Dictionnaire de la Musique 2005Éd. 2005
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Moyse (Marcel)

Flûtiste français (Saint-Amour 1889 – Brattleboro, Vermont, 1984).

Ses études effectuées au Conservatoire national supérieur de Paris avec Paul Taffanel, Adolphe Hennebains et Philippe Gaubert sont sanctionnées en 1906 par un premier prix de flûte. Il suit également la classe de musique de chambre de Lucien Capet.Il est nommé, en 1918, flûte solo des Concerts Pasdeloup et des concerts du Conservatoire, puis des concerts Straram (1922-1938). De 1913 à 1938, il fait partie de l'Orchestre de l'Opéra-Comique. Il succède à Philippe Gaubert comme professeur au Conservatoire de Paris (1932-1949). Il fonde en 1933 le trio Moyse, en compagnie de son fils Louis (deuxième flûte) et de sa bru Blanche Honegger-Moyse (violon et alto). Il crée la même année le Concerto pour flûte que Jacques Ibert lui dédie.

   Comme soliste, Marcel Moyse joue sous la direction des plus grands musiciens : Bruno Walter, Toscanini, Mengelberg, Klemperer, Richard Strauss et Adolf Busch ; avec ce dernier, il réalise de mémorables enregistrements de Bach. Venu s'installer aux États-Unis, il participe avec Busch à la fondation du collège musical de Marlboro, où il enseigne. Il ne quittera pratiquement plus le Vermont, sauf pour donner des cours, spécialement au Japon et tous les étés à Boswil (près de Lucerne).

   Marcel Moyse laisse de nombreux traités pédagogiques. Il a ouvert à la flûte, jusque-là condamnée à une joliesse purement instrumentale, de nouvelles voies expressives, privilégiant le chant et la plénitude musicale plus que la volubilité.

mozarabe (arabe mostéarab)

Mot désignant dans la péninsule Ibérique les chrétiens soumis à la domination arabe.

Il est donné abusivement, depuis le XVe siècle environ, à l'ensemble des rites de la liturgie catholique propres à la péninsule, et particulièrement à l'ensemble de ses chants. Le chant mozarabe ancien, très antérieur à l'arrivée des premiers Arabes en Espagne (711), puisqu'il s'est organisé à partir du IVe siècle, fait partie du groupe dit « gallican » et avait été fixé pour l'essentiel vers le milieu du VIIe siècle.

   Mais ce chant mozarabe reste, dans l'ensemble, mal connu, car les livres anciens, lorsqu'ils ont survécu, sont, pour la plupart, écrits dans une notation spéciale, dite « wisigothique », dont on ne possède pas la clef. On a pu en reconstituer partiellement des morceaux par des copies postérieures en d'autres notations, du XIe au XIIIe siècle ; ou par des livres récents au XIXe ou même au début du XXe siècle, supposés en refléter les traditions. Cette quasi-disparition est surtout imputable à l'action du pape Grégoire VII, continuée par les clunisiens, visant à l'abolition des particularismes locaux et à l'alignement sur la liturgie romaine, en reprenant à son compte les efforts unificateurs des Carolingiens, auxquels l'Ibérie, extérieure à l'Empire, avait pu jadis se soustraire (GRÉGORIEN), mais auxquels elle ne put alors échapper.

   Au début du XVIe siècle, le célèbre cardinal de Tolède, Jiménez, décida une « restauration » du chant tolédan traditionnel et fit procéder, sans craindre d'inventer lorsqu'on manquait de documents, à l'élaboration d'un nouveau livre de chants, encore en usage à la cathédrale de cette ville, dont la maîtrise fut appelée Capilla mozarabe. C'est cette « restauration » qui est à la base de ce que l'on continue à appeler aujourd'hui le « chant mozarabe », mais dont le caractère d'authenticité est souvent discutable.

Mozart (Leopold)

Compositeur, théoricien et pédagogue allemand (Augsbourg 1719 – Salzbourg 1787).

Passé à la postérité essentiellement comme père de Wolfgang Amadeus, il reçut au collège des jésuites de sa ville natale une solide formation humaniste et, sur le plan musical, de violoniste, d'organiste et de théoricien. Entré au service du comte de Thurn et Taxis (1740), il devint grâce à lui, à Salzbourg, quatrième violon de la chapelle du prince-archevêque (1743), compositeur de la cour et de la Chambre (1757), et, enfin, vice-maître de chapelle (1763). Ayant reconnu vers 1760 le talent, voire le génie, de son jeune fils, il consacra à sa formation, jusque vers 1773, le meilleur de son temps. Sa femme, qu'il avait épousée en 1747, étant morte à Paris en 1778, et son fils s'étant installé à Vienne en 1781, il passa ses dernières années à Salzbourg dans un relatif isolement. Il se consacra entièrement à ses charges dans cette ville, sans jamais accéder aux toutes premières, et mourut quelque peu aigri. Il écrivit une grande quantité de musique instrumentale et vocale, dont certaines pièces, de caractère pittoresque, ont acquis de nos jours une nouvelle célébrité : Musikalische Schlittenfahrt (« Promenade en traîneau », 1755), Die Bauernhochzeit (« Noces paysannes », 1755), Divertimento militare (v. 1765). La Symphonie des jouets longtemps attribuée à J. Haydn est de lui (3 mouvements tirés d'une œuvre plus vaste). Beaucoup de ses œuvres orchestrales sont perdues, et quelques-unes furent attribuées à son fils. Il cessa pratiquement de composer dans les années 1760. Il est surtout l'auteur d'une méthode de violon (Versuch einer gründlichen Violinschule, 1756, rééd. 1976), comptant parmi les écrits théoriques de base de l'époque. Fortement influencée par les traités rédigés respectivement par Quantz (1752) et par Carl Philipp Emanuel Bach (1753) pour la flûte et le clavier, cette méthode transmit aux Allemands les principes artistiques de virtuoses italiens comme Tartini ou Locatelli tout en témoignant, de la part de son auteur, d'une connaissance surprenante de théoriciens des alentours de l'an 1500.

Mozart (Wolfgang Amadeus)

Compositeur allemand (Salzbourg 1756 – Vienne 1791).

Fils de Leopold Mozart (1719-1787) et de Anna Maria Pertl (1720-1778), il fut baptisé Johannes Chrysostomus Wolfgang Theophilus, mais ce dernier prénom fut rapidement transformé en Gottlieb, son équivalent allemand, puis en Amadeus, traduction italienne de Gottlieb. Par son père, violoniste dans l'orchestre du prince-archevêque de Salzbourg, Mozart descendait d'un relieur d'Augsbourg, Johann Georg Mozart (1679-1736). Du côté maternel, il était petit-fils d'un fonctionnaire, Wolfgang Nicolaus Pertl († 1724), ancien étudiant en droit de l'université de Salzbourg, qui appréciait la musique et avait même été professeur de chant et choriste.

   Des sept enfants de Leopold Mozart et Anna Maria Pertl nés entre 1749 et 1756, cinq moururent en bas âge. Seuls survécurent une fille, prénommée Maria Anna Walburga Ignatia (1751-1829), et Wolfgang Amadeus, qui était le dernier. Dès l'âge de trois ans, celui-ci manifesta une attirance et des dons exceptionnels pour la musique. Il en avait quatre lorsque son père lui donna ses premières leçons de clavecin.

Les voyages de l'enfant prodige

En 1762, Leopold inaugura par un premier voyage à Munich l'invraisemblable série de tournées européennes qu'il allait effectuer, pendant plusieurs années, avec ses enfants. Au cours de ce séjour à Munich ­ pendant le carnaval ­, le frère et la sœur se produisirent devant Maximilien III, Électeur de Bavière. À cette époque, Wolfgang composait déjà de petits morceaux (Menuets K.2, 4 et 5 ; Allegro K.3) que son père transcrivait sur le papier. Le 18 septembre 1762, la famille au complet se mit en route pour Vienne, où elle arriva le 6 octobre ­ lendemain de la « première » de l'Orfeo de Gluck ­ et elle y demeura jusqu'au 10 décembre. Wolfgang et sa sœur Nannerl (ainsi appelait-on la petite fille) furent reçus par la comtesse de Thun, par l'ambassadeur de France et, à Schönbrunn, par l'impératrice Marie-Thérèse.

   Au début de 1763, Sigismond von Schrattenbach, prince-archevêque de Salzbourg, s'occupa de la réorganisation de sa chapelle. Il nomma Giuseppe Francesco Lolli Kapellmeister en remplacement de Johann Ernst Eberlin, décédé le 21 juin 1762, et confia le poste de vice-Kapellmeister à Leopold Mozart. Celui-ci, qui avait espéré mieux, sollicita un congé que son employeur accorda ; ce qui lui permit d'entreprendre, avec sa femme et ses enfants, une longue tournée de trois ans dans plusieurs pays européens. Partie de Salzbourg le 9 juin 1763, la famille passa par Munich, où elle fit la connaissance de Luigi Tomasini, ami de Joseph Haydn, et Konzertmeister, à Eisenstadt, de Nicolas Esterházy ; par Augsbourg, où les enfants donnèrent 3 concerts et que la famille quitta le 6 juillet ; par Schweitzingen, non loin de Mannheim, où Wolfgang eut un premier contact avec le célèbre orchestre de l'Électeur palatin Karl Theodor ; par Francfort, où eut lieu l'unique rencontre entre Goethe et Mozart ; par Bruxelles enfin, ville atteinte le 4 octobre et qui était alors, sous le gouvernement de Charles de Lorraine, frère de l'empereur François Ier, capitale des Pays-Bas autrichiens.

   Le 18 novembre 1763, les Mozart arrivèrent à Paris, où ils restèrent pendant cinq mois, et où, grâce aux talents de claveciniste de Nannerl et ­ surtout ­ au côté « enfant prodige » de Wolfgang, ils suscitèrent la curiosité, puis l'engouement. Il est vrai qu'à leur propos, Friedrich Melchior Grimm, qui résidait dans la capitale française depuis 1748 et qui assurait les fonctions de secrétaire du duc d'Orléans, allait, par un article publié dans sa Correspondance littéraire (1er décembre 1763), se livrer à ce qu'on appellerait maintenant une efficace opération publicitaire. À Paris, les Mozart furent reçus, fêtés par les notabilités : entre autres, par le comte Van Eyck, ambassadeur de Bavière, chez qui ils demeurèrent, et par Mme de Pompadour. Ils eurent même l'honneur d'être invités à Versailles, où l'on exhiba le très jeune Wolfgang, comme on l'aurait fait d'un aimable singe savant. Tout cela eût été de peu de poids pour la formation artistique du futur auteur de Don Giovanni s'il n'y avait eu, durant ce séjour parisien, la rencontre avec des musiciens tels que Eckard, Le Grand, Hochbrucker et, surtout, Schobert, claveciniste et compositeur du prince de Conti. De cette époque datent les 2 Sonates pour clavecin avec accompagnement de violon K.6 et 7 dédiées à Mme Victoire de France, fille de Louis XV, ainsi que les 2 Sonates K.8 et 9 ­ pour la même formation ­ dédiées à Mme de Thésé.

   Le 10 avril 1764, la famille Mozart partit, via Calais, pour Londres, où elle arriva le 23 avril, et où elle fut reçue, dès le 27, par le roi et la reine à Saint James Park. Elle y resta pendant seize mois et Wolfgang s'y fit un ami et un conseiller en la personne de Johann Christian Bach, dernier fils du cantor de Leipzig et fondateur, avec Karl Friedrich Abel, des célèbres concerts Bach-Abel. Il s'y exerça dans le genre, nouveau pour lui, de la symphonie, avec une œuvre en mi bémol majeur (K.18), dont Abel était le véritable auteur et qu'il se contenta de recopier, puis avec la partition en mi bémol majeur K.16, portant le numéro 1 dans la liste officielle de ses propres symphonies. Celle en si bémol majeur K.17 est en toute probabilité de son père Leopold. Il participa aux concerts par souscription de Johann Christian Bach et rédigea, en novembre 1764, les six Sonates K.10 à 15 pour clavecin et violon ou flûte traversière, dédiées à la reine Charlotte.

   Le 24 juillet 1765, les Mozart quittèrent Londres pour la Hollande. Ils passèrent par Douvres, Calais, Lille, Gand, Rotterdam, et arrivèrent le 11 septembre à La Haye, où, après Nannerl, Wolfgang tomba très sérieusement malade. L'espèce de fièvre cérébrale dont il fut atteint, et dont il ne se remit que fin 1765-début 1766, résultait vraisemblablement, pour une large part, du surmenage insensé imposé, pour des raisons nettement mercantiles, à un enfant de moins de dix ans. Leopold, dont les dons de pédagogue ne sauraient être mis en doute, n'était sans doute pas l'être obtus et étriqué que fustigent les biographes. Mais il eut certainement une importante part de responsabilité dans la disparition prématurée de son fils. Mozart composa en Hollande au moins deux symphonies, celles en si bémol majeur K.22 et en sol majeur K.45a, peut-être aussi celles en K.19 et en fa K.19a, et, à peine rétabli, dut se remettre en route. Toujours accompagné de sa famille, il revint à Paris, où il arriva le 10 mai 1766, il y assista aux réceptions organisées par le prince de Conti, et chez qui il fit la connaissance de Philidor et de musiciens allemands comme Raupach, Honnauer, Becke et Cannabich. De ce deuxième séjour parisien, qui dura jusqu'au 9 juillet, date le Kyrie en fa majeur K.33 (12 juin 1766). Ce fut ensuite le retour à Salzbourg par Dijon, où l'on rencontra le président de Brosses, par Lyon, Genève, Lausanne, Berne, Zurich, Winthertur, Ulm, Dillingen et Augsbourg. Dans la ville du prince-archevêque, les Mozart ne demeurèrent que neuf mois. Wolfgang en profita pour étudier Fux, Eberlin, pour composer l'« opérette spirituelle » Die Schuldilgkeit des ersten Gebotes K.35 (le Devoir du premier Commandement), la comédie latine Apollo et Hyacinthus seu Hyacinthi Metamorphosis K.38 (la Métamorphose de Hyacinthe), ainsi que les quatre Concertos pour clavecin K.37, 39, 40 et 41 tirés d'œuvres de Carl Philip Emanuel Bach, Raupach, Schobert, Honnauer, Eckard.

   L'année 1768 fut, à compter du 10 janvier, celle du second séjour à Vienne. Ce fut également celle de La Finta Semplice K.51, opera buffa en 3 actes sur un livret de Marco Coltellini (auteur italien dont Joseph Haydn allait, cinq ans plus tard, mettre L'Infedeltà delusa en musique) et de Bastien und Bastienne K.50, singspiel en 1 acte commandé par le docteur Anton Messmer et monté, chez ce dernier, le 1er octobre. Par suite d'intrigues diverses et malgré les démarches de Leopold Mozart, La Finta Semplice ne fut pas représentée à Vienne, mais à Salzbourg le 1er mai de l'année suivante. Le 5 janvier 1769, les Mozart rejoignirent une fois de plus la ville archi-épiscopale. Wolfgang y écrivit plusieurs œuvres instrumentales relevant du genre divertimento (Cassations nos 1 et 2 K.63 et 99 ; Sérénade en ré majeur K.100), la Messe en ut majeur K.66. le Te Deum K.141.