Dictionnaire de la Musique 2005Éd. 2005
L

lutherie

La plus célèbre école italienne de lutherie est celle de Crémone (avec les Amati, les Stradivari, les Guarneri, C. Bergonzi et L. Guadagnini), à côté de laquelle il faut citer celles de Brescia (Gasparo da Salò, G. P. et P. S. Maggini), de Venise (Fr. Gobetti, D. Montagnana et Serafino Santo), de Naples (N. et G. Gagliano), de Milan (P. et G. Mantegatia, C. A. Testore), de Bologne (L. Mahler), de Turin (G. Fr. Pressenda) et de Rome (D. Tecchler). L'école française est représentée, notamment, par J. Boquay, N. Lupot, J. Fr. Aldric et A. S. Ph. Bernardel à Paris, J. B. Vuillaume à Mirecourt, puis à Paris ; l'école anglaise par B. Banks à Salisbury ; l'école allemande par les Klotz à Mittenwald ; l'école autrichienne par J. Stainer à Absam, les Stadlmann, les Thir et Fr. Geissenhof à Vienne. Aux XIXe et XXe siècles furent créées des écoles de luthiers : celles de Markneukirchen, Mittenwald, Crémone et Mirecourt sont parmi les plus connues.

luthier

À l'origine, le luthier est le faiseur de luths. Après le déclin de cet instrument, la signification du mot s'élargit pour désigner le fabricant d'instruments de la famille du violon. Par extension, le terme désigne parfois le fabricant d'instruments à cordes frottées ou pincées comportant un manche. Le luthier doit savoir réparer un instrument ancien, le recoller, le rebarrer, en rectifier les proportions ; il doit aussi savoir fabriquer un instrument neuf, sélectionner les bois et construire toutes les pièces à partir de modèles. Il se sert pour cela d'outils comme les rabots en fer, les ciseaux, les gouges et les scies (pour creuser les voûtes du fond et de la table et sculpter la volute du manche), le compas d'épaisseur (pour mesurer les épaisseurs du fond et de la table), le fer à plier (pour donner au bois la courbure voulue) et le traçoir (pour tracer, sur le fond et la table, la rainure devant recevoir les filets). Pour terminer, il procède au vernissage de l'instrument.

Lutoslawski (Witold)

Compositeur polonais (Varsovie 1913 – id. 1994).

Il apprit le piano à Varsovie dès l'âge de six ans, le violon à treize ans, et fit ses études musicales au conservatoire de cette ville (1932-1936), auprès de Witold Maliszewski pour la composition et Jerzy Lefeld pour le piano. L'audition de la 3e Symphonie de Karol Szymanowski lui causa une impression des plus profondes. La révélation du Stravinski de la première période et du Roussel de la 3e Symphonie détermina son orientation vers la musique contemporaine. Les plus représentatives de ses partitions d'avant la Seconde Guerre mondiale restent la Sonate pour piano (1934), la Double Fugue pour orchestre (1936) et surtout les Variations symphoniques (1936-1938), où se révèle un sens inné de la forme concise et équilibrée, du raffinement harmonique et instrumental. Fait prisonnier au cours de la campagne de Pologne de 1939, il s'évada et regagna Varsovie, ville où il passa les années d'occupation à jouer du piano dans des cafés pour gagner sa vie. C'est l'époque des Variations sur un thème de Paganini pour deux pianos et de l'ébauche de la 1re Symphonie, où ressort l'influence d'Albert Roussel. Les années 1945-1955, au cours desquelles l'activité créatrice en Pologne fut étouffée, virent le compositeur se consacrer à des œuvres pour les écoles, les théâtres, à des pièces radiophoniques, et à des études sur le folklore polonais. De cette période datent les Mélodies populaires pour piano (1945), la Petite Suite pour orchestre (1950), le Triptyque silésien pour soprano et orchestre (1951), les Bucoliques pour piano (1952), les Danses préludes pour clarinette et petit ensemble (1955). La 1re Symphonie, terminée en 1947, fut créée en 1948. Le Concerto pour orchestre (1950-1954) montra ensuite pour la première fois de quelle ampleur de conception le compositeur était capable.

   Indépendant par rapport aux modes éphémères, Lutoslawski se forgea peu à peu un langage personnel, à l'opposé de tout système. Une étape importante de cette évolution fut franchie avec la Musique funèbre pour orchestre à cordes (1958), au retentissement mondial. De la même époque date le cycle, d'une exceptionnelle délicatesse de touche, des Cinq Mélodies pour voix de femmes et piano, sur des poèmes de Kazimiera Illakowicz (1956-57) : il en existe une version pour mezzo-soprano et 30 instruments.

   Cofondateur du festival d'automne de Varsovie, Lutoslawski est devenu vice-président de la Société internationale de musique contemporaine, il a donné des cours de composition et a entrepris une carrière de chef d'orchestre, dirigeant principalement ses propres œuvres et initiant les instrumentistes à son « aléatoire contrôlé ». La meilleure manière de les découvrir est d'en suivre l'évolution chonologique à la suite de la Musique funèbre, qui avait marqué l'abandon de la tonalité et l'adoption du total chromatique. Après les Trois Postludes pour orchestre (1958-1960), le musicien a abordé, avec les Jeux vénitiens (1961), l'écriture « aléatoire contrôlée », où la liberté de chaque instrumentiste est réduite au tempo, ce qui n'affecte en rien la forme ou la couleur de la composition. Le compositeur a déclaré avoir opté pour la technique aléatoire dans le but de restaurer le plaisir de faire de la musique, d'obtenir une musique fluide, constamment changeante, un enrichissement rythmique, l'introduction de nuances capricieuses et la richesse d'un jeu soliste dans le cadre d'un ensemble orchestral ou vocal. De 1962-63 date le premier grand chef-d'œuvre du maître, les Trois Poèmes d'Henri Michaux pour chœur à 20 parties réelles et ensemble instrumental.

   Très sensible au problème de la réceptivité de la musique par le public, ce compositeur d'une grande concision de pensée a défini comment il avait intégré son langage en des formes différentes de celles des classiques, évitant de saturer l'auditeur dès le début d'une œuvre : « J'ai trouvé une formule, où le début d'une œuvre est une préparation à une expérience fondamentale placée à la fin de l'œuvre. C'est une forme consistant en une série d'épisodes, placés au commencement, enchaînés ou non, et en un seul mouvement fondamental placé à la fin de l'œuvre. » C'est la forme des Jeux vénitiens, du Quatuor à cordes (1964) ou de la 2e Symphonie (1966-67). Celle-ci comporte une courte introduction, Hésitant, suivie d'un second mouvement très développé, Direct. La pleine maturité de son art a été atteinte avec le Livre pour orchestre (1968) et le Concerto pour violoncelle (1970), dédié à Mstislav Rostropovitch, et qui emprunte ses situations au théâtre. Des éléments sont énoncés par un instrument et un groupe d'instruments intervient, dérangeant cet instrumentiste. On peut parler d'action en musique, mais cette œuvre dramatique ne comporte pas de programme défini. À la suite des Poèmes d'Henri Michaux, le musicien a conçu de nouvelles œuvres vocales sur des textes français, les Paroles tissées pour ténor et orchestre d'après Jean-François Chabrun (1965) et les Espaces du sommeil (1975) pour baryton et orchestre, sur des poèmes de Robert Desnos, dédiés à Dietrich Fischer-Dieskau. Le choix du français lui a été dicté par son amour du chant dans cette langue et le besoin qu'il ressentait de faire appel à une langue très internationale. Lutoslawski a, en outre, composé Préludes et fugue ­ 7 préludes et 1 seule et vaste fugue pour 13 instruments à cordes ­ (1972) ; Mi-Parti (1976) et Novelette (1978-79) pour orchestre ; une Épitaphe pour hautbois et piano (1979), un Double Concerto pour hautbois, harpe et orchestre de chambre (1980), une 3e Symphonie (1983), Chain I pour orchestre de chambre (1983), Partita pour violon et piano (1984), Chain II, dialogue pour violon et orchestre (1985), Dix-Sept Noëls polonais pour chœur de femmes, soprano et orchestre de chambre (1985), Chain III pour orchestre (1986), un Concerto pour piano (1988), Chantefleurs et Chantefables pour soprano et orchestre sur des poèmes de Robert Desnos (1991), une 4e Symphonie (1993). Membre honoraire de plusieurs académies mondiales et titulaire de nombreux prix, Lutoslawski a laissé le souvenir d'un homme délicat, affable et généreux. Comme sa musique, sa personnalité respirait la vivacité et la mobilité d'esprit.