Régions (suite)
Une bonne partie de l'avenir des régions dépend, bien sûr, de leur propre potentiel, de la stratégie des entreprises qui y ont fait souche, des initiatives plus ou moins dynamiques des forces économiques, sociales, culturelles, techniques qui s'y expriment, mais aussi de décisions des pouvoirs publics : par cette expression « pouvoirs publics », il faut entendre l'État, mais aussi les collectivités locales, notamment les conseils régionaux et les grandes villes, ainsi que les autorités européennes, qui, à travers les fonds structurels, peuvent injecter beaucoup de crédits dans l'économie régionale.
Le poids de l'État et des collectivités locales
Par sa politique de localisation universitaire, de définition des priorités dans le tracé des autoroutes ou les investissements portuaires, l'État influe directement sur l'avenir des régions. Par exemple, en décidant de donner son feu vert au projet « Port 2000 », qui consiste à rendre Le Havre accessible aux très grands navires transocéaniques en 2004, l'État rend un fier service à la Haute-Normandie et aux zones périphériques (Honfleur, basse Seine). Il prend parfois en main, de manière directe, de grandes opérations interrégionales ou d'intérêt national comme le plan Loire (2000-2006) ou le rétablissement du caractère maritime du Mont-Saint-Michel, menacé par l'envasement. En revanche, en décidant de construire le futur Synchrotron, appelé aussi « projet Soleil », en commun avec les Britanniques et non en Île-de-France ou dans le Nord-Pas-de-Calais comme l'avaient demandé ces Régions, le ministre français de la Recherche contrarie d'une certaine manière la politique de ces dernières.
L'État est aussi, par sa politique militaire, directement au cœur de l'aménagement du territoire. Quand il décide de réorienter sa stratégie navale par exemple, il plonge dans l'inquiétude des grands ports comme Brest, Cherbourg ou Lorient, mais il met en place une politique soutenue d'aides aux reconversions. Quand le plan de charge des manufactures d'armes ou de chars s'étiole, c'est Tarbes, Tulle, Bourges ou Roanne qui sont touchées, ainsi que les localités environnantes qui vivaient de la sous-traitance. La problématique et l'impact sont les mêmes à propos de l'arrêt des essais nucléaires en Polynésie.
Le rôle des collectivités locales est lui aussi majeur. Ici elles donneront un coup de pouce déterminant à un essor : ainsi, la Région Champagne-Ardenne et le conseil général de la Marne ont mis beaucoup d'énergie et de crédits dans le projet du pôle logistique de Vatry, sur un ancien aérodrome. Strasbourg et l'Alsace ont dépensé des centaines de millions pour faire de la préfecture du Bas-Rhin une ville européenne de plein droit. En 1998, l'installation de Toyota près de Valenciennes, avec l'aide de crédits de l'Europe, de l'État et des collectivités, en bordure de l'autoroute Paris-Bruxelles est une carte maîtresse de la politique de reconversion industrielle du Nord-Pas-de-Calais, jadis charbonnier, sidérurgique, mécanique ou textile.
L'Aménagement du territoire
La notion d'aménagement du territoire a été inventée au début des années 1950, dans le cadre de la reconstruction de la France après la Seconde Guerre mondiale et de la mise en place de la planification. Mais elle n'a pris un sens officiel qu'en février 1963 avec la création de la DATAR (Délégation à l'aménagement du territoire et à l'action régionale), qui était à l'époque – et qui est encore aujourd'hui – un service du Premier ministre. L'aménagement du territoire consiste, pour l'État, à concevoir et à appliquer des politiques de correction des déséquilibres géographiques, y compris par des moyens réglementaires ou législatifs, tantôt contraignants, tantôt incitatifs par des primes ou des allégements fiscaux. Il s'agit d'essayer de mieux répartir les activités économiques, les centres de recherche, les grands équipements structurants, et de définir sur des cartes – en accord avec les autorités communautaires de Bruxelles – des zones prioritaires pour les créations d'emplois nouveaux. Depuis 1997, l'aménagement du territoire est « couplé » avec l'environnement sous la houlette du même ministère.
Les contrats de plan (une procédure initiée en 1983), qui couvrent une période de cinq à sept ans, sont la pierre de touche de l'action commune entre l'État et les collectivités, essentiellement les Régions. Chaque partenaire fixe les grandes priorités dans une Région donnée et les moyens à dégager pour les atteindre. Ces contrats portent sur des sommes importantes. Pour la période 2000-2006, l'État prévoit de consacrer quelque 120 milliards de francs à des investissements divers (infrastructures de transport, de désenclavement, aides à l'emploi et à la formation, entretien de l'environnement, agriculture, rénovation urbaine, lutte contre l'exclusion…). Les Régions verseront une somme sensiblement équivalente. Pour montrer que des Régions méritent, au titre de la solidarité nationale, un effort spécifique, l'État a décidé que sa contribution serait plus forte ici que là. Ainsi le Limousin, considéré comme en retard de développement, recevra de l'État 2 442 francs par habitant, le Centre, 1 194 francs, Rhône-Alpes, 1 121 francs. Outre-mer, c'est la Guyane la mieux lotie : 5 607 francs par habitant. L'Agriculture, l'Équipement et les Transports, et surtout l'éducation nationale, sont les principaux ministères impliqués (et contributeurs) dans ces contrats de plan.
F. G.
➙ Régionalisation