Dictionnaire de l'économie 2000Éd. 2000
B

Bourse

La Bourse des valeurs (en anglais Stock Exchange) joue désormais un rôle primordial dans le financement de l'économie. Elle permet à des entreprises de trouver les moyens de leur développement sans perdre leur indépendance, en offrant sur le marché soit des parts de leur capital (actions), soit des parts d'emprunt (obligations).

La Bourse est un marché financier où se confrontent, via des intermédiaires, une offre et une demande. À la différence des marchés traditionnels, les biens à échanger ne sont pas présents physiquement : ce sont des contrats ou des titres largement dématérialisés qui sont cotés.

L'accès à ce marché évite aux entreprises d'avoir à faire appel à un unique partenaire, par exemple un banquier. Plus un marché est large, mieux il fonctionne : plus il y a d'entreprises cotées et plus les investisseurs ont de choix, plus il y a d'investisseurs et plus les entreprises ont de chances de trouver des fonds ; davantage d'acteurs signifie pour tous la liberté d'entrer et de sortir à tout moment.

La nouveauté des vingt dernières années, c'est que des millions de ménages de par le monde comptent, soit directement, soit via des placements collectifs, sur les gains en Bourse pour compléter leurs revenus et préparer leur retraite. La Bourse ne finance plus seulement les entreprises...

Si la Bourse est devenue au xxe siècle synonyme de capitalisme financier et de mondialisation, ses mécanismes sont très anciens. C'est sans doute aux Romains qu'on doit l'invention du marché boursier. Dans la Rome antique, les publicains, qui avaient obtenu de l'État l'exclusivité des adjudications pour la collecte des impôts, la construction des temples et des grandes voies, la fourniture aux armées, avaient constitué d'importantes sociétés en commandite par actions, dont les parts se négociaient dans des basiliques spécialement construites à cet effet. La vente de ces actions s'effectuait alors par l'intermédiaire des argentarii, sorte de notaires et d'agents de change.

« À l'usage des marchands de tous les pays et de toutes les langues »

L'effondrement de l'Empire romain entraînera celui du système boursier. Pendant près de cinq cents ans, le principe en sera oublié avant d'être redécouvert par des Italiens au cours du Moyen Âge. Les actions et obligations seront progressivement et prudemment réutilisées. Au début de l'an mille, armateurs et commerçants vénitiens s'associaient le temps d'un voyage, la société étant dissoute au retour du navire. Deux siècles plus tard, la ville de Gênes décidait d'émettre des emprunts garantis sur les ressources de l'impôt sur le sel. Il faudra néanmoins attendre le xive siècle pour trouver un centre regroupant tous les échanges, non en Italie mais en Flandre. Le nom de « Bourse » tire son origine d'une famille de Bruges, les Van den Börse : c'est au pied de leur hôtel particulier que les négociants se réunissaient pour commercer. La Bourse d'Anvers, dont le fronton porte l'inscription « À l'usage des marchands de tous les pays et de toutes les langues », devient le centre financier de l'empire de Charles Quint au xvie siècle. Les commerçants s'y réunissent pour négocier des lettres de change ou des marchandises qui seront livrées plus tard.

En France, c'est en 1141 que, par lettres patentes, Louis VII implante le change sur le Grand-Pont à Paris, devenu le Pont-au-Change. Les changeurs travaillent à ciel ouvert sur des petits bancs de bois, d'où le nom de banque. La toute première société par actions fut créée en 1250 par des habitants de Toulouse, sous l'appellation de « la société des moulins du Bazacle et du château de Tou-louse ». Au départ, les actions étaient au nombre de 93 et s'appelaient des « uchaux ». Cette firme possède le record de longévité, étant restée cotée jusqu'en 1946. Avec le début du capitalisme au xvie siècle et la multiplication des sociétés, la nécessité d'une véritable Bourse apparut. La première vit le jour à Lyon en 1540. En juin 1572, un édit de Charles IX crée les « offices de courratiers », ancêtres des agents de change. La Bourse de Paris déménage de nombreuses fois : du Pont-au-Change au Palais de Justice, à l'ombre de la Sainte-Chapelle, puis à l'hôtel de Soissons, rue Quincampoix, place Vendôme, rue Vivienne, dans l'ancien palais Mazarin, au Louvre, à Notre-Dame-des-Victoires alors désaffectée...

Le 3 novembre 1826, elle s'installe enfin dans un palais que Napoléon Ier avait commandé vingt ans auparavant à l'architecte Brongniart. Agrandi ensuite, le palais est entouré de 82 colonnes à chapiteau corinthien et orné à l'extérieur de quatre statues représentant la Justice, le Commerce, l'Industrie et l'Agriculture. Au début des années 1990, le palais Brongniart s'est progressivement et définitivement vidé, le marché à la criée étant détrôné par les transactions électroniques. Il est désormais désert. Les transactions se font par l'intermédiaire d'écrans.

Wall Street : du platane à l'électronique

Au xviiie siècle, alors que l'Angleterre dominait le monde et occupait la première place en matière commerciale et financière, un événement passa complètement inaperçu. Le 17 mai 1792, 24 petits investisseurs américains qui avaient coutume de se retrouver sous un platane (buttonwood) au bas de New York jetèrent les bases de ce qui allait devenir et rester la première Bourse du monde. En signant le Buttonwood Agreement, ils se mettaient d'accord sur les taux de commissions fixes liées à l'échange de titres. Le marché se développa et s'installa en 1903 à Wall Street, littéralement « la rue du mur », qui tire son nom d'une fortification édifiée par Peter Stuyvesant, le fondateur de la ville. Deux siècles plus tard, Wall Street célébrait cet anniversaire avec faste. « Nous sommes passés en deux cents ans du courtage sous un platane aux transactions électroniques », soulignait avec fierté James Brady, le secrétaire d'État au Trésor. Le New York Stock Exchange était porté au rang de symbole du système de libre-échange. Avec plus de 3 000 sociétés cotées et une capitalisation boursière de près de 10 600 milliards de dollars (en 1998), le NYSE est la première place du monde, d'une taille dix fois supérieure à celle de Paris. Les records accumulés par son indice, le Dow Jones, ont été tels que personne ne veut plus songer aux grands krachs d'octobre 1929 et d'octobre 1987. La réglementation imposée par la SEC (Securities and Exchange Committee), la politique de taux d'intérêt toute en finesse de la Réserve fédérale et les « coupe-circuit » informatiques devant empêcher toute contagion de la panique ont persuadé beaucoup d'Américains qu'on peut gagner éternellement à la Bourse – ce qu'une déjà longue histoire dément.