Dictionnaire de la Musique 2005Éd. 2005
T

ton de rechange

En facture instrumentale, on nommait ainsi, avant l'adoption des pistons, une partie amovible de la tubulure de certains instruments de cuivre : en remplaçant un ton par un autre, on changeait l'accord de l'instrument et on pouvait ainsi transposer sans modifier la façon de jouer. (TRANSPOSITION.)

ton ecclésiastique

En chant grégorien, jusqu'à une époque récente, ton est synonyme absolu de mode. Un troisième synonyme, trope, était même proposé par Boèce, autorité suprême du Moyen Âge en matière de théorie musicale, mais il est assez vite tombé en désuétude. Boèce, en effet, entendait parler des « tons de hauteur » de la musique grecque antique (TON, sens 4) alors qu'il a été compris comme s'il parlait des « modes » du plain-chant.

   Ce n'est qu'à la fin du XIXe siècle que les grégorianistes de l'école de Solesmes ont introduit une distinction entre « ton » et « mode », réservant exclusivement le premier terme à la détermination des « tons psalmodiques », c'est-à-dire des formules mélodiques de récitation des psaumes, et généralisant le mot « mode » à tous les autres emplois. Précédemment, le mot ton était beaucoup plus fréquemment employé que « mode », et l'équivalence des deux termes se retrouve jusque dans les débuts de l'histoire de la tonalité classique, où la distinction entre ton et mode ne s'est dégagée que progressivement.

ton éloigné

ton voisin

En harmonie, on appelle tons voisins des tonalités possédant un nombre suffisant d'accords communs pour que le passage de l'une à l'autre puisse s'effectuer sans heurts. Le critère habituellement retenu est que deux tons voisins ne doivent pas différer de plus d'une altération constitutive, que celle-ci soit ou non représentée à l'armature. Si l'on s'en tient à la seule forme harmonique du mineur, le majeur possède trois tons voisins : son relatif mineur, sa dominante V en majeur, sa sous-dominante IV en majeur ; le mineur ne possède qu'un ton voisin, son relatif majeur. Si l'on envisage le mineur descendant (ou le mineur sans sensible), le « faux relatif » mineur (3e degré du majeur) est également un ton voisin, car il ne diffère du majeur que par une seule altération, celle de son 2e degré.

   Les tonalités non voisines sont dites éloignées. Les tons les plus éloignés sont ceux placés à un demi-ton ou à un triton l'un de l'autre, de sorte que le passage rapide de l'un à l'autre présente presque toujours un caractère heurté ou expressif, dont les compositeurs ont souvent tiré parti (notamment Schubert).

Tôn Thât Tiêt

Compositeur d'origine vietnamienne (Hué 1933).

Il s'est établi en France. Sa musique est d'inspiration métaphysique et se réfère souvent à la philosophie chinoise. On lui doit notamment Incarnations structurales, pour flûte, violon et harpe (1967), Vang Bong Thoi Xua, Hy Vong 14, pour clavecin et cor anglais, et un important ensemble d'œuvres pour diverses formations, et instruments solistes, formant un cycle en sept parties, Chu-Ky (de 1976 à 1993), dont la forme et l'écriture sont inspirées par les cycles cosmiques et leurs lois.

tonadilla

Composition musicale en honneur en Espagne aux XVIIe et XVIIIe siècles et qu'on peut considérer comme l'ancêtre de la zarzuela romantique.

Le terme désignait à l'origine les chansons qui terminaient les intermèdes théâtraux, qu'elles fussent « jácaras » populaires ou mélodies plus élaborées. Il s'étendit ensuite à l'intermède entier faisant partie des villancicos ou des spectacles lyriques influencés par le style italien et dans lesquels la tonadilla représentait une manifestation typiquement espagnole.

   La « tonadilla escénica » (par opposition à la tonadilla religieuse), très brève au début, devint, au XVIIIe siècle, un genre dans lequel les compositeurs ont pu se spécialiser (Luis Mison, Pablo Esteve, Blas de Laserna). Ses caractéristiques étaient alors le ton populaire, la grâce et la satire souriante. Elle devait évoluer vers une ambition moralisatrice qui en compromit la spontanéité et la fraîcheur. La vogue de l'opéra italien et de l'opérette française (qui lui doit peut-être quelques-uns de ses traits) lui porta alors un coup fatal.

tonal

1. Qui obéit aux principes de la tonalité. Mais le vocable a pris une connotation particulière dans la seconde moitié du XXe siècle du fait de la prolifération des systèmes qui entendent échapper à ces principes, de sorte que l'on tend abusivement à appeler « tonales » toutes musiques où se perçoit peu ou prou un centre d'attraction harmonique quelconque.

2. En fugue, on appelle tonale une réponse qui, à l'aide de mutations, se maintient dans la même tonalité que le sujet, alors que la réponse littérale correspondante, dite « réelle », la transporterait ipso facto dans le ton de la dominante.

tonalité

1. Dans le sens le plus général, caractère propre à toute musique fondée, dans le maniement des hauteurs, sur le principe d'une hiérarchie entre les différents degrés de hauteur, donnant à certains d'entre eux, et surtout à l'un, la tonique, le statut privilégié de notes attractives vers lesquelles tendent les autres degrés, et sur lesquelles on se repose. Dans certains cas, comme celui de la musique occidentale classique, la tonalité obéit à des lois complexes et à un système très raffiné ; dans d'autres cas (certaines musiques contemporaines, par exemple) la répétition obstinée d'une note suffit à créer un « sentiment tonal » très diffus, mais néanmoins très perceptible : par exemple dans les Métaboles d'Henri Dutilleux, par la répétition ou la tenue en « pédale » de la note mi, dans un contexte pourtant très chromatique.

   Il est bien connu qu'il suffit de répéter un degré de hauteur plus souvent que les autres pour lui donner ce magnétisme « attractif », en faire une espèce de repère, de pivot, de plaque tournante… D'où l'intransigeance et la complexité des règles proposées par Schönberg pour organiser l'atonalité, c'est-à-dire pour créer de toutes pièces une musique sans degrés privilégiés. Il en ressort que la musique dans ses états élémentaires, les moins savants et les plus spontanés, est toujours plus ou moins « tonale », même s'il s'agit d'une tonalité « sauvage », ce que démontrent les expériences d'improvisation libres (dans le free jazz, la musique contemporaine) qui retrouvent très vite des centres d'attraction tonale. L'atonalité est un caractère réservé à certaines musiques savantes, elle doit être voulue et entretenue en permanence, par des procédés d'écriture très rigides, pour barrer la route à tout retour de la tonalité refoulée.

2. Plus spécifiquement, on parle de tonalité par opposition à la modalité, quand il s'agit du système tonal occidental qui ne conserve plus que deux modes, le majeur et le mineur. Tout autre musique non atonale est alors, par opposition, déclarée « modale » alors que dans un certain sens, la musique occidentale tonale l'est elle-même par l'emploi des modes mineur et majeur.

   Dans ce sens particulier, le système tonal s'est affirmé au cours du XVIIe siècle et s'est poursuivi jusqu'à nos jours où, contrairement à ce qu'ont proclamé, espéré, ou redouté certains, il est plus vivace que jamais, quand il n'a pas laissé la place à une « tonalité » plus diffuse.

   La tonalité occidentale se définit donc par la limitation à deux modes, le majeur et le mineur, celui-ci étant posé comme « relatif » de celui-là ; par un système harmonique spécifique basé sur l'accord parfait, sur des règles d'enchaînements et d'attractions entre accords dissonants et consonants, « notes sensibles » et « notes toniques », selon le schème « tension-détente » qui caractérise la cadence classique ; par la détermination de degrés élus comme les plus caractéristiques du ton (les notes tonales, par opposition aux notes modales, lesquelles spécifient le majeur ou le mineur) ; et par le choix pour chaque morceau d'une échelle principale définie par la hauteur absolue de sa tonique, qui est le « ton » ou la « tonalité » du morceau, au sens défini plus loin.

   Ce système de la tonalité a acquis une grande stabilité, ébranlée tout de même par le chromatisme qui se répandit au XIXe siècle, et dont la généralisation, mettant toute les notes à égalité, et brouillant les fonctions tonales, créait de grandes incertitudes tonales, autrement dit, souvent ne permettait plus de localiser où était la tonique. Il a fallu, pour empêcher la tonalité de se réinstaller, mettre en place des systèmes très rigides comme le système dodécaphonique sériel.

   On a vu par ailleurs des emprunts très fréquents aux modes anciens, ou à des modes nouvellement créés autres que le majeur et le mineur (Debussy, Messiaen, Stravinski), mais, comme le dit très bien Serge Gut, « une véritable modalité posttonale est presque impossible à réaliser, car elle absorbe toujours des éléments et des réflexes de l'époque tonale ». La plus grande partie de la musique actuelle, depuis le domaine des variétés jusqu'à une bonne proportion de la musique contemporaine savante, y compris certaines musiques électroacoustiques, baigne dans une sorte de tonalité généralisée réduite parfois à sa plus simple, mais non moins efficace, définition, c'est-à-dire à l'existence d'une note prédominante.

3. On appelle, dans la musique occidentale classique, tonalité d'un morceau son ton principal de référence, dans lequel il est écrit, et qui est désigné par le nom de sa tonique (TON, sens 2).