Euro (suite)
• La BCE surveille aussi les taux de change : dollar contre euro, bien sûr, mais également toute parité qui influence l'équilibre mondial. Ainsi, la BCE a vendu du yen contre de l'euro, pour la première fois, en juin 1999, afin de contenir la hausse de la monnaie japonaise.
• Troisième mission, la BCE conserve les réserves de change ; l'or et le dollar sont moins utilisés qu'auparavant dans la constitution des réserves. La BCE a ainsi décidé que 15 % au maximum des réserves de change de l'UE seraient constitués d'or.
• En outre, le président de la BCE représente l'Union européenne (avec le président de la Commission européenne) dans les grandes instances économiques internationales, comme le G7 et le FMI.
Le président de la BCE dirige aussi le conseil des gouverneurs de la BCE. Celui-ci, institué également par le traité de Maastricht, est composé d'un directoire, formé de six membres nommés par le Conseil européen. Par ailleurs, les banques centrales nationales ne disparaissant pas mais étant regroupées dans un organe à part, le SEBC (Système européen de banques centrales), les gouverneurs nationaux sont aussi représentés au conseil des gouverneurs.
Wim Duisenberg, président de la BCE, dirige le conseil des gouverneurs de l'institution de Francfort (6 + 11 = 17 membres au total). Cinq autres personnalités nommées au directoire l'accompagnent. Jean-Claude Trichet, gouverneur de la Banque de France, est l'un des onze membres du SEBC, présent au conseil des gouverneurs. Le SEBC jouit d'un pouvoir certain, ne serait-ce que parce que 65 000 personnes travaillent dans les banques centrales de tous les pays de l'Euroland à onze, contre moins de 1 000 à la BCE de Francfort.
La BCE tente de concilier indépendance (vis-à-vis des autorités politiques) et transparence (pour que les citoyens européens aient connaissance de ses actions). Pour l'instant, son indépendance est reconnue et appréciée. Mais on lui reproche volontiers son manque d'ouverture sur le monde extérieur : en Grande-Bretagne ou aux États-Unis, « les minutes » (comptes rendus exhaustifs) des discussions entre membres du conseil de politique monétaire (open market policy) sont publiées avec retard (six semaines aux États-Unis), mais régularité. En Europe, il faudra patienter pas moins de trente ans pour que le texte in extenso des rencontres soit publié, mais la BCE publie très rapidement des comptes rendus détaillés de ses discussions ainsi que des rapports trimestriels sur ses activités.
Sur les marchés financiers européens, les banques ont déjà commencé à utiliser le seul euro, et non plus les devises nationales, pour effectuer leurs transactions. Un établissement français, par exemple, en achetant en euros des actions hollandaises, n'a plus rien à craindre du taux de change franc-florin, le seul risque étant que les titres boursiers cèdent du terrain à la Bourse d'Amsterdam. Les entreprises, elles, bénéficient surtout de la suppression des commissions de change, qui existaient par exemple lorsqu'un restaurant français achetait une livraison de pâtes en Italie, payable en lires. À l'extérieur de l'Union, un acheteur américain de vin n'a plus à s'interroger sur le risque de change de telle ou telle devise européenne par rapport au dollar puisque, quel que soit son choix, il règle son achat en euros. Il peut donc faire jouer la concurrence sur d'autres critères (prix, qualité, disponibilité...) pour choisir entre un vin de Bordeaux ou un chianti italien.
Un bouleversement autant politique qu'économique
Le poids de l'euro dans les échanges mondiaux augmente donc déjà presque automatiquement par le biais des transactions commerciales : les pays de l'Union européenne sont impliqués dans 30 % environ des échanges commer- ciaux dans le monde, et leurs établissements financiers sont déjà tenus de travailler en euros.
Reste à savoir si la politique monétaire pourra être décidée de façon harmonieuse pour l'Euroland à onze, qui inclut des pays aux situations économiques très différentes. À la fin du xxe siècle, l'Irlande, la Finlande, l'Espagne et le Portugal étaient en plein boom, alors que des poids lourds de l'Union, dont l'Allemagne et l'Italie, connaissaient des croissances médiocres. Pour la BCE, la fixation régulière de taux d'intérêt directeurs est, dans ce contexte, un exercice délicat. Et qu'en est-il du risque de choc asymétrique ? Celui-ci est un choc qui touche différentes régions de manière inégale : le financement des retraites, par exemple, n'affecte pas de la même manière l'Italie (généralement âgée, avec peu d'enfants) que l'Irlande (jeune et dynamique). Un tremblement de terre peut ravager une région précise, mais sans avoir de grandes consé- quences sur l'économie européenne dans son ensemble.
Le match euro-dollar
En un an, de janvier 1999 à janvier 2000, la devise européenne avait perdu plus de 12 % de sa valeur face au dollar. Cette chute pouvait paraître paradoxale alors que l'économie de l'UE s'était bien comportée tout au long de ces douze mois. Certains incriminaient la presse économique anglo-saxonne, si influente auprès des milieux financiers, et culturellement hostile au processus d'unification européenne. Plus concrètement, d'autres mettaient en avant le très fort dynamisme américain, supérieur encore à celui du Vieux Continent, ainsi que les tensions infla- tionnistes dues notamment au renchérissement du prix du pétrole. Pourtant, les grands argentiers eu- ropéens ne s'inquiétaient pas outre mesure en ce début de l'an 2000, persuadés que l'euro serait « plus stable que le mark ».
Pour faire face à toutes les situations, les Onze ont signé un « pacte de stabilité et de croissance ». Ils s'engagent à maintenir les efforts qu'ils s'étaient imposés pour respecter les fameux « critères de Maastricht », donc à réussir l'examen de passage à l'euro : stabilité continue du taux de change, déficit budgétaire contenu à 3 % du PIB (produit intérieur brut), dette publique limitée à 60 % du PIB. Le pacte prévoit le paiement d'amendes en cas dépassement, mais autorise certains dérapages fiscaux en cas de récession particulièrement grave (une baisse d'au moins 2 % du PIB, un rythme que la France n'a pas connu depuis les années 1960 au moins).