Gestion (suite)
Au début du xxe siècle, Henri Fayol propose une lecture de la gestion à partir d'une analyse de ses spécialités. Selon cet auteur, qui reste toujours d'actualité, l'objet de la gestion fait d'abord référence aux fonctions de l'entreprise. Il distingue trois fonctions principales :
• la fonction approvisionnement (d'où la gestion des achats et des stocks de matières) ;
• la fonction production (d'où la gestion de la production et des équipements) ;
• la fonction commerciale (d'où la gestion commerciale, ou marketing).
La mise en œuvre de ces trois fonctions nécessite également l'appui de fonctions auxiliaires telles que la fonction administrative (organisation des méthodes, gestion juridique et fiscale), la fonction personnel (gestion du personnel, gestion des ressources humaines), la fonction recherche (gestion de l'innovation) et la fonction comptable et financière (comptabilité générale, comptabilité analytique, gestion financière, contrôle de gestion, audit).
Cette analyse des tâches de la gestion reste la base du découpage de la discipline dans la pratique et l'enseignement ; cependant, elle ne rend pas bien compte des activités de gestion qui jouent un rôle d'intégration. C'est la raison pour laquelle un autre courant de la littérature se développe dans les années 1960-1970 pour mettre en évidence l'aspect « systémique » de l'entreprise et son influence sur la gestion. Selon la théorie des systèmes, on peut distinguer trois types de systèmes dans toute organi- sation : des systèmes de finalisation, qui assurent l'orientation des activités (en font partie les centres qui dictent la stratégie des organisations) ; des systèmes d'organisation, qui déterminent les structures, les organes, les rôles, les activités et les procédures ; des systèmes d'animation, qui permettent de former, d'inciter, de contrôler et de sanctionner les membres de l'organisation.
Avec le développement des relations et des comparaisons internationales dans les années 1980, un troisième courant, dit de « gouvernement de l'entreprise » (corporate governance), contribue encore à modifier le regard sur la gestion. Des études montrent que les styles, les méthodes, les objectifs de la gestion sont profondément différents de pays à pays, même au sein du système capitaliste. Par exemple, la gestion des ressources humaines dans un pays comme l'Allemagne, caractérisée par le système de la cogestion, est très différente de celle que l'on connaît aux États-Unis, où le rôle du personnel dans la gestion reste modeste au regard de celui des actionnaires. D'une façon plus générale, la conception que l'on se fait des entreprises et des sociétés (simple contrat entre acteurs sociaux, institution où l'État définit les règles du jeu...) va exercer une influence considérable sur la gestion : c'est donc des gestions (au pluriel) et non de la gestion qu'il faudrait parler.
Les partisans des approches « fonctionnaliste » et « systémique » verront donc la gestion surtout sous son angle technique et auront souvent la tentation d'en montrer les constantes à travers le temps et l'espace. Les tenants de l'approche du gouvernement de l'entreprise souligneront au contraire la multiplicité des types de gestion. Les plus « radicaux » d'entre eux iront même jusqu'à dire que les pratiques gestionnaires et l'enseignement qui les accompagne ne sont que l'expression d'une idéologie dominante dans la conduite des organisations
J. R.