Dictionnaire mondial des Films 2005Éd. 2005
R

le Rail

Scherben

Drame de Lupu-Pick, avec Werner Krauss (le père), Edith Fosca (la fille), Paul Otto (l'inspecteur), Hermine Strassmann-Witt (la mère), Lupu-Pick (un voyageur).

Scénario : Carl Mayer, Lupu-Pick
Photographie : Friedrich Weinmann, Guido Seeber
Musique : Giuseppe Becce
Pays : Allemagne
Date de sortie : 1921
Technique : noir et blanc
Durée : environ 1 730 m (1 h 04)

Résumé
La fille d'un garde-barrière est séduite par un inspecteur des chemins de fer en tournée. Sa mère les surprend et s'en va prier au pied d'un calvaire dans la montagne. Au matin, le père la retrouve morte de froid. La fille raconte à son père ce qui s'est passé : celui-ci étrangle l'inspecteur, arrête un express dans la nuit pour avouer son forfait et monte dans le train afin d'aller se livrer à la police.

Commentaire
C'est l'un des grands films du Kammerspiel (« cinéma de chambre ») : approche réaliste, atmosphère intimiste, respect des unités d'action, de temps et de lieu. Le film ne comporte qu'un seul intertitre, l'aveu de l'homme (« Je suis un meurtrier ! »), l'action étant rendue parfaitement compréhensible par les seules images. Le scénariste Carl Mayer a été l'inspirateur de bon nombre des chefs-d'œuvre du cinéma muet allemand dans la veine du populisme social.

Rails

Rotaie

Comédie dramatique de Mario Camerini, avec Käthe von Nagy, Maurizio D'Ancora.

Pays : Italie
Dates de sortie : 1929-1931 
Technique : noir et blanc
Durée : 2 469 m (environ 1 h 31)

Résumé
Les mésaventures de deux amoureux qui renoncent au suicide. Un récit intimiste quasi expérimental, sorti dans une version sonorisée alors qu'il était muet à l'origine.

Raining Stones

Raining Stones

Comédie dramatique de Ken Loach, avec Bruce Jones (Bob), Julie Brown (Anne), Gemma Phoenix (Coleen), Ricky Tomlinson (Tommy), Tom Hickey (le père Barry).

Scénario : Jim Allen
Photographie : Barry Ackroyd
Décor : Martin Hohnson, Fergus Clegg
Musique : Stewart Copeland
Montage : Jonathan Morris
Pays : Grande-Bretagne
Date de sortie : 1993
Technique : couleurs
Durée : 1 h 30
Prix : Prix du jury, Cannes (1993)

Résumé
Chômeur à Manchester, Bob se fait voler son dernier moyen de subsistance : une vieille camionnette déglinguée. Or, il a besoin d'argent pour célébrer dignement la communion de sa fille ; après des tentatives infructueuses pour trouver des petits boulots, il en vient à emprunter à des usuriers sans scrupules qui n'hésitent pas à terroriser sa petite famille. Acculé, il se décide à tuer son persécuteur pour sauver les siens mais le destin en décide autrement.

Commentaire
Une vertigineuse plongée dans la société anomique des grandes villes du nord de l'Angleterre. Partout des hommes dans la force de l'âge tournent en rond dans un univers qui ne leur laisse aucune possibilité de gagner honnêtement leur vie. Les institutions agonisent et personne ne peut aider personne car les seuls qui auraient les moyens de le faire sont les trafiquants et les dealers. Inexorablement, la misère détruit tout : familles, amitiés… sauf quand la chance vient au secours de la révolte. Un très beau film dense et poignant.

Rain Man

Rain Man

Comédie dramatique de Barry Levinson, avec Dustin Hoffman, Tom Cruise, Valeria Golino.

Pays : États-Unis
Date de sortie : 1988
Technique : couleurs
Durée : 2 h 13
Prix : Oscars (1988) : meilleur film, meilleur metteur en scène (Barry Levinson), meilleur acteur (Dustin Hoffman)

Résumé
À la mort de son père, Charlie Babbitt apprend que la majeure partie de l'héritage est destiné à son frère aîné, autiste, dont il ignorait même l'existence. Il l'« enlève » pour récupérer sa part, et apprend à découvrir ce frère, Raymond, le « Rain Man » de son enfance.

les Raisins de la colère

The Grapes of Wrath

Drame de John Ford, avec Henry Fonda (Tom Joad), Jane Darwell (la mère), John Carradine (le pasteur Casey), Charles Grapewin (le grand-père), Russell Simpson (le père), John Qualen (Muley), Doris Bowdon (Rose de Saron), O.Z. Whitehead (Al), Darryl Hickman (Winfield), Ward Bond (le policier).

Scénario : Nunnally Johnson, d'après le roman de John Steinbeck
Photographie : Gregg Toland
Décor : Richard Day, Mark Lee Kirk, Thomas Little
Musique : Alfred Newman
Montage : Robert Simpson
Production : Darryl F. Zanuck (20th Century Fox)
Pays : États-Unis
Date de sortie : 1940
Durée : 2 h 09

Résumé

La crise économique et financière de 1929 a fait énormément de nouveaux pauvres aux États-Unis. Un à un, les petits fermiers du Middle West sont chassés de leurs métairies qui ne sont plus assez productives. Les propriétaires sont anonymes : ce sont des banques. Face à ces fantômes, les paysans sont contraints d'obtempérer. Ils forment des cohortes semi-bohémiennes le long des routes, cherchant du travail. Des tracts publicitaires leur donnent l'espoir d'en trouver en Californie, verger mythique qui accueille les réfugiés de la crise et leur offre des emplois bien rémunérés de cueilleurs de fruits. Comme beaucoup d'autres, la famille Joad prend la route. À bord d'un vieux camion, les enfants, parents et grands-parents traversent l'Amérique d'est en ouest et connaissent toutes sortes d'aventures avant d'atteindre leur but… Déception : la Californie n'est pas la terre d'accueil prévue, mais le lieu d'une autre exploitation. Le chômage fait chuter les salaires des saisonniers. La misère des errants est plus poignante encore, car l'espoir d'un ailleurs s'est évaporé. L'un des fils Joad, Tom, quitte sa famille pour s'engager, aux côtés d'autres réprouvés, dans la lutte sociale.

Commentaire

Contemporain et immémorial

Le fameux roman homonyme de John Steinbeck dont le film est l'adaptation était volumineux, lyrique et contestataire. L'auteur y dénonçait les pratiques capitalistes inhumaines et exaltait la dignité des pauvres gens. La rencontre avec John Ford était presque fatale. Pourtant, ce cinéaste américain par excellence avait la réputation d'être conservateur, pour ne pas dire rétrograde, et Steinbeck était alors « de gauche ». Terrain commun, nécessaire et suffisant : la générosité.

   John Ford et Nunnally Johnson ont accompli un formidable et magnifique travail de condensation. Ils ont gardé l'esprit social et mythique du roman en ne conservant que quelques épisodes de son anecdote. Il en résulte une galerie de personnages inoubliables et très typés, un récit d'un rare pouvoir d'émotion (du mélodrame sublimé) et des images composées avec un art consommé de la plastique cinématographique. Comme souvent, Ford nous raconte l'« errance d'une communauté poussée par la nécessité » (de la Chevauchée fantastique aux Cheyennes, ce thème est récurrent). Il nous fait passer sans hiatus de la chronique sociale contemporaine aux thèmes immémoriaux de la tragédie. Le destin pèse sur la famille Joad, comme sur l'Amérique, comme sur l'humanité. C'est grandiose.