils sont enfin liés à l'environnement : 80 % du territoire français est rural, et les forêts, publiques et privées, représentent un capital économique et un patrimoine collectif précieux. De ce point de vue, les dégâts causés par les tempêtes de décembre 1999 constituent un véritable drame national.
L'agriculture doit de plus en plus prendre en compte les préoccupations de l'ensemble des Français, comme la pollution des eaux ou la préservation des paysages. Une très large part des décisions qui concernent son avenir sont prises depuis plus de trois décennies essentiellement à Bruxelles, dans le cadre de l'« Europe verte », mais les gouvernements successifs sont cependant obligés, périodiquement, de prendre des dispositions pour recadrer l'organisation des activités agricoles, avec les « lois d'orientation agricole ».
La loi d'orientation agricole du 9 juillet 1999 est la dernière en date. Elle harmonise les dispositions nationales sur la qualité des produits (labels, appellations contrôlées, indicateurs géographiques de provenance) avec la réglementation européenne, insiste sur l'importance de la sécurité alimentaire en érigeant en quasi-dogme le principe de précaution, notamment au sujet des organismes génétiquement modifiés (OGM), et renforce le rôle des organisations de producteurs. Elle introduit surtout une innovation : les contrats territoriaux d'exploitation (CTE), conclus pour cinq ans entre l'administration et les exploitants qui le souhaitent. Ces CTE comprendront deux parties, assorties d'aides financières publiques : une partie économique (performances, productivité, exportation, emploi) et une partie sociale et environnementale prenant en compte la fonction d'« intérêt collectif » que remplit l'agriculteur (mise en valeur du paysage, protection des sols et des rivières, entretien du patrimoine rural) ; celle-ci devra, en tant que telle, être rémunérée. Quelque 50 000 contrats devaient être signés en 2000 avec, à la clé, un financement public (national et européen) d'environ 2 milliards de francs
F. G.
➙ OMC, PAC, Union européenne