Dictionnaire de la Musique 2005Éd. 2005
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Jaubert (Maurice)

Compositeur français (Nice 1900 – Azerailles 1940).

De brillantes études de droit lui ouvrirent une carrière d'avocat, mais la vocation musicale l'emporta. En 1923, il entreprit de solides études d'harmonie et de contrepoint sous la direction d'Albert Groz. Il composa des mélodies et de la musique de chambre, mais l'avènement du cinéma parlant, en 1930, marqua le tournant décisif de sa carrière. Nommé directeur de la musique chez Pathé-Cinéma, il écrivit, à partir de 1931, une quarantaine de musiques de film, collaborant avec René Clair (Quatorze Juillet), Jean Vigo (l'Atalante), Marcel Carné (Drôle de drame, Quai des brumes), Julien Duvivier (Carnet de bal). Jaubert a également composé un ballet, le Jour (1931) et une Jeanne d'Arc (1937) sur des textes de Péguy. Parmi ses mélodies, la Chanson de Tessa (1934) pour la pièce de Giraudoux est un chef-d'œuvre de simplicité et d'émotion, et le recueil l'Eau vive (1938), sur des textes de Giono, est pénétré de l'esprit de la Haute-Provence. Mobilisé en 1939, Jaubert a été tué à la tête de sa compagnie à Azerailles, près de Baccarat, le 19 juin 1940.

Jaufré Rudel, prince de Blaye

Troubadour français, vraisemblablement né à Blaye au début du XIIe siècle, mort en Palestine en 1147.

Si l'on en croit la légende qui a inspiré à Edmond Rostand sa Princesse lointaine. Seigneur de Blaye, il aurait pris part à la deuxième croisade pour rejoindre la dame de ses rêves, une certaine comtesse de Tripoli, qui aurait recueilli son dernier soupir, dès son arrivée à destination. Ce qui est certain, c'est qu'il chanta cette croisade, également célébrée par son confrère Marcabru, et composa des chansons d'un caractère très lyrique, dont quatre seulement nous sont parvenues avec leur mélodie notée. Parmi celles-ci, Lan quan li jorn son lonc en Mai (« Lorsque les jours sont longs en mai ») connut au Moyen Âge une grande popularité.

jazz

Musique afro-américaine créée au début du siècle par les communautés noire et créole du sud des États-Unis, et basée pour une large part sur l'improvisation, un traitement original de la matière sonore et une mise en valeur spécifique du rythme (swing).

Le jazz est né de la rencontre sur le sol américain de deux traditions musicales européenne et africaine. Dès son origine, il apparaît comme une vaste entreprise de détournement de la culture musicale occidentale par une autre, la contreculture des descendants des esclaves et, à leur suite, de tout ce que l'Amérique comptait de citoyens de " seconde zone ", notamment les créoles de couleur. Longtemps considéré comme une simple musique de danse et de bar, le jazz est aujourd'hui universellement reconnu comme un art majeur.L'étymologie du mot " jazz " reste encore aujourd'hui controversée. Le mot apparaît pour la première fois dans la presse de New York en 1917 à l'occasion de la venue d'un orchestre blanc, l'Original Dixieland Jass (ou Jasz, ou Jaz, puis Jazz) Band.

La préhistoire du jazz

On s'accorde à reconnaître que le " berceau " du jazz fut la Nouvelle-Orléans. C'est là que se produisit, entre 1890 et 1910, une fusion entre trois courants musicaux jusqu'alors parallèles : la musique populaire des Noirs (la musique religieuse, les chants de travail et surtout le blues), le ragtime et la version " blanche " européanisée, de la musique populaire afro-américaine (les chants des minstrel shows et la musique de vaudeville). La synthèse de ces trois courants n'aurait sans doute pas pu s'opérer sans la rencontre des musiciens noirs avec les musiciens " créoles de couleur ", c'est-à-dire des mulâtres d'expression française que le code législatif de Louisiane considérait comme des " nègres ". Plus instruits musicalement que les Noirs, les créoles de couleur assimilèrent vite ce qui faisait l'originalité de la musique populaire négro-américaine (le travail vocalisé des timbres et des sons, l'importance de la percussion et l'adaptation des variations pentatoniques à la gamme occidentale traditionnelle). Cela explique que la plupart des " pionniers du jazz " furent des créoles de couleur, dont les plus connus sont Jelly Roll Morton et Sidney Bechet.

Le jazz Nouvelle-Orléans

Si le jazz vit le jour à la Nouvelle-Orléans et y fut popularisé par des musiciens plus ou moins légendaires (Buddy Bolden, Manuel Perez, George Baquet, Alphonse Picou), c'est à Chicago qu'il s'épanouit vraiment. La fermeture, en 1917, du quartier réservé de " Storyville " provoqua un exode massif de musiciens vers Chicago, qui leur offrait de rentables possibilités de travail. King Oliver s'y installe dès 1918 avec sa formation l'Original Creole Jazz Band (Johnny Dodds ou Jimmie Noone à la clarinette, Honoré Dutrey au trombone, Lil Hardin au piano, Baby Dodds à la batterie et Louis Armstrong au cornet). C'est avec cet ensemble, que King Oliver enregistre en 1923 les morceaux les plus caractéristiques du style Nouvelle-Orléans, fondé principalement sur l'improvisation collective et la recherche d'une polyphonie spontanée. De son côté, en 1922, Jelly Roll Morton fonde les Red Hot Peppers, ensemble avec lequel il va créer de nombreux chefs-d'œuvre. En 1925, Louis Armstrong quitte l'orchestre de King Oliver pour diriger les premières sessions de son Hot-Five. Parallèlement à l'activité des musiciens noirs, de jeunes musiciens blancs tentent avec succès une adaptation originale du style Nouvelle-Orléans. Les plus célèbres représentants du " style Chicago " sont les trompettistes Bix Beiderbecke, Muggsy Spanier, les saxophonistes et clarinettistes Frank Teschemacher, Frankie Trumbauer, Pee Wee Russell, Bud Freeman, Benny Goodman et Mezz Mezzrow, ainsi que le batteur Gene Krupa. Peu à peu, New York prend le relais de Chicago. Des pianistes de ragtime, puis de stride (James P. Johnson) ont commencé à y développer des formes plus sophistiquées. Dès 1920, Fletcher Henderson y fonde son premier grand orchestre. C'est à New York également que Louis Armstrong s'impose comme la première " vedette du jazz ".

   Mais, dès 1929, le style et la conception orchestrale de la Nouvelle-Orléans ont vécu. King Oliver et Jelly Roll Morton cessent peu à peu leur activité. Louis Armstrong joue exclusivement avec des grands orchestres, parfois très commerciaux. Il faudra attendre 1940, et la vogue du New-Orleans Revival, pour que ce style retrouve les faveurs d'un public.

Le middle-jazz

(ou mainstream, ou jazz classique). C'est la période où le jazz conquiert sa liberté et, en même temps, une large audience. Les cadres étroits de l'improvisation collective Nouvelle-Orléans vont être délaissés au profit, d'une part, de l'improvisation du soliste, d'autre part de l'écriture orchestrale. Fletcher Henderson est le premier à tenter de renouveler le langage du jazz. Son orchestre, où s'illustrent de brillants solistes (en particulier Benny Carter et " l'inventeur du saxophone ", Coleman Hawkins), ouvre la voie à Duke Ellington, dont la pemière formation prend son essor en 1927. En 1928, Ellington joue au Cotton Club de Harlem, où il reste quatre ans. Ce même club, qui tiendra un grand rôle dans l'histoire du jazz, voit lui succéder le grand orchestre de Cab Calloway et, en 1934, de Jimmie Lunceford. Au même moment, Kansas City devient une nouvelle ville élue du jazz. Les orchestres d'Andy Kirk et de Bennie Moten font les beaux soirs du Reno Club, où, en 1935, pour la première fois, se produit la formation de Count Basie.

   Cette période heureuse qui voit le triomphe des " big bands " va recevoir le nom d'" ère du swing ". Le " swing " a été aux États-Unis, dans le milieu des années 30, autant un style qu'un phénomène social. Le jazz devient une musique de divertissement et de danse " respectable ". Au cours de la décennie précédente, les grandes formations de plus de dix musiciens étaient rares. Entre 1936 et 1944, elles vont se multiplier. À partir de l'été 1938, elles vont même conquérir les boîtes minuscules de la 52e rue de New York, " la rue qui ne dormait jamais ".

   Tandis que, avec Coleman Hawkins, Johnny Hodges, Teddy Wilson, Benny Carter, Lionel Hampton, Fats Wallet et quelques autres, le jazz s'invente un classicisme, le public, lui, invente une frénésie (" swing craze ") et proclame le clarinettiste blanc Benny Goodman " roi du swing ". Goodman impose pour la première fois dans un orchestre blanc des musiciens de couleur et ouvre toutes grandes au jazz les portes du temple de la musique " sérieuse ", le Carnegie hall, lors d'un concert historique, le 16 janvier 1938. Mais, si Benny Goodman règne sur le swing, chez surtout chez Count Basie que le swing règne. C'est au sein de son orchestre que se révèle le saxophoniste Lester Young.