Dictionnaire de l'économie 2000Éd. 2000
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Japon (suite)

Le rôle de l'État se renforça durant les années 1930, tant sur le plan intérieur (contrôle de l'industrie [lois de 1931], du secteur pétrolier [1934], du secteur de l'armement [1937]...) que sur le plan extérieur (occupation de la Mandchourie en 1932, invasion de la Chine en 1937, agression de Pearl Harbor en 1941...).

Cet activisme étatique s'expliquait par la faiblesse de la demande intérieure japonaise en raison de salaires restant peu élevés, d'un grand secteur agricole peu productif, et par le besoin d'importer des matières premières industrielles faisant largement défaut : il s'agissait à la fois de conquérir des marchés extérieurs de proximité et de mettre la main sur les richesses du sous-sol de pays voisins (Chine, Corée, puis reste du continent asiatique à partir de 1941).

L'échec dramatique de cette stratégie impérialiste, laissant un pays ruiné et traumatisé par les bombardements atomiques de 1945, conduisit le Japon à s'engager dans une voie nouvelle après la guerre.

Sous la contrainte américaine, les instructions japonaises furent démocratisées, le pays fut démilitarisé et l'effort de reconstruction, orienté vers des biens de consommation courante, permit au Japon de connaître un taux de croissance remarquable (de l'ordre de 10 % par an) durant les années 1950-1960.

S'appuyant sur le dualisme économique évoqué plus haut, sur une intégration rapide des techniques occidentales (achats massifs de brevets) bientôt dépassées dans différents domaines par le savoir-faire local, sur un grand effort éducatif, sur une recherche fondamentale performante, sur un essor démographique important (73 millions en 1940, 126 millions en 1996), sur une augmentation du pouvoir d'achat salarié et sur un système financier audacieux, le Japon s'affirma avant la fin du siècle comme la deuxième puissance économique du monde.

Il dispose même vis-à-vis des États-Unis d'un excédent commercial structurel, ce qui en fait le principal créancier de l'Amérique, les Japonais plaçant leurs revenus d'exportation en investissement aux États-Unis.

Mais la mondialisation récente conduit à s'interroger sur la capacité du Japon à maintenir un protectionnisme de fait (droits de douane sur les importations de produits alimentaires, nationalisme des consommateurs japonais), dénoncé par les Américains et par les nouveaux traités internationaux. La fin du protectionnisme remettrait en cause le modèle japonais maintenant en vie des secteurs peu productifs (agriculture, services, petite industrie) qui permirent néanmoins au Japon de n'avoir qu'un faible taux de chômage durant les années 1980-1990 (2 à 3 % de la population active), et de conserver ses traditions et son équilibre social.

Les « vieux sages » poussés vers la sortie

Depuis les années 50, les entreprises japonaises étaient largement dominées par les « keiretsus », vastes conglomérats industriels et financiers organisés souvent autour d'une famille, comme les Mitsubishi, Matsushita ou Toyota. S'est ainsi constitué un vaste système de participations croisées entre entreprises, banques, compagnies d'assurance, et des conseils d'administration souvent pléthoriques, dominées par des personnalités âgées représentant les différentes familles et institutions parties prenantes.

Ces équipes dirigeantes favorisaient la puissance et la stabilité.

• Puissance de l'entreprise, c'est-à-dire importance du chiffre d'affaires et volume des activités plutôt que rentabilité à court terme et profit net.

• Stabilité, c'est-à-dire maintien des emplois coûte que coûte, dans un pays culturellement très attaché à éviter le chômage.

La crise de l'économie japonaise depuis le milieu des années 1990, et particulièrement de son secteur bancaire, la mise au jour de liens de corruption entre milieux d'affaires et partis politiques, le poids croissant des étrangers dans l'économie nationale sont autant d'éléments qui contribuent à remettre en cause le modèle des « vieux sages » et du consensus nippon. M. Okuda, patron des patrons japonais, pouvait bien déclarer « Nous ne nous plierons pas à la logique qui exige de licencier pour améliorer le cours des actions et les divi- dendes », des grandes entreprises comme Japan Airlines, Sega ou Hitachi annonçaient en 1999 des plans de restructuration impliquant des milliers de licenciements.

De plus, la crise financière qu'a traversée le Japon durant les années 1990 révéla le surendettement de nombreuses entreprises japonaises, les risques énormes pris par les établissements bancaires et la fragilité d'un système où l'État lui-même est fortement endetté. Or, dans le même temps, la récession frappa l'économie japonaise, malgré les plans de relance mis en œuvre par les autorités.

Japon

Population : 126 714 000 hab.

PNB (1998) : 4 246,25 milliards de $

PNB/hab. : 38 160 $

Structure de la population active :agriculture 5,3 %, mines et industrie 33,1 %, services 61,6 %

Dette publique brute : 97,3 % du PIB

Taux de chômage : 4,1 %

Le Japon risque donc d'avoir dans l'avenir à choisir entre l'orthodoxie économique, destinée à rassurer les détenteurs de capitaux et les milieux internationaux, et le maintien de son modèle, fait à la fois de tradition, de solidarité et d'originalité

P. B.

Jeux (théorie des)

Formalisation mathématique des comportements adoptés par des individus rationnels, quand chacun tient explicitement compte de ce que peuvent faire les autres.

La théorie des jeux se fonde sur les objectifs poursuivis par chacun, les informations dont on dispose et les moyens d'en acquérir davantage. Les questions que l'on se pose sont de ce type : quelle est la meilleure stratégie pour chacun des individus ? Quelle situation générale va-t-il en résulter ? Pourrait-on améliorer les choses en modifiant les règles du jeu ?

Un exemple d'application est celui de la négociation salariale entre un patron et le syndicat qui représente ses employés. Si, par exemple, le syndicat obtient beaucoup aujourd'hui, l'entreprise risque d'être fragilisée et les employés peuvent en pâtir demain. Si le syndicat n'obtient pas assez, il peut faire grève à condition qu'il ne lui en coûte pas trop et qu'il en coûte suffisamment au patron. En mathématisant ces différents éléments, la théorie des jeux détermine les solutions qui vont normalement prévaloir.