Dictionnaire de l'économie 2000Éd. 2000
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Déficits sociaux (suite)

Le plan Juppé n'en marque pas moins, notamment pour l'assurance-maladie, un tournant considérable car, pour la première fois, une majorité de droite met les acteurs du système de santé – et les médecins libéraux en particulier – devant leurs responsabilités. Sa mise en œuvre a nécessité cinq ordonnances, plusieurs lois et, au préalable, une réforme de la Constitution, afin d'autoriser le Parlement à adopter chaque année une loi de financement de la Sécurité sociale. À l'automne, le Parlement vote un objectif de dépenses de Sécurité sociale ( autour de 1 700 milliards en 2000), et notamment pour l'assurance-maladie ( 658 milliards). Pour élargir le financement de la Sécurité sociale, le plan prévoit une hausse de la cotisation maladie des retraités et des chômeurs indemnisés au-dessus du SMIC, et le basculement de la cotisation maladie des salariés sur la CSG, dont une première étape sera franchie en janvier 1997.

M. Juppé décide aussi d'instaurer un mécanisme de sanctions financières contre les médecins libéraux en cas de dépassement de l'objectif de dépenses médicales voté par le Parlement, de resserrer le contrôle de l'État sur les caisses de la Sécurité sociale, de renforcer le poids du patronat dans leurs conseils d'adminis-tration, où il aura, comme entre 1967 et 1983, autant de sièges que les salariés. Il crée vingt-quatre agences régionales de l'hospitalisation, dirigées par des « préfets sanitaires » nommés en Conseil des ministres. Elles ont pour mission de répartir les crédits entre les établissements de soins et de restructurer le secteur (fermetures, reconversions, coopération entre établissements…).

En juin 1998, Edmond Malinvaud*, grande figure de l'économie française, affirmait dans un rapport que l'assiette des salaires restait pertinente. « Selon toute vraisemblance, la masse salariale augmentera à l'avenir au moins aussi vite en tendance que la valeur ajoutée, et cela de façon moins cyclique », et il est probable que le taux de chômage « diminuera très significativement ». En aura-t-on alors fini avec le fameux « trou » de la Sécurité sociale ?Chaque branche, notamment la maladie et la vieillesse, a des problèmes et des remèdes différents.

•  Assurance-maladie. Il semble difficile d'ouvrir des perspectives sur la prise en charge d'autres risques sociaux, comme la dépendance des personnes âgées, tant que la progression des dépenses de santé ne sera pas médicalement justifiée. Près de 100 milliards de francs de dépenses ne seraient pas justifiés d'un strict point de vue médical, affirme Gilles Johanet, directeur de la Caisse nationale d'assurance-maladie des travailleurs salariés (CNAMTS). Avec le « plan stratégique » de la CNAMTS, voté le 12 juillet 1999 par son conseil d'administration, M. Johanet estime possible de réaliser 62 milliards de francs d'économies par an (dont 32 milliards sur l'hôpital), soit près de 10 % du total des dépenses.Cela passe par une série de mesures fortes, que le gouvernement a l'intention de n'agréer qu'au compte-gouttes : recertification des médecins tous les sept ans sur la base d'une évaluation de leur pratique ; conventionnement par la « Sécu », dans les départements, des seuls praticiens nécessaires pour répondre aux besoins sanitaires ; système de reversements d'honoraires de médecins aux caisses en cas de dérapage des dépenses médicales ; présentation obligatoire du carnet de santé par les assurés ; majoration de dix points du remboursement pour les malades acceptant une formule d'abonnement chez un généraliste, seul habilité à l'orienter vers un spécialiste ; versement des crédits aux hôpitaux et aux cliniques suivant le coût de chaque maladie… Les dépenses médicales sont d'autant plus difficiles à maîtriser que leur évolution dépend beaucoup des comportements des assurés et des médecins. Or, en médecine libérale du moins, il n'existe jusqu'à présent aucun mécanisme efficace pour freiner la consommation des assurés sociaux ou limiter la prescription des médecins.

• Retraites. L'avenir des retraites* est l'un des sujets les plus lourds pour un gouvernement. « Songez que, pour dix actifs, nous avons actuellement quatre retraités, mais qu'il y en aura vraisemblablement sept en 2040 », déclarait Jacques Chirac, le 10 septembre 1999. Depuis juin 1997, le chef de l'État ne perd jamais une occasion de demander au gouvernement d'agir, non sans lui rappeler que la réforme d'Édouard Balladur en 1993 (allongement à quarante années de la durée de cotisation, calcul des pensions sur les vingt-cinq meilleures années au lieu des dix meilleures, indexation des pensions sur les prix) a concerné les salariés du privé. Aussi estime-t-il que, au nom de l'équité entre les actifs, il faut réformer en priorité les régimes spéciaux (fonctionnaires, SNCF, RATP, EDF-GDF…).Selon le rapport sur l'Avenir de nos retraites (La Documentation française, 1999), commandé par Lionel Jospin au commissaire au Plan Jean-Michel Charpin, les dépenses de retraite (près de 1 000 milliards de francs) tripleront d'ici à 2040, alors que la masse salariale sur laquelle sont assises les cotisations ne fera que doubler. Leur poids passera de 11,6 % à 16 % du PIB. Un retour au plein-emploi et une augmentation de la population active sauveraient-ils le système par répartition ? Le rapport répond sans ambiguïté : « Une hausse supplémentaire de la population active occupée aurait un effet minime sur les comptes des régimes. »Cette approche pessimiste, en partie partagée par Lionel Jospin, est contestée par des économistes qui – notamment à gauche – estiment que, s'il y a bien un déséquilibre entre le nombre des cotisants et celui des retraités, la croissance économique, les hausses de cotisations qu'elle rend possibles ainsi que les gains de productivité permettront de résoudre l'équation financière des retraites.

J.-M. B.

➙ Protection sociale, retraite, santé, Sécurité sociale

Déflation

Baisse du niveau général des prix, généralement associée à une contraction de l'activité économique.