Dictionnaire de la Musique 2005Éd. 2005
O

ophicléide

Étymologiquement, « serpent à clés ». Cet instrument à vent, élaboré vers 1800, est, en effet, directement issu du serpent, bien qu'il soit en métal et non en bois, que sa forme soit complètement différente et qu'il soit pourvu, pour fermer les trous, d'un mécanisme de plateaux commandés par des clés. La disposition adoptée est à peu près celle du basson, le gros tube étant replié en U et le pavillon dirigé vers le haut. Très en faveur à l'époque romantique malgré sa sonorité rauque, l'ophicléide a été peu à peu délaissé au profit du sarrusophone, du contrebasson (BASSON), du saxophone baryton et du saxhorn contrebasse.

Oppitz (Gerhard)

Pianiste allemand (Frauenau 1953).

Il étudie à la Musikhochschule de Stuttgart et à celle de Munich, puis suit les cours de Wilhelm Kempf à Positano. Premier prix en 1977 du Concours Arthur Rubinstein de Tel-Aviv, il se produit sur les grandes scènes du monde, consacrant une part importante de son activité à la musique de chambre, et dans une moindre mesure à l'enseignement. À partir de 1982, il propose des séries de concerts permettant d'entendre plusieurs intégrales (32 Sonates de Beethoven, le Clavier bien tempéré, etc.). Familier des romantiques allemands, il élargit son répertoire jusqu'aux œuvres des compositeurs d'aujourd'hui, donnant en première audition des œuvres de Lachenmann, entre autres. Il a réalisé une intégrale discographique de l'œuvre pour piano de Brahms.

opus

Mot latin signifiant « œuvre », souvent abrégé en « op. ».

Suivi d'un numéro, il désigne un ouvrage (ou un ensemble d'ouvrages du même auteur) dans son ordre de publication, qui ne correspond pas nécessairement à l'ordre chronologique de sa composition. Et il n'est pas rare que le numéro d'opus, consacré par l'usage, s'impose comme un véritable titre (exemple : l'opus 111 de Beethoven). C'est à la fin du XVIIIe siècle, alors que les éditeurs commençaient à jouer un rôle prépondérant dans la diffusion de la musique, que ce procédé de classement a pris naissance.

oratorio

Genre de musique vocale dramatique à sujet religieux, ne faisant pas, en général, l'objet de représentations scéniques.

L'oratorio italien

Si profondes que soient les racines musicales de l'oratorio, c'est un phénomène d'ordre essentiellement politique ­ la Contre-Réforme ­ qui amena la cristallisation du genre au cours de la première moitié du XVIIe siècle. Parmi les répercussions musicales du renouveau de l'Église catholique, on connaît bien les recommandations du concile de Trente (1545) concernant l'intelligibilité des paroles et condamnant les éléments profanes dans les œuvres sacrées. Mais la Contre-Réforme eut aussi pour conséquence la fondation d'ordres religieux nouveaux et combatifs, dont l'un au moins, l'ordre des Oratoriens, fit de la musique un véhicule privilégié dans la diffusion de la foi.

Le succès du genre

Vers le milieu du XVIe siècle, Filippo Neri, fondateur des Oratoriens, organisa de vastes rassemblements à caractère non liturgique, où l'on entendait des sermons agrémentés de morceaux de musique vocale. Un rapport de Neri adressé au pape indique on ne peut plus clairement la fonction de ces morceaux : « La pratique démontre que l'alternance des exercices spirituels sérieux, accomplis par des personnes sérieuses, et des plaisirs de la musique spirituelle […] permet d'attirer une assistance plus vaste et plus variée. »

   Le succès de ces intermèdes musicaux fut tel que les réunions de fidèles organisées par les oratoriens prirent progressivement l'allure de concerts, et que le mot « oratoire » en vint, dans le deuxième quart du XVIIe siècle, à désigner non seulement le lieu de ces assemblées, mais aussi le genre de musique que l'on y jouait. Un voyageur français de l'époque, Maugars, nous en relate le déroulement : « Les voix chantoient une histoire du Vieil Testament, en forme d'une comédie spirituelle, comme celle de Suzanne, de Judith et d'Holoferne, de David et de Goliat. Chaque chantre représentoit un personnage de l'histoire et exprimoit parfaitement bien l'énergie des paroles. Ensuite, un des plus célèbres prédicateurs faisoit l'exhortation, laquelle finie, la Musique récitoit l'Évangile du jour, comme l'histoire de la Samaritaine, de la Cananée, du Lazare, de la Magdelaine et de la Passion de Nostre Seigneur : les Chantres imitant parfaitement bien les divers personnages que rapporte l'Évangéliste. » À la pratique décrite par Maugars se substitua l'habitude d'exécuter un seul oratorio en deux parties (une avant le sermon, l'autre après), afin de retenir jusqu'au bout l'attention des fidèles. Mais les sujets cités dans sa description se maintinrent pendant toute l'histoire de l'oratorio : l'Ancien et le Nouveau Testament étaient des mines inépuisables de livrets, à quoi s'ajoutaient encore l'hagiographie et la tradition allégorique.

   Le premier oratorio qui mérite considération pose, cependant, d'emblée le problème de la définition du genre : la Rappresentazione di Anima e di Corpo de Cavalieri, donnée en 1600 à la Chiesa Nuova, fut présentée sous une forme scénique, contrairement à ce qui devait devenir l'usage de l'oratorio italien baroque. Mais cette œuvre avait un caractère expérimental et ne peut encore être placée dans aucune catégorie précise. Cavalieri avait longuement séjourné à Florence, où il avait participé aux recherches qui aboutirent à la création de l'opéra : sa Rappresentazione constitue donc, à Rome, l'équivalent de l'Euridice de Peri, dont elle est exactement contemporaine. Les deux œuvres partagent les mêmes procédés musicaux, en particulier, la « déclamation chantée », et démontrent d'entrée de jeu que l'opéra et l'oratorio étaient voués à employer un langage identique tout au long de leur histoire.

   Le genre se mit véritablement à fleurir dans les années 1660 avec, comme principaux compositeurs, Mazzocchi et, surtout, Carissimi. Leurs œuvres se caractérisent essentiellement, comme les opéras vénitiens ou romains de la même époque, par une grande souplesse formelle, qui permet la juxtaposition ou l'enchaînement de courts morceaux de styles différents : récitatifs, ariosi, airs et chœurs souvent monumentaux.

   Mais l'oratorio ne tarda pas à sortir du contexte paraliturgique des églises ou des oratoires : les grands aristocrates et les cardinaux romains virent le prestige que pouvait leur apporter ce genre musical nouveau, et organisèrent chez eux de somptueux concerts. Citons le prince Ruspoli, patron de Caldara, et le cardinal Ottoboni, employeur d'Alessandro Scarlatti, chez qui l'oratorio perd toute attache avec la prière et la prédication, et devient une manifestation purement musicale. C'est dans leurs palais que Haendel fit exécuter La Resurrezione et Il Trionfo del Tempo e del Disinganno (1708) avec une magnificence bien éloignée de la simplicité des premiers oratoires. Le faste de ces occasions ne s'étendait cependant qu'aux décors, à l'exclusion de tout costume analogue à celui des chanteurs d'opéra : les oratorios italiens, comme parallèlement les oratorios allemands, ne furent joués sur scène qu'à de très rares exceptions.

L'évolution du genre

Cet élargissement du cadre social de l'oratorio s'accompagna de profonds bouleversements dans sa structure dramatique et musicale : la fluidité du discours, typique de l'époque de Carissimi, fit place, au cours de la seconde moitié du XVIIe siècle, à une polarisation progressive entre l'air et le récitatif, pour aboutir à une alternance régulière des deux formes. La participation orchestrale augmenta, la ritournelle initiale s'allongea, le style vocal se fit de plus en plus virtuose ; parallèlement disparurent les parties narratives, tandis que les morceaux choraux se bornaient à réunir les différents personnages dans un ensemble final. Cette transformation de l'oratorio s'effectua certainement en relation avec son entrée dans des lieux profanes, de même que l'importance accordée au brillant de l'exécution correspondait, à la même époque, à une forte ascension des chanteurs dans le monde musical. Il ne faut cependant pas en conclure à une sécularisation de l'oratorio : l'opéra et la cantate participaient eux aussi à la même évolution formelle, hors de tout contexte religieux, et les musiciens ne firent qu'étendre des techniques de composition semblables à tous leurs domaines d'activité, l'écriture chorale mise à part. Les principaux compositeurs de cette période sont Legrenzi, à Venise, Colonna, à Bologne, et, à Rome, Stradella, Caldara et surtout A. Scarlatti, qui composa plus de trente oratorios. La Juditha triumphans de Vivaldi (1716) constitue un cas exceptionnel, tant par les caractéristiques propres au style de Vivaldi que par les circonstances particulières de sa création : le contexte de l'Ospedaletto, à Venise, entraînait l'emploi de la langue latine, l'exclusion de voix masculines et la présence de chœurs plus nombreux que chez les contemporains de Vivaldi. Tout aussi difficiles à classer sont les oratorios viennois de Fux, qui perpétuent, dans les années 1730, un style d'écriture contrapuntique que la plupart de ses contemporains avaient abandonné.