Dictionnaire de la Musique 2005Éd. 2005
P

polo

Chant et danse andalous, exécuté par les gitans.

Traditionnellement écrit à 3/8 et en mineur, de mouvement modéré, le chant proprement dit est en général prédécé d'un prélude à la guitare et ponctué d'onomatopées (« ay »). La danse consiste principalement en contorsions du corps, rappelant certaines danses orientales, et s'accompagne de castagnettes et du claquement des pieds et des mains. Le polo a inspiré plusieurs compositeurs, en particulier M. de Falla, qui en a fait le dernier de ses Siete canciones españolas.

Pologne

Sise au cœur de l'Europe, la Pologne est le point de rencontre entre la culture slave et la culture occidentale. Le festival de musique contemporaine l'Automne de Varsovie en témoigne, attirant des artistes de toutes les nations.

   C'est à la fin des années 50, lors de la déstalinisation (1956), qu'une formidable effervescence musicale éclata, avec toute la puissance que peut posséder un courant trop longtemps contenu. La création musicale polonaise se manifesta alors dans toute sa vigueur ; tous les principaux grands prix internationaux de composition furent remportés par des Polonais. À la Tribune internationale des compositeurs de l'Unesco, en quatre ans, trois fois le premier prix fut attribué à une œuvre polonaise (1958, 1959, 1961). Et de nouveau, en 1963, le premier et le second prix revinrent à des créations polonaises. Mais cette reconnaissance internationale est l'aboutissement d'une longue histoire.

Les origines

Officiellement christianisée en 966, la Pologne prit alors rang parmi les États européens qui prêtèrent allégeance à l'Église de Rome, alors que la Russie optait pour Byzance et l'orthodoxie (955). L'inventaire de la musique polonaise est encore tout récent ; la raison en est simple : l'histoire de la musique comme discipline scientifique s'est formée au XIXe siècle, à une période où la Pologne en tant qu'État indépendant avait cessé d'exister. Aussi commença-t-elle ses premières tentatives de recherches historiques avec un demi-siècle de retard ; or, l'étude approfondie de l'histoire de la culture musicale d'un pays exige un effort de plusieurs générations. Dès lors, il est sans doute prématuré de vouloir réaliser une synthèse. Ces vingt dernières années, ont été exhumées plus de 400 œuvres manuscrites, qui remontent au milieu du XIe siècle et témoignent de l'influence du chant grégorien dès le Xe siècle : les grands centres se situaient alors à Pozna'n, Wrocðaw et Cracovie.

   Le premier chant polonais connu est le chant religieux et guerrier Bogurodzica (XIIIe s.), cantique à la Vierge, qui fut l'hymne de ralliement de la chevalerie polonaise au combat, notamment lors de la bataille de Grunwald-Tannenberg (1410) grâce à laquelle fut stoppé l'expansionnisme des chevaliers Teutoniques. On trouve aussi dans l'œuvre de l'ethnologue Oscar Kolberg (1814-1890) plus de 20 000 mélodies populaires des diverses régions de Pologne, dont certaines, fondées sur la gamme pentatonique (gamme commune aux cultures archaïques mongoles et indo-européennes), sont des cantiques préchrétiens (noëls, Saint-Jean d'Été, chants nuptiaux, etc.) encore chantés dans la région de Lublin.

La fin du Moyen Âge

L'université Jagellon, fondée en 1364 à Cracovie par Casimir le Grand, attirait érudits et artistes de toute l'Europe. Aussi, dès le début du XVe siècle, grâce à ce brassage, vit-on s'épanouir une école de chant polyphonique, dont le seul ­ et le premier ­ compositeur connu est Mikolaj de Radom (ou Radomski) ; il écrivit des œuvres à 3 voix d'un art consommé très influencé par la lyrique franco-flamande et un hymne pour voix et 2 instruments, dont le texte évoque la vie à la cour du roi Ladislas II Jagellon.

La Renaissance

À l'époque où l'imprimerie musicale faisait son apparition (début du XVIe s.), les musiciens polonais avaient acquis droit de cité au sein de l'Europe artistique et entretenaient d'actives relations avec les divers pays de cette vaste communauté culturelle : en témoignent les Tablatures d'orgue de Jean de Lublin (les plus importantes que l'on ait, à l'époque, publiées sur ce sujet, 1537 et 1548), la Tablature d'orgue du monastère du Saint-Esprit à Cracovie (1548) et la Tablature de luth de Cracovie (1555), où, à côté des compositions polonaises, figurent les œuvres des plus éminents polyphonistes de l'Europe occidentale. L'école de luth, illustrée par Dlugoray (1550-1619) et Polak († v. 1605), fut fondée par le luthiste hongrois Bakfark, qui séjourna en Pologne de 1549 à 1566. Parmi les compositeurs, retenons Mikolaj de Cracovie (première moitié du XVIe s.), dont malheureusement l'œuvre est parvenue essentiellement en transcriptions pour orgue. Mikolaj Gomolka (v. 1535-1593), polyphoniste de grand renom, mit en musique, à 4 voix, le premier psautier polonais, cycle de 150 psaumes traduits par le poète Jan Kochanowski, publié en 1580. Waclaw de Szamotuly (apr. 1520-v. 1560), musicien attitré du roi Sigismond Auguste, composa une œuvre déterminante pour l'évolution de la musique polonaise : utilisant abondamment le langage polyphonique avec une très grande aisance, il fut le premier à écrire pour 8 voix. Marcin de Lvov ou Leopolita (1540-1589) fut l'auteur de très belles messes tirées de noëls populaires et de motets à 5 voix. Quant à la danse, qui participe de l'être même de la nation polonaise (en atteste la terminologie internationale dès l'époque : balletto polacco ou chorea polonica), on en trouve l'une des expressions les plus accomplies dans la mazurka, qui apparaît vers 1550.

La période baroque

Dès l'aube du XVIIe siècle, la Pologne se prit d'engouement pour l'Italie. L'italianisme revêt une telle ampleur qu'il finit par occulter la veine nationale, qui ne se retrouva qu'avec Chopin. Un lent et progressif déclin de la personnalité polonaise commença alors, couvrant la seconde moitié du XVIIe et le XVIIIe siècle. Cependant, tout en n'égalant pas les grands compositeurs ouest-européens de l'époque, trois figures dominèrent en Pologne. À la charnière du XVIe et du XVIIe siècle, Mikolaj Zielenski (1551-1615) écrivit de très belles œuvres vocales et instrumentales fortement inspirées des Vénitiens (en particulier des Gabrieli), et publia à Venise en 1611 deux volumes de 121 pièces : Offertoria et communiones totius anni, le premier comprenant des œuvres à 7 ou 8 voix, le second de 1 à 5 voix. Il composa aussi un magnificat à 12 voix. Adam Jarzebski (mort en 1649), qui connut parallèlement une véritable notoriété comme architecte, laissa une œuvre essentiellement instrumentale, de nombreux canzoni et concertos de valeur et des arrangements des musiciens de la Renaissance. Quant à Marcin Mielczewski (v. 1600-1651), avec plus de 40 pièces religieuses et quelques canzoni instrumentaux, quoique faisant preuve de grandes capacités techniques, il resta totalement sous l'influence des maîtres italiens. Il faut aussi citer Bartolomiej Pekiel (mort en 1670), auteur d'un Dulcis amor, concerto pour voix et instruments, et de plusieurs messes, Stanislas S. Szarzynski et Grzegorz G. Gorczycki (v. 1667-1734). Varsovie fut la première ville à fonder, vers 1625, un opéra en dehors des frontières de la péninsule italienne. Sans doute très atténué par cette véritable hégémonie italienne, l'élément polonais resta cependant inaltérable, et ce fut vers le milieu du XVIIe siècle que l'on vit se fixer dans son rythme et sa forme définitive cette danse spécifique, la polonaise.

Le XVIIIe siècle

Le « siècle des lumières » fut pour la Pologne un siècle d'obscurité. À l'extinction de la dynastie des Jagellon (1572), la couronne était devenue élective (1573) et passait de main en main, accélérant ainsi la ruine du pays. Après avoir successivement perdu la Livonie (1660), Smolensk et la rive gauche du Dniepr (1667), si l'on excepte le règne de Jean Sobieski (1674-1696), la Pologne fut plus que jamais soumise à des princes liges, tantôt inféodés au pouvoir russe, tantôt à la monarchie française ­ comme Stanislas Leszczy'nski (1704-1709). Le premier partage de la Pologne entre la Russie, la Prusse et l'Autriche eut lieu en 1772 ; le troisième fut définitif qui raya la Pologne de la carte du monde (1795). Trop occupés à mener une lutte épuisante pour leur survie, les Polonais reléguèrent les arts au second plan ; les talents se firent rares et de peu d'intérêt. Relevons toutefois l'apparition, au début du XVIIIe siècle, de la première sonate polonaise, œuvre de Szarzynski, et la fondation du premier théâtre d'opéra polonais à Varsovie (1766), ainsi que les noms de symphonistes comme Golabek ou Pietrowski.