Fiscalité (suite)
Les impôts indirects sont ceux qui sont payés par un contribuable légal, mais supportés en définitive par un tiers, généralement le consommateur. La TVA est le principal d'entre eux. Les droits sur les tabacs, l'alcool et les produits pétroliers en sont un autre exemple.
Alors que l'impôt est prélevé sans que soit offerte au contribuable une contrepartie déterminée, la taxe, elle, rémunère un service rendu ou, tout du moins, mis à la disposition du redevable. Elle est instituée par la loi et est due même si le contribuable n'utilise pas le service ainsi mis à sa disposition. La taxe d'enlèvement des ordures ménagères, en France, rentre dans cette catégorie. À l'inverse, les redevances, elles, ne sont dues que si le redevable utilise effectivement les prestations qui lui sont offertes en contrepartie. Ces redevances peuvent être instituées par voie réglementaire.
Il existe, en France, une autre catégorie de prélèvements, les taxes parafiscales, instituées par la voie réglementaire (décrets en Conseil d'État). Selon l'article 4 de l'ordonnance du 2 janvier 1959, elles sont « perçues dans un intérêt économique ou social au profit d'une personne morale de droit public ou privé autre que l'État, les collectivités territoriales et leurs établissements publics administratifs ». En pratique, elles sont le plus souvent établies au profit d'organismes corporatifs (de l'horlogerie, du textile et de l'habillement, du secteur céréalier, de la fonderie, etc.) : perçues sur les acteurs de certains secteurs, elles permettent de financer certaines actions collectives, comme la recherche ou la formation.
La lecture de l'annexe E des différents projets de loi de finances, où elles sont toutes énumérées, est édifiante. C'est là qu'on découvre que les fabricants de jus de tomate payent 0,035 franc par kilogramme pour financer la Société nationale interprofessionnelle de la tomate. Le vin, l'horticulture, les céréales, les fruits et légumes, le lait de vache, de brebis ou de chèvre, le cidre, le cognac, le champagne, mais aussi les produits de fonderie, la mécanique, les produits pétroliers et bien d'autres encore sont taxés dans cette même logique.
Enfin, les cotisations sociales viennent encore alourdir les prélèvements obligatoires. Elles ne peuvent être assimilées à des impôts puisqu'elles sont perçues au profit des caisses de Sécurité sociale, des organismes certes chargés d'une mission de service public mais de statut privé. Les cotisations sociales ont longtemps vu leur taux fixé par décret. Elles n'étaient pas régies par les principes budgétaires d'annualité et d'universalité qui gouvernent l'impôt. La révision constitutionnelle du 22 février 1996 a modifié cet état de choses, en rajoutant un article par lequel les projets de loi de financement de la Sécurité sociale sont examinés au Parlement dans les mêmes conditions que le budget de l'État.
La lente affirmation du rôle de l'État central puis de la notion de progressivité
Le système fiscal français est le produit d'une histoire longue et chaotique. Cette histoire est étroitement liée à celle de la construction de l'État moderne. Le premier système fiscal relativement organisé est introduit par Rome. La chute de cet empire entraîne la désagrégation du système fiscal. L'impôt restera, et ce jusqu'à la Révolution, prélevé à quatre niveaux : le roi, les villes, l'Église, avec en particulier la dîme, et les possesseurs de fiefs (duchés et comtés). Du fait du recul de l'écrit qui caractérise cette période, le système relativement unifié établi par les Romains cède la place à des règles coutumières variables d'une région à une autre. Une ligne de partage importante s'installe entre le tiers méridional du pays, demeuré assez fidèle au droit romain écrit, et le Nord et le Centre, où le droit coutumier prévaut et favorise l'adoption de règles inspirées des traditions de l'Europe du Nord.
À partir du xiiie siècle, les règles d'imposition commencent à être recodifiées, même si l'hétérogénéité demeure. Les prélèvements au profit du roi, qui vit de son domaine pour ses dépenses courantes, sont des contributions exceptionnelles. Elles sont consenties par ses vassaux, qui se tournent ensuite vers les leurs.
En 1314, pour la première fois, le roi négocie l'impôt avec les trois états (clergé, noblesse et peuple). Les besoins financiers de l'État ne cessent d'augmenter. Les guerres coûtent de plus en plus cher. L'État confisque donc à son profit certains droits de prélèvement seigneuriaux et invente de nouveaux impôts. La gabelle, impôt indirect perçu sur les ventes de sel, devient un monopole royal en 1343 ; la taille, elle, est réservée au roi par l'ordonnance d'Orléans en 1439. Il s'agit d'un tournant important : pour la première fois, l'impôt n'est plus consenti mais résulte d'un acte d'autorité. Le roi n'est donc plus le premier d'entre les pairs, mais, au-dessus des trois états, une incarnation de la nation.
Les guerres coûteuses menées par Louis XIV accélèrent cette évolution : la capitation est créée en 1695, la dîme royale en 1699, le dixième en 1710. Les difficultés de paiement se multiplient. L'impôt est, dès cette époque, mal accepté. Pour en accroître le rendement, l'État s'attaque à la rationalisation de l'administration fiscale. La perception des impôts directs et indirects est fusionnée sous l'égide de la Banque générale de Law.
À la fin de l'Ancien Régime, le système fiscal est basé sur quatre impôts directs : la taille, la capitation, le vingtième et le dixième. Les nombreux impôts indirects se composent de taxes sur la consommation, en particulier sur les boissons, de droits de douane et octrois, et de la gabelle. Les mécanismes de l'impôt sont injustes. Ainsi la noblesse et le clergé sont-ils exonérés du paiement de la taille. Dans ce contexte, la résistance à l'impôt ne cesse de s'accroître.
La Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 jette à bas l'ensemble du système fiscal de l'Ancien Régime. « Les citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes et par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir, de la consentir librement, d'en suivre l'emploi, et d'en déterminer la quotité, l'assiette, le recouvrement et la durée », décrit l'article 14. La Convention abolira définitivement le système de l'Ancien Régime, le 17 juillet 1793. Toute la question est alors de déterminer les bases sur lesquelles il faut reconstruire.