Après quarante-cinq ans d'économie socialiste, les pays de l'Europe centrale et orientale (PECO) représentent sept économies en transition ayant signé un accord d'association avec l'Union européenne (UE) : Bulgarie, Hongrie, Pologne,République tchèque, Roumanie,Slovaquie, Slovénie, auxquels on joint souvent les États baltes (Estonie, Lettonie, Lituanie). Une vision large inclut les pays non associés des Balkans : Albanie, Bosnie-Herzégovine, Croatie, Macédoine et Yougoslavie.
La transition est inégalement avancée et démocratique selon les pays. Issue de la crise finale des économies socialistes, la priorité de la transition est un programme de stabilisation : réduction de l'inflation, du déficit budgétaire et des déséquilibres extérieurs. Réalisé avec l'aide du FMI, et en suivant ses recommandations, ce programme comporte : une dévaluation initiale de la monnaie, une libéralisation du commerce extérieur, la liberté des prix et des salaires, des politiques monétaire et budgétaire restrictives. La stabilisation de l'économie s'est accompagnée d'un effondrement de la production et de l'apparition d'un chômage de masse. Après 1993, les PECO ont retrouvé la croissance économique, mais seule la Pologne a déjà rejoint le niveau de son produit intérieur brut de 1989.
Changer les institutions a consisté à abolir celles de l'économie socialiste (comité d'État du plan, banque unique d'État, ministères sectoriels), puis a créer les institutions de l'économie de marché : entreprise privée en tant que société commerciale (loi sur les sociétés), Code de commerce, loi sur les faillites et législation sur la concurrence (antitrust), marché des capitaux (Bourse des valeurs), régulation du marché du travail (agences pour l'emploi, allocations chômage), système bancaire à l'occidentale (banques commerciales et banque centrale indépendante) et fiscalité rénovée (TVA, impôts sur les bénéfices et sur les revenus des personnes physiques).
La théorie de la transition vers le capitalisme reste à inventer
La privatisation des entreprises a été réalisée, en Hongrie et en Estonie surtout, en vendant les actifs à des investisseurs privés, souvent étrangers. Ceux-ci ont restructuré les firmes privatisées, désormais compétitives. Dans les autres PECO, on a privilégié des méthodes « non standard » de privatisation : remise de l'entreprise à ses employés et/ou managers, privatisation de masse (distribution gratuite à toute la population de coupons échangeables contre des actions des firmes à privatiser), restitution des actifs aux anciens propriétaires. Ces méthodes ont le plus souvent conduit au maintien du contrôle des anciens managers sur l'entreprise, y compris sur la base de délits d'initiés. Ces managers adoptent des comportements de survie et de recherche de rente de situation, au lieu de maximiser le profit, la compétitivité et la concurrence. Les restructurations sont alors beaucoup moins avancées.
La transition comporte de forts coûts sociaux : chômage, extrême inégalité des revenus, pauvreté, dégradation de l'éducation et de la santé, réapparition de maladies naguère éradiquées, détérioration de certains indicateurs démographiques. Une seconde phase de la transition est nécessaire. Ses priorités consistent à améliorer la régulation du marché du travail, à développer la protection sociale hors des entreprises, à réformer le système des retraites, à mieux appliquer les nouvelles lois, à renforcer le rôle de l'État, à lutter contre la corruption, très répandue, et à créer une administration fiscale efficace dans la collecte des impôts. En outre, il faut promouvoir le contrôle des firmes par les actionnaires, accélérer les restructurations et la concurrence, assainir le nouveau système bancaire (criblé de créances irrécouvrables) et réguler les marchés financiers émergents des PECO (notamment affectés par la crise russe de 1998). Une théorie complète de la transition du socialisme au capitalisme reste à bâtir.