Italie : histoire
Résumé Des Étrusques aux Romains (vie s. avant J.-C.-ive s. après J.-C.) Unifiée entre le ive et le iie s. avant J.-C. par Rome, qui s’impose sur les autres peuples de la péninsule au premier rang desquels les Étrusques, l’Italie se fragmente après la chute de l’Empire sous l’effet des invasions étrangères. Des Barbares au Saint Empire romain germanique Ostrogoths, Byzantins, Lombards, Francs s’imposent successivement entre la fin du ve s. et le ixe s., tandis que les Sarrasins (musulmans d'Afrique du Nord) puis les Normands s’installent en Sicile et dans le Sud entre le ixe s. et le xiie s. Au centre du pays, la papauté tente aussi de s’imposer comme pouvoir temporel et doit affronter, à partir du xe s., le Saint Empire romain germanique. Le développement des États régionaux (xiiie-xve s.) Cette opposition s’étend à travers la lutte entre guelfes (favorables au pape) et gibelins (partisans de l’empereur), à la plupart des villes italiennes ; les ambitions territoriales provoquent des conflits armés entre États princiers, ces derniers atteignant leur apogée à la Renaissance, ainsi le duché de Milan sous les familles Visconti puis Sforza et la seigneurie de Florence sous les Médicis. L'Italie sous la domination étrangère (xvie-xviiie s.) Disputée par les puissances européennes dès le xiiie s. et surtout à partir du xvie s., l’Italie passe sous la domination de l’Espagne et de l’Autriche. Le Risorgimento et l'unité italienne (xixe siècle) Dans le sillage de la Révolution française, l'Italie est prise dans l'aventure napoléonienne, avant d'entamer son Risorgimento (« renaissance »). Puis l'essor du mouvement national, malgré l'échec de la révolution de 1848, conduit à l'unification de l'Italie sous la bannière du royaume de Piémont-Sardaigne et de son président du Conseil, Cavour. L’unité du pays est ainsi réalisée en 1861 : il reste alors à construire un État national et à intégrer des populations dans une société toujours très fragmentée. Du xxe siècle à nos jours La mobilisation sociale culmine après la Première Guerre mondiale et débouche sur la dictature fasciste qui s’impose aisément en 1925 sur un État libéral inachevé. Les défaites militaires de la Seconde Guerre mondiale entraînent la chute de Mussolini en 1943 et la République est instituée en 1946. Mais le système parlementaire, fondé sur l’hégémonie de la Démocratie chrétienne, évolue progressivement vers une « partitocratie » qui entre en crise au début des années 1990.
1. L'Antiquité
Une mosaïque de peuples sont présents sur la péninsule italienne à la préhistoire. Ainsi les Villanoviens (→ civilisation de Villanova) occupent le futur territoire étrusque à la fin de l'âge de bronze, vers 1200-1000 avant J.-C.; ils sont arrêtés en Campanie et surtout devant le Picenum, où ils se heurtent à la résistance des populations locales (Marses, Samnites, Èques, Volsques, etc.) groupées le long de la côte adriatique ou dans l'Apennin, et connues comme eux sous le nom d'« Italiotes ».
D'autre part, d'importantes migrations venues de la région montagneuse à l'est et au nord de l'Adriatique (Illyrie) mènent vers la côte des peuples tels les Vénètes.
Ce peuplement complexe de l'Italie est complété par les Grecs, qui occupent progressivement à partir du début du viiie s. avant J.-C. (fondation de Cumes) les côtes sud-orientales de l'Italie, du golfe de Tarente à la Campanie, et par les Étrusques qui apparaissent aussi au viiie s. avant J.-C..
1.1. Les Étrusques (apogée aux vie-ve s. avant J.-C.)
À plusieurs reprises, les rivalités existant entre ces populations de cultures différentes se cristallisent en conflits armés. Les premiers connus opposent les Grecs et les Étrusques. Ces derniers, menacés par la poussée phocéenne – d'une cité grecque d'Asie Mineure sur la côte de la mer Égée (→ Phocée) –, s'allient à Carthage. Après avoir détruit la flotte de Massalia (actuelle Marseille) à Alalia (en Corse, vers 540-535 avant J.-C.), les Étrusques laissent les Carthaginois (ou Puniques, comme on les appelle aussi) contrôler la Sicile et la Sardaigne, tandis qu'eux-mêmes s'installent en Corse et font de l'Italie leur chasse gardée.
Depuis la fin du viie s. avant J.-C., les Étrusques dominent l’essentiel du Latium (région de l'Italie centrale, sur la mer Thyrénienne) et occupent Rome, où règnent successivement trois rois étrusques : Tarquin l’Ancien, Servius Tullius et Tarquin le Superbe.
Malgré leur extension en Campanie, où ils fondent comme dans leurs autres territoires une « dodécapole », leur progression en direction du Sud est arrêtée devant la cité grecque de Cumes (524 avant J.-C.). Dans le nord, où ils étaient parvenus à s’implanter dans la plaine du Pô à la fin du vie s., les Étrusques sont repoussés progressivement par les Celtes dès la fin du ve s. avant J.-C..
Si la puissance des Étrusques est relativement brève, leur civilisation a laissé des témoignages artistiques remarquables et influencera profondément la religion et les institutions romaines.
Pour en savoir plus, voir l'article Étrusques.
1.2. La conquête par Rome (fin du vie-début du iies. avant J.-C.)
Profitant de l’affaiblissement général des Étrusques, les Romains, qui avaient repris le contrôle de Rome à la fin du vie s.avant J.-C. et fondé la République (509), entreprennent dès lors la conquête progressive de la péninsule (ive s.-iies. avant J.-C.). Après la prise de Véies (395) et celle de Tarquinia (308), la dernière cité étrusque, Volsinii, tombe en 264. Les Romains repoussent également les Gaulois après le sac de Rome (390). Parallèlement, ils soumettent les régions du Latium puis, de 340 à 290, de la Campanie, des Pouilles et la Lucanie.
Enfin, le contrôle du Sud est achevé avec la victoire sur Pyrrhos (Pyrrhus), roi d’Épire (prise de Tarente en 272), et après celui de la Sicile, de la Sardaigne et de la Corse à l’issue de la première guerre punique (264-241 avant J.-C.), l’assujettissement de l’Italie du Nord est effectif au début du iie s. avant J.-C..
1.3. L’unification de la péninsule par Rome
Dans un territoire relativement restreint, où se juxtaposent de nombreux peuples, Rome impose alors une unité que favorise la diversité des statuts juridiques accordés aux vaincus. Le latin, langue du vainqueur, s'affirme peu à peu comme moyen unique d'expression de la pensée.
Longtemps, pourtant, les particularismes locaux subsistent et s'affirment avec plus de vigueur au moment de la deuxième guerre punique, quand les populations « italiotes » et grecques font preuve d'une neutralité au moins douteuse à l'égard de Rome.
Plus grave encore est le mécontentement suscité chez les Italiens par les confiscations massives de terres auxquelles Rome procède aux dépens de ses alliés en vue de la constitution d'un vaste ager publicus. La double déception provoquée par l'assassinat de Caius Gracchus (121 avant J.-C.) et par celui du tribun Livius Drusus, qui leur a, à son tour, promis l'octroi du droit de cité (91 avant J.-C.) – c'est-à-dire l'ensemble des privilèges attachés à la qualité de citoyen –, provoque la révolte générale des Italiens : la guerre italique, ou guerre sociale (91-89 avant J.-C.), contraint Rome à conférer aux cités latines et aux alliés italiques le droit de cité complet, et à l'octroyer à titre individuel à ceux qui le solliciteraient. Les Gaulois de la Transpadane accèdent, grâce à César, à la citoyenneté complète en 49 avant J.-C. Au lendemain de la bataille de Philippes (42 avant J.-C.), Octave (le futur Auguste) incorpore la Gaule Cisalpine à l'Italie, dont la frontière se trouve reportée du Rubicon à l'Arsa et au faîte des Alpes italiennes.
1.4. La vie économique en Italie sous l'Empire romain
Auguste (nouveau nom d'Octave devenu empereur en 27 avant J.-C.) s'efforce, dès lors, d'effacer les traces des guerres civiles, restaurant la sécurité et le réseau routier, agrandissant et embellissant les villes. En revanche, sur le plan économique, la dégradation des terres, commencée dès le lendemain des grandes conquêtes, s'accélère par suite de l'afflux des blés étrangers, qui provoque la ruine des petits propriétaires fonciers, déjà fortement endettés par suite de la longueur du service militaire.
À la culture, devenue non rentable, des céréales se substituent celles de la vigne et de l'olivier, et surtout une extension considérable, en Italie centrale et méridionale, des pâturages à moutons et des friches, dans le cadre des latifundia constitués au profit des grands propriétaires romains.
D'autre part, l'extension de l'Empire provoque un déplacement des axes commerciaux, qui se situent désormais le long du limes, ligne fortifiée courant aux frontières. Enfin, l'Italie, malgré un gros effort d'équipement portuaire, n'est plus le centre des affaires au moment même où se prépare la provincialisation de la péninsule.
La mainmise gouvernementale complète sur la péninsule est accélérée par Hadrien, par Marc Aurèle et par les empereurs du iiie siècle. Ne fournissant plus le personnel gouvernemental ni le personnel militaire de l'Empire, l'Italie est finalement divisée par Dioclétien en huit circonscriptions, groupées en un diocèse, que son successeur Constantin (empereur de 306 à 337) divisera en deux : l'Italie annonaire, soumise à l'impôt (Milan), et l'Italie suburbicaire (Rome, le sud de la péninsule et les îles).
Dans cette Italie épuisée économiquement et isolée politiquement, les tenants de la romanité païenne mènent, à propos du culte de Rome et d'Auguste, un ultime et inefficace combat contre le christianisme : longtemps persécutée, la nouvelle religion, à laquelle s'est converti Constantin sur son lit de mort, triomphe au ive s. à Rome, siège de la papauté, et à Milan, où saint Ambroise peut dicter ses volontés à l'empereur Théodose.
Pour en savoir plus, voir l'article Rome.
2. La fin de l'Empire d'Occident et les débuts du Moyen Âge en Italie
2.1. Les invasions et la fin de l'époque romaine (395-477)
En 330, Constantin a inauguré officiellement la nouvelle capitale de l'Empire, Constantinople (fondée sur le site de l'ancienne Byzance), désormais rivale de Rome. En 395, à la mort de Théodose, l'Empire romain est définitivement partagé entre l'Empire d'Orient (dont la capitale est Constantinople) et l'Empire d'Occident (avec Rome pour capitale). L'Empire d'Orient, ou Empire byzantin, durera jusqu'à la fin du Moyen Âge. Mais l'Empire romain d'Occident, dont Ravenne devient la capitale en 402, est durement frappé par la poussée des Barbares. Bientôt, l'Empire d'Occident se réduit à l'Italie qui subit à son tour l'assaut des invasions.
En 410, les Goths d'Alaric prennent Rome. En 452, les Huns, conduits par Attila, envahissent l'Italie, qu'ils n'évacuent que sur la promesse d'un tribut, et, en 455, les Vandales de Geiséric pillent Rome.
Au cours des dernières années de l'Empire, les empereurs de Rome se succèdent sans exercer le pouvoir réel, qui est, en fait, aux mains du chef de l'armée Ricimer, de 456 à 472. En 475, le général romain Oreste, ancien secrétaire d'Attila, installe sur le trône son fils Romulus Augustule. C'est le dernier empereur d'Occident, car un des chefs barbares, Odoacre, soulève les troupes et le détrône (476).
2.2. De l'Ostrogoth Théodoric aux Lombards (489-568)
En 489, le roi des Ostrogoths, Théodoric, obtient de l'empereur d'Orient Zénon le gouvernement de l'Italie, dont il devient le maître absolu après avoir fait tuer Odoacre (493). Théodoric entreprend d'établir l'équilibre entre les Goths, installés sur les riches terres du Nord, et une civilisation romaine à laquelle il s'efforce de rendre vie, en maintenant les institutions impériales et en conservant les cadres anciens (cités, provinces). Cependant, un mouvement vers la centralisation se fait sentir.
Les successeurs de Théodoric ne peuvent empêcher la reconquête byzantine (535-553) ; entreprise par Bélisaire, général de l'empereur Justinien, celle-ci se heurte à des chefs goths énergiques comme Totila. Néanmoins, l'Italie redevient province de l'Empire comme préfecture romaine gouvernée par Constantinople.
2.3. L'Italie entre Lombards et Byzantins (568-774)
Cependant, en 568, les Lombards, venus des rives de l'Elbe et que les Byzantins affaiblis ne peuvent repousser, s'installent en Italie du Nord puis du Centre (duché de Spolète) et du Sud (duché de Bénévent), brisant ainsi l'unité de la péninsule. Après une période de lutte intestine, ils restaurent la monarchie à la fin du vie s. Dès le viie s., ils se convertissent au catholicisme.
Le basileus byzantin (l'empereur), représenté en Italie par des ducs placés sous l'autorité de l'exarque de Ravenne, conserve une certaine souveraineté sur une province (regroupant les évêchés de Rimini, Pesaro, Fano, Senigallia et Ancône) située dans le nord entre les territoires lombards et sur d'autres territoires dans le sud (Naples, Sicile, Calabre, Pouilles).
Mais les querelles religieuses « byzantines » ainsi que des révoltes affaiblissent l'exarchat de Ravenne. En 751, le roi lombard Aistolf s'empare sans difficultés de Ravenne, puis réclame un tribut aux habitants de Rome. Le pape Étienne II demande alors l'aide du roi des Francs, Pépin le Bref (753), qui oblige Aistolf à lui rendre l'exarchat, dont il fait don au pape (756) – ce don constituera le noyau des États de l'Église, qui occuperont le centre de la péninsule jusqu'à la seconde moitié du xixe siècle.
Vingt ans plus tard, menacé par Didier, successeur d'Aistolf, le pape Adrien Ier fait appel à Charlemagne (773).
2.4. L'Italie carolingienne (774-962)
Vainqueur de Didier, Charlemagne se proclame roi des Lombards et se fait couronner à Rome par le pape Léon III en 800. Il attribue à son fils Pépin le titre de roi d'Italie. Dans l'administration du royaume, les influences orientales sont plus fortes que celles des Francs. Le commerce avec l'Orient se poursuit, tandis que Venise centralise les produits orientaux et que la vie urbaine persiste en Italie.
Après le partage de l'Empire de Charlemagne (traité de Verdun, 843), l'Italie fait partie de l'État de Lothaire Ier, passant ensuite au fils de ce dernier, Louis II. La féodalité naissante et le morcellement politique qui la caractérise anéantissent les pouvoirs traditionnels. À Rome, les nobles contrôlent en fait le pouvoir pontifical.
La couronne royale d'Italie et le titre impérial sont disputés entre des seigneurs incapables de repousser les Hongrois ou les arabes et berbères musulmans menés par des chefs aghlabides originaires de Kairouan.
Au sud, le duché de Bénévent s'est morcelé en principautés rivales dont les titulaires n'hésitent pas à s'allier aux musulmans – les Occidentaux du Moyen Âge les désignaient sous le nom de Sarrasins. Quant aux Byzantins, malgré la perte de la Sicile, ils gardent de solides appuis à l'extrémité de la péninsule.
2.5. Sarrasins et Normands en Italie du Sud (831-1194)
Au ixe s., les Sarrasins qui avaient déjà fait plusieurs incursions au viiie s., chassent les Byzantins de Sicile (prise de Palerme en 831). Puis, outre plusieurs razzias dans les Pouilles et en Calabre, ils prennent pied en plusieurs points sur les côtes et pillent Rome en 846. Succédant aux Aghlabides en 909, les Fatimides poursuivent cette implantation jusqu’à ce que les Normands les en expulsent, au xie siècle.
Ces derniers, apparus en Italie pour la première fois au ixe s. mais sans y laisser de traces, s’installent durablement dans le sud à partir du début du xie s. avec les premières incursions (autour de 1035) de Tancrède de Hauteville et de ses fils, dont Roger et Robert Guiscard. Ces expéditions conduisent à la fin de la domination byzantine dans le sud de la péninsule puis de la présence arabe en Sicile ; l'île restera sous domination normande (création du royaume de Sicile en 1130 attribué à Roger II) jusqu’à l'avènement de l’empereur germanique Henri VI de Hohenstaufen (1190).
3. L'Italie dans le Saint Empire romain germanique (962-1266)
3.1. La domination ottonienne
En 962, le roi de Germanie Otton Ier, qui s'est emparé du trône d'Italie dix ans plus tôt, se fait couronner empereur à Rome par le pape Jean XII. Ainsi naît le Saint Empire romain germanique, qui unit le sort de l'Italie à celui des rois de Germanie. À la mort de Henri II (1024), la dynastie franconienne (ou salienne) succède aux Ottoniens (→ Conrad II le Salien).
Si Otton Ier laisse le régime seigneurial s'étendre, il établit sa tutelle sur l'Église romaine, déposant et choisissant les papes, confiant les charges séculières aux évêques. En revanche, il doit renoncer à chasser les Grecs d'Italie.
À partir d'Otton Ier, la plupart des rois de Germanie sont hantés par le voyage d'Italie, qui leur permet de se faire sacrer empereurs. La papauté passe sans cesse du joug impérial à celui de l'aristocratie romaine. Or, l'élite de la chrétienté, attachée à la lutte contre la simonie et le nicolaïsme, veut pouvoir compter sur une papauté indépendante. Soutenu par le marquis de Toscane et par le Normand Robert Guiscard, dont il accepte la vassalité pour les Pouilles et la Calabre (1059), le pape Nicolas II supprime le contrôle du roi de Germanie sur l'élection pontificale.
3.2. La papauté contre l'Empire: la querelle des Investitures
La tentative réformiste du pape Grégoire VII se heurte à la politique de l'empereur germanique Henri IV, désireux de remettre la main sur la papauté, et déclenche la querelle des Investitures (1075-1122). Henri IV, excommunié, fait élire un anti-pape, Clément III (1080), et s'empare de Rome (1084), d'où Grégoire VII s'enfuit grâce à l'intervention de son vassal Robert Guiscard.
Lorsque la querelle prend fin sous Henri V (1106-1125), le pape Calixte II signe avec Henri V un compromis par lequel l'empereur renonce à l'investiture des fonctions spirituelles (concordat de Worms, 1122). Cette victoire de la papauté sur l'Empire est confirmée par le premier concile de Latran (1123). Le pape n'est pas pour autant le maître dans son État : les Romains se soulèvent à plusieurs reprises.
3.3. L'affirmation des villes et leur rôle économique
Après les désordres du xe s., les séjours des empereurs ont rendu un peu de tranquillité à la péninsule. Pise et Gênes chassent les Sarrasins de la mer Tyrrhénienne et profitent des croisades pour s'assurer l'exclusivité du commerce entre l'Orient musulman et l'Occident chrétien, rivalisant avec Venise, qui garde le monopole des rapports avec Constantinople.
Les villes de l'intérieur, Trévise, Brescia, Crémone, Pavie, bénéficient de la renaissance du grand commerce, dont elles tiennent les routes terrestres. L'industrie apparaît un peu partout (la soie à Lucques, la laine à Milan). La banque devient une spécialité de la Lombardie (Asti, Chieri, Novare, Plaisance) ou de Sienne, qui gèrent les finances du Saint-Siège. Pour mieux conduire leurs affaires, les villes secouent le joug des autorités féodales et se donnent des institutions communales.
Dès le xie s., la classe des marchands lutte contre l'évêque seigneur de la ville et annule son pouvoir : elle a trouvé l'appui des petits nobles qui veulent se libérer de l'arbitraire des grands seigneurs, et celui du parti populaire des patarins. La cité est dès lors administrée par un collège annuel de consuls recrutés chez les petits nobles et les négociants. Seule Venise voit le triomphe d'une aristocratie qui se ferme aux parvenus.
Dans la moitié sud de la péninsule, Roger II, qui s'est proclamé roi de Sicile (1130), a unifié les États normands : c'est une monarchie absolue, bureaucratique, où des villes comme Amalfi perdent leur autonomie et leur activité commerciale. Au contraire, l'île de Sicile devient la principale escale de la navigation en Méditerranée.
Pour en savoir plus, voir l'article Sicile.
3.4. De Barberousse à Frédéric II et à la guerre civile
L'élection à la tête de l'Empire germanique de Frédéric Barberousse (couronné à Rome en 1155) relance en Italie la lutte entre le Sacerdoce et l'Empire. Frédéric veut faire valoir ses droits sur Rome et les États du pape et il tente d'unifier l'Italie en conquérant le royaume normand de Sicile, allié indispensable du Saint-Siège. Le pape Alexandre III soutient la Ligue lombarde (regroupant les principales villes d'Italie du Nord), qui réussit à vaincre Barberousse (Legnano, 1176). Aux accords de Venise (1177) et de Constance (1183), l'empereur semble abandonner les droits régaliens, mais sa politique, qui vise désormais à utiliser les querelles locales, à créer un parti impérial, ne fait plus l'unanimité contre elle.
Le fils de Barberousse, Henri VI, qui a épousé Constance de Sicile (fille de Roger II), réussit à mettre la main sur le royaume normand (1194). Mais sa mort prématurée (1197) ne laisse à son fils Frédéric II, à peine âgé de 4 ans, que le royaume de Sicile sous la tutelle du pape Innocent III, qui veut rompre l'encerclement de ses États par les impériaux.
Le pape donne la couronne impériale à Otton IV (1209), qui s'empresse d'attaquer la Sicile et d'empiéter sur l'État de l'Église. Innocent III fait alors élire en « anti-roi » le jeune Frédéric II (1212), qui s'engage à séparer ses États dès qu'il aura un héritier. La guerre civile s'installe dans la majeure partie de l'Italie, car Frédéric II poursuit la politique de ses prédécesseurs.
3.5. Guelfes et gibelins
À l'intérieur de chaque ville, deux factions politiques s'affrontent : les gibelins, partisans de l'empereur, et les guelfes, partisans du pape. Frédéric II, petit-fils de Barberousse, appartient à la dynastie souabe des Hohenstaufen, mais il est avant tout italien et se consacre au gouvernement de son royaume de Sicile et à l'unification de l'Italie ; cependant il échouera devant l'hostilité du pape.
Pour en savoir plus, voir l'article Frédéric II.
Le fils naturel de Frédéric II, Manfred, garde la Sicile (1258-1266) et, en s'appuyant sur le parti gibelin, prend pied en Toscane (Montaperti, 1260). Mais Charles d'Anjou (frère du roi de France Saint Louis), appelé par le pape qui espère trouver en lui un vassal dévoué, bat et tue successivement Manfred (à la bataille de Bénévent en 1266) et le prétendant gibelin Conradin (1268), puis soumet la Sicile.
Le nouveau roi de Sicile, et le parti guelfe, dominent dès lors Rome et la majeure partie de l'Italie.
4. Affaiblissement de la papauté et morcellement de l'Italie (xiiie-xve siècle)
4.1. La civilisation communale (xiiie siècle)
Les communes et les villes consolident leur indépendance au xiiie s. et deviennent des foyers de la culture et de l'économie européennes. Les grands ports de la péninsule sont le siège d'une intense activité marchande. La création de colonies vénitiennes et génoises dans le monde gréco-byzantin permet l'accumulation de richesses à Gênes, Florence, Venise et Milan. Les luttes politiques entre l'Empire germanique et la papauté ont attisé les rivalités entre, d'un côté, les grands marchands, les maîtres des principaux métiers et, de l'autre, le « peuple », en fait les maîtres des métiers secondaires, qui réclament des places dans les conseils des villes.
Ces luttes aboutissent au remplacement du collège des consuls administrant la cité par un podestat qui devient souvent « seigneur » de la ville. Lorsque les podestats arrivent à se constituer une armée de métier, devenant ainsi des condottieri, ils peuvent fonder une véritable dynastie.
4.2. Angevins et Aragonais en Italie du Sud (xive siècle)
Les Angevins en Italie
Couronné roi de Sicile en 1266, Charles d'Anjou veut soumettre la péninsule, mais il mécontente les populations du sud de l'Italie. La désagrégation du parti guelfe et la révolte des Vêpres siciliennes (1282) permettent au roi d'Aragon d'éliminer les Angevins, qui doivent se contenter du seul royaume de Naples. Le roi d'Aragon devient, en 1302, maître de la Sicile et de la Sardaigne. Le roi de Naples, Robert d'Anjou (1309-1343) reçoit de la papauté la souveraineté sur la Toscane, mais ne peut conquérir la Sicile.
L'épisode angevin inaugure pour l'Italie les interventions françaises et l'ingérence ibérique, prélude à la prépondérance espagnole du xvie s. La papauté perd son influence : cardinaux français et italiens rivalisent et, de 1309 à 1376, le pape s'installe à Avignon. Le Grand schisme d'Occident (1378-1417), amenuisant encore l'influence papale, rend plus sensible le morcellement de l'Italie.
Le royaume des Deux-Siciles
Tandis que les Aragonnais se maintiennent en Sicile et en Sardaigne, le royaume de Naples, après la mort de Robert d'Anjou (1343), connaît une histoire mouvementée. La succession de Jeanne II (1414-1435), notamment, provoque une guerre entre Aragon et Anjou. Les Aragonais triomphent et réunissent Sicile et Naples en un royaume des Deux-Siciles (1442). Les deux royaumes sont de nouveau séparés à la mort d'Alphonse V le Grand (1458) : la Sicile reste au roi d'Aragon, et Naples à un bâtard d'Alphonse V, Ferdinand Ier ou Ferrante (1458-1494).
Sous les Aragonais se perpétue dans le royaume des Deux-Siciles un féodalisme et une économie archaïques qui contrastent avec le dynamisme des cités et des seigneuries du nord de la péninsule.
4.3. Développement des États régionaux et des seigneuries (xive-xves.)
Au xive s., chaque cité italienne cherche à agrandir son territoire au détriment de ses voisines et des guerres opposent Pise et Florence, Milan et une ligue de plusieurs cités de Toscane alliées au pape, Gênes et Venise. À la fin du xive s., le morcellement politique tend à s'atténuer, mais le particularisme est déjà trop affirmé. L'unification politique s'arrête à mi-chemin, laissant subsister côte à côte des États minuscules (Saint-Marin), de grandes villes et des duchés.
À la fin du xive s., Venise conquiert les villes voisines dont les seigneuries la menaçaient (Padoue, Trévise, Vérone). La Savoie, qui accroît ses possessions piémontaises, devient un duché en 1416.
→ Amédée VIII, États de la maison de Savoie.
Le Milanais,depuis 1277 sous la domination des Visconti qui ont reçu le titre ducal, passe sous celle du condottiere Francesco Sforza (1450-1466), qui fonde à son tour une dynastie. À Florence, la famille des Médicis accède à la tête de la seigneurie en 1434.
4.4. Essor économique et Renaissance culturelle
À partir des premières décennies du xive s., la phase ascendante de l'économie européenne connaît un ralentissement, puis une régression, jusqu'au xve s. Milan et l'Italie du Nord sont relativement épargnés, mais Florence est gravement frappée. Cependant, grâce au commerce méditerranéen et à l'accumulation de richesses, l'Italie, moins touchée que les autres pays européens, surmonte rapidement la crise. Ainsi Florence, qui a absorbé sa rivale Pise, se lance dans une intense activité en Méditerranée de l'Ouest.
Cette atmosphère de relative prospérité favorise l'essor de l'humanisme et de l'art, riches bourgeois et princes se comportant en mécènes généreux. Les papes du xve s. (Martin V, Nicolas V, Sixte IV) sont également des amateurs éclairés d'art et de belles-lettres. C'est l'heure de la Renaissance.
Par ailleurs, très tôt, l'Italie a été traversée par de nouveaux courants de pensée ; ce pays riche est hanté par la pauvreté évangélique et, à côté des disciples de saint François d'Assise, pullulent les mouvements hérétiques, qui rompent avec l'Église officielle : les « spirituels » qu'inspire Joachim de Flore, les vaudois (membres de la secte fondée à la fin du xiie s. par Pierre Valdo, un riche marchand lyonnais qui se convertit à la pauvreté absolue) et les cathares, surtout présents en France. Ces courants subsistent jusqu'à la fin du xve s.
4.5. La politique d'équilibre et les faiblesses
Mais l'Italie, malgré sa richesse, repose sur des bases politiques fragiles ; des ligues se forment et se détruisent, la papauté abandonne sa politique globale en Italie et le Sud reste aux mains de dynasties étrangères.
Dans le Nord, la paix de Lodi, signée en 1454 entre le pape, Venise, Florence et Milan, introduit la notion d'équilibre entre puissances voisines et préfigure une possible « unité italienne ». Cependant, ce pacte ne met pas fin aux luttes entre cités oligarchiques et princes.
L'habitude de faire appel à l'étranger va bientôt livrer la péninsule aux ambitions de la France, de l'Espagne et de l'Autriche.
Par ailleurs, le danger ottoman se précise : les Turcs ravagent le Frioul et occupent Otrante (1480). Venise recule devant eux en Méditerranée. Mais l'installation des Turcs permet la pénétration d'une culture héritée de l'Antiquité par l'intermédiaire des émigrés byzantins en Italie.
Pour en savoir plus, voir l'article Empire ottoman.
5. La domination étrangère (1494-1789)
Le morcellement, la faiblesse politique tout autant que le prestige de la civilisation italienne attisent les ambitions autant que les conflits entre les pays européens qui se disputent l'Italie. Au cours des guerres d'Italie (1494-1559), la péninsule devient le champ de bataille où s'affrontent :
– Français d'un côté, de Charles VIII, qui se fait couronner roi de Naples en 1495, à François Ier qui reconquiert un temps le duché de Milan (victoire de Marignan, 1515 ; défaite de Pavie, 1525),
– Espagnols et « Impériaux » de l'autre, sous l'autorité de Maxilimien Ier de Habsbourg, puis Charles Quint et Philippe II d'Espagne.
Après la paix du Cateau-Cambrésis (1559), la France ne parvient plus à contester la domination espagnole, qui dure plus d'un siècle.
Pour en savoir plus, voir l'article guerres d'Italie.
En dépit des guerres, l'Italie, au début du xvie s., continue d'être le foyer d'une intense activité artistique (Michel-Ange) et intellectuelle (Machiavel).
5.1. Sous la domination espagnole (1559-1713)
Les Habsbourg d'Espagne sont présents directement en Sicile, à Naples, en Sardaigne et à Milan et exercent leur influence sur les États pontificaux, Lucques en Toscane et sur la République de Gênes. Seuls échappent à cette domination Venise, en déclin, et le duché de Savoie, qui, sous la direction d'Emmanuel Philibert, amorce son expansion et centralise ses institutions.
→ États de la maison de Savoie.
L'influence de la France est plus importante au siècle de Louis XIV, les princes italiens cherchant à secouer la tutelle étroite de l'Espagne. Turin, capitale des ducs de Savoie, est alors dans l'orbite de Versailles, mais Victor-Amédée II se rebelle et entre en guerre contre la France en 1690 une première fois, puis en 1703.
Dans l'ensemble, l'Italie surmonte difficilement la crise européenne de la fin du xvie s. Les grandes découvertes ont amené un changement des voies commerciales, ce qui a conduit au déclin de Venise et de Gênes, tandis que Florence a perdu son premier rôle en Europe comme place bancaire. La Lombardie, lourdement taxée, souffre particulièrement de la présence espagnole. La vie sociale se replie sur elle-même, la population italienne chute de 12 millions, vers 1500, à 11,5 millions en 1700 alors que le pays est touché par deux terribles épidémies de peste (1630 et 1656).
Le pouvoir espagnol provoque également une régression sur le plan culturel ; un coup d'arrêt est donné à la Renaissance par le rétablissement de l'Inquisition et le triomphe de la Contre-Réforme. Les lourds impôts et la misère provoquent des révoltes comme celle qui est dirigée par Masaniello à Naples (1647) ou celle de la ville de Messine, en Sicile (1674-1678).
5.2. Sous la domination autrichienne (1713-1792)
L'Italie, enjeu de la lutte entre les Bourbons et les Habsbourg
La monarchie espagnole, affaiblie à la mort de Charles II, perd ses possessions italiennes au cours de la guerre de la Succession d'Espagne (1701-1713). Les traités d'Utrecht et de Rastatt attribuent à l'empereur Charles VI de Habsbourg le Milanais, Naples, la Sardaigne et Mantoue. Le duc de Savoie reçoit la Sicile (avec le titre royal), qui sera échangée en 1718-1720 contre la Sardaigne.
Jusqu'en 1748, l'Italie est concernée par les derniers épisodes de la lutte entre les Bourbons et les Habsbourg. Après le mariage de Philippe V d'Espagne (petit-fils de Louis XIV et fondateur de la dynastie espagnole des Bourbons) avec la Parmesane Élisabeth Farnèse, l'Espagne tente de réviser le traité d'Utrecht. Le fils aîné d'Élisabeth, le futur Charles III d'Espagne, obtient la succession de Parme, Plaisance et Naples. Mais l'Espagne est trop faible pour pouvoir intervenir dans ses nouvelles possessions. Si la Savoie pour sa part parvient à accroître ses territoires aux dépens du Milanais, les Autrichiens renforcent leur domination. À l'extinction des Médicis, la Toscane est ainsi attribuée à l'époux de Marie-Thérèse de Habsbourg (fille de l'empereur Charles VI), François III de Lorraine, qui la fait passer sous l'influence de l'Autriche (branche des Habsbourg-Lorraine).
Un désir de réformes « éclairées »
Le xviiie s. italien est cependant une période de calme relatif, où la politique intérieure des États passe au premier plan. Un éveil national se prépare, notamment par l'introduction de réformes par des princes « éclairés ».
La maison de Savoie est à la tête de ce mouvement, qui est cependant abandonné par Charles-Emmanuel III, faisant du Piémont un « État caserne ». Des réformes sont également réalisées en Toscane et dans le Milanais. À Naples, Tanucci, ministre de Charles VII de Bourbon et de son fils Ferdinand IV, est également un représentant du despotisme éclairé. Les grands propriétaires fonciers, bourgeoisie du Centre et du Nord et aristocratie latifundiaire du Mezzogiorno, développent leur puissance, marquant ainsi les limites des réformes.
Le désir de changement ressenti par une élite libérale est exprimé par le poète Vittorio Alfieri. Ainsi se fait jour l'idée de risorgimento (renaissance) – renouveau politique et culturel porté par le siècle des Lumières, et qui voit en Italie apparaître de grands créateurs : Goldoni pour le théâtre, Scarlatti, Pergolèse, Cimarosa pour la musique, et Canaletto, Tiepolo et Guardi pour la peinture.
6. Le Risorgimento et l'unité (1789-1861)
6.1. L'Italie et la Révolution française
La Révolution française est bien accueillie en Italie par une minorité intellectuelle et provoque des troubles dans plusieurs villes, puis une réaction des classes dirigeantes.
En Toscane, Buonarroti tente d'organiser une agitation révolutionnaire, mais il est arrêté et exilé. À Naples, une société patriotique est constituée. En 1791, la Constituante – assemblée politique qui, de fait, dirige alors la France en pleine Révolution – annexe l'enclave pontificale du Comtat Venaissin. Et, en 1792, la Savoie et le comté de Nice sont envahis et rattachés à la France. En 1793, la Sardaigne, Naples et les petits États italiens rentrent dans la coalition contre la France, tandis que la répression s'abat sur les « jacobins » italiens. Dès 1794, les Français occupent une partie de la Riviera de Gênes.
6.2. Bonaparte et les campagnes d'Italie (1796-1799)
En mars 1796, le général Bonaparte est nommé par le Directoire au commandement de l'armée d'Italie et se lance immédiatement dans plusieurs campagnes victorieuses.
Battu, le roi de Sardaigne se retire de la coalition (avril 1796), et la Lombardie est occupée. De septembre 1796 à janvier 1797, une série de batailles autour de Mantoue oblige l'armée autrichienne à se retirer d'Italie. L'Autriche doit accepter un armistice (Leoben, avril 1797).
Le Directoire, enlevant à l'empereur les Pays-Bas et la rive gauche du Rhin, compte lui restituer la Lombardie, mais Bonaparte tient à sa conquête, qu'il a organisée en une République Cisalpine en juin 1797. Pour désintéresser l'Autriche, il livre la majeure partie du territoire de la République vénitienne aux Habsbourg, puis instaure également une République ligurienne à Gênes avec l'aide de patriotes italiens. La République Cispadane, formée par Reggio, Modène et Bologne, est réunie en juillet 1797 à la République Cisalpine. Le 18 octobre, l'Autriche signe le traité de Campoformio, qui confirme les annexions de Bonaparte et laisse aux Habsbourg la Vénétie.
Dans toute l'Italie, l'Ancien Régime s'effondre et la féodalité est abolie. En février 1798, les Français, qui occupent Rome, proclament la République romaine et, le 23 janvier 1799, la République parthénopéenne sur les États continentaux du roi de Naples, qui se réfugie en Sicile. En décembre, le Piémont est annexé à la France après référendum.
Mais l'Italie jacobine s'effondre devant l'offensive austro-russe de mars à août 1799, marquant les débuts d'une sévère réaction.
6.3. L'Italie napoléonienne (1800-1814)
De retour d'Égypte, Bonaparte, devenu Premier consul, redresse la situation grâce à une campagne de reconquête marquée par la victoire de Marengo sur les Autrichiens (14 juin 1800).
La France récupère le Piémont, la Ligurie et la Lombardie. En Italie centrale, les Napolitains sont battus. Le 9 février 1801, l'Autriche doit conclure le traité de Lunéville, qui replace l'Italie dans l'orbite de la France. Bonaparte rétablit la République Cisalpine dans le Nord.
L'évolution des institutions italiennes suit alors les changements affectant la politique française de Bonaparte. En janvier 1802, la République Cisalpine est transformée en République italienne avec, comme président, Bonaparte. En 1805, la République italienne devient le royaume d'Italie, dont Napoléon, devenu empereur, ceint la couronne et que dirige son beau-père Eugène de Beauharnais comme vice-roi. Après Austerlitz (1805), le royaume est agrandi avec l'annexion de la Vénétie.
Les Provinces Illyriennes passent sous la dépendance directe de l'Empereur, et Gênes est annexée à la France. Le royaume de Naples, après une facile occupation, est attribué au frère de Napoléon, Joseph Bonaparte (1806), puis à son ancien aide de camp, Murat (1808). L'Étrurie, qui redevient le grand-duché de Toscane, est donnée à Élisa Bonaparte (1809).
Le pape Pie VII, qui a pu se réinstaller à Rome après la bataille de Marengo, a signé, en juillet 1801, un concordat avec Napoléon, mettant un terme aux luttes religieuses de la péninsule. Mais son refus d'appliquer le Blocus continental contre la Grande-Bretagne amène Napoléon à annexer Rome ; Pie VII est exilé à Savone (1809). Seules échappent au contrôle français la Sardaigne et la Sicile.
Napoléon peut poursuivre désormais sans entraves sa politique d'unification et de réformes : abolition du régime féodal et du servage, vente des biens de l'Église et introduction d'un Code civil. L'Italie du Nord et du Centre est divisée en départements. La mise en valeur économique de la péninsule est également stimulée. Mais le Blocus continental a amené la fermeture du continent au commerce anglais, principal fournisseur de l'Italie d'avant 1796.
En 1814, la chute de Napoléon entraîne l'effondrement du régime français en Italie. Eugène de Beauharnais doit se retirer et Murat, qui s'était joint aux Alliés, en 1813, doit abdiquer après Waterloo. À la suite d'une tentative de débarquement dans son ancien royaume, Murat est fusillé et le royaume de Naples est rendu à l'Espagnol Ferdinand de Bourbon.
Pour en savoir plus, voir l'article Napoléon Ier.
6.4. La Restauration et l'échec des révolutions romantiques (1815-1831)
À la chute de Napoléon, le congrès de Vienne (1814-1815) consacre la réorganisation de l'Europe et des anciennes monarchies, effectuée au profit en fait de l'Autriche, pour qui, selon son représentant le chancelier Metternich, « l'Italie n'est qu'une simple expression géographique ». L'Autriche gouverne directement le Royaume lombard-vénitien et, par l'intermédiaire de ses princes, la Toscane, Modène et Parme. Trois États sont indépendants, mais la présence de Vienne se fait sentir : royaume des Deux-Siciles reconstitué en 1816, États du Saint-Siège et royaume de Piémont-Sardaigne. Le Trentin, l'Istrie, Trieste et la Vénétie Julienne sont annexés par l'Autriche.
Cependant, malgré la présence de l'armée et de la police autrichiennes dans de nombreux États italiens, une opposition libérale composée de bourgeois et d'anciens officiers, souvent affiliés à la franc-maçonnerie ou au carbonarisme, se constitue en développant un idéal romantique de renouveau (→ Risorgimento). Sans organisation précise, cette opposition provoque des conspirations ou des séditions militaires vite réprimées. Malgré le conservatisme étroit de Victor-Emmanuel Ier, le Piémont devient très rapidement le foyer du libéralisme italien.
En 1820, à l'instigation des carbonari, une révolution libérale éclate à Naples, où le roi Ferdinand Ier des Deux-Siciles a supprimé la Constitution de 1812. En Sicile, des soulèvements populaires se produisent. Metternich réunit à Laibach (aujourd'hui Ljubljana), en janvier 1821, un congrès qui décide d'envoyer à Naples une armée autrichienne. Vainqueurs faciles des libéraux, les Autrichiens rentrent à Naples le 21 mars.
Le 10 mars, une insurrection analogue se déroule au Piémont, d'abord dans la garnison d'Alexandrie, puis à Turin. Victor-Emmanuel Ier abdique en faveur de son frère Charles-Félix et confie la régence à Charles-Albert, qui fait appel aux Autrichiens. Le 8 avril, les insurgés sont écrasés.
La répression s'abat alors sur toute l'Italie, principalement à Modène et en Lombardie ; des milliers de libéraux sont obligés de s'exiler, tandis que l'armée, l'administration et le clergé sont épurés. À Naples, la situation économique devient difficile, en raison de la présence des Autrichiens, qui se prolonge jusqu'en 1827.
La révolution de juillet 1830 en France et la mort du pape Pie VIII provoquent par contrecoup l'insurrection de la Romagne, des Marches, d'une partie de l'Ombrie ; il en est de même à Modène et à Parme, que doivent fuir leurs souverains le duc François IV et la duchesse Marie-Louise. Le 26 février 1831, des représentants des provinces de l'État pontifical qui se sont insurgées constituent ces provinces en fédération. Mais le mouvement est vite réprimé, les Autrichiens font rentrer le 9 mars le duc de Modène et le 13 prennent Parme. En Romagne, le gouvernement provisoire constitué doit capituler après l'entrée des troupes autrichiennes.
6.5. Le mouvement national
L'échec de la révolution de 1831 sanctionne la faillite du carbonarisme, qui ne fait plus que survivre en Romagne et dans les Marches. Ce courant est remplacé par une société secrète, Jeune-Italie, créée par Giuseppe Mazzini, qui lui donne un programme et un but précis : l'unité italienne.
Mazzini compte sur Charles-Albert, roi de Sardaigne (auquel est uni le Piémont) pour faire triompher son idéal d'indépendance. Mais aucun acte du nouveau souverain ne répond à cette attente. En 1833, après la découverte des activités révolutionnaires par l'armée et douze exécutions à mort, Mazzini et ses partisans organisent une insurrection en Savoie, qui échoue en février 1834.
À la tendance révolutionnaire de Jeune-Italie succède une doctrine plus réformiste, le néoguelfisme, développée par Vincenzo Gioberti en 1843. Elle préconise la création d'une fédération italienne sous la direction du souverain pontife. En 1846, un nouveau pape, Pie IX, de renommée libérale, succède au conservateur Grégoire XVI. Il entreprend des réformes qui le rendent très populaire. Charles-Albert évolue vers le libéralisme. De nombreux patriotes se rallient à la solution proposée par Massimo d'Azeglio d'un regroupement autour du Piémont.
6.6. La révolution de 1848
La crise économique de 1846-1847 provoque une agitation populaire et libérale. Durement réprimée par Ferdinand II à Naples, elle incite le grand-duc Léopold de Toscane à faire des concessions, et Charles-Albert à ébaucher une union douanière entre Turin, Florence et Rome. Dès janvier 1848, une sanglante émeute anti-autrichienne éclate à Milan. En Sicile, Palerme se soulève contre Ferdinand, qui doit accorder une Constitution le 10 février, après des manifestations à Naples. Dans ce climat, la révolution parisienne de février 1848 et celle de Vienne en mars déclenchent en Italie une véritable révolution nationale.
En mars, les insurrections de Milan et de Venise obligent les troupes autrichiennes à se retirer dans les quatre places fortes, le « quadrilatère » (Mantoue, Peschiera, Legnago et Vérone). À Venise, un gouvernement provisoire est constitué sous la présidence de Daniele Manin, ainsi qu'à Parme, Modène, Reggio et Plaisance.
Au Piémont, le roi, après de longs atermoiements et sous la pression des libéraux, accorde un statut constitutionnel calqué sur la charte française de 1830, tandis qu'à Rome Pie IX introduit des laïques dans son ministère. Le 24 mars, Charles-Albert, répondant à l'appel des Lombards, annonce la guerre de libération par les Italiens (« Italia farà da se »). L'armée piémontaise, renforcée de volontaires d'autres États, pénètre en Lombardie.
Mais Charles-Albert se trouve rapidement isolé en l'absence de l'aide escomptée de la France, des hésitations du pape, puis du retrait d'une partie des troupes napolitaines. Le général autrichien Radetzky peut reprendre l'offensive et écrase, le 29 mai, les volontaires toscans, puis Charles-Albert à Custoza (23-25 juillet). Milan doit capituler (5 août) et, le 9 août, est signé un armistice qui engage le Piémont à abandonner les duchés et Venise.
La révolution italienne se prolonge, mais dans une situation confuse. À Rome, le pape appelle au ministère un libéral, Pellegrino Rossi, qui est assassiné le 15 novembre 1848. Le pape se réfugie alors en territoire napolitain, d'où il publie un décret annulant tous les actes accomplis à Rome depuis le 16 novembre. Le 9 février 1849, une assemblée proclame la république romaine sous la direction d'Armellini, Saffi et Mazzini et prononce la déchéance du pape. En Toscane, le grand-duc doit s'enfuir. Au Piémont, Charles-Albert appelle comme ministre Urbano Ratazzi, favorable à la reprise des hostilités contre l'Autriche. En mars 1849, Charles-Albert entre en campagne, mais son armée est écrasée le 23 mars à Novare. Il abdique alors en faveur de son fils, Victor-Emmanuel II.
La plupart des villes lombardes déposent les armes, et, dans toute la péninsule, l'ordre ancien est rétabli. Le grand-duc de Toscane rentre dans ses États, précédé par les troupes autrichiennes. Dans le royaume des Deux-Siciles, Ferdinand réoccupe la Sicile. Le 22 août 1849, Venise doit capituler ; à Rome, l'armée française du général Oudinot occupe la ville en juillet, et le gouvernement pontifical est rétabli.
Pour en savoir plus, voir l'article révolutions européennes de 1848.
6.7. La naissance du royaume d'Italie (1849-1861)
Cavour et le jeu de Napoléon III
La réaction triomphe partout, mais le Piémont-Sardaigne s'affirme comme le seul État capable de cristalliser les aspirations des Italiens. Victor-Emmanuel II appelle pour présider son premier gouvernement Massimo d'Azeglio et s'engage à rester fidèle à la monarchie constitutionnelle. L'arrivée de Cavour comme président du Conseil, en novembre 1852, prouve que le Piémont s'engage dans une voie nouvelle, qui rallie les milieux d'affaires italiens. La participation du Piémont à la guerre de Crimée permet à Cavour de poser lors du congrès de Paris (1856) la question de l'Italie devant l'Europe. L'Autriche reste l'obstacle essentiel à l'unité et, pour la battre, le Piémont a besoin d'une aide étrangère.
Après l'entrevue de Plombières (1858), Napoléon III s'engage à intervenir en faveur de l'unité italienne ; en échange, le Piémont lui cédera Nice et la Savoie.
La campagne d'Italie de 1859 tourne court, et l'empereur français signe le 12 juillet, à l'insu de Cavour, les préliminaires de Villafranca di Verona avec François-Joseph, qui ne cède au Piémont que la Lombardie.
Cavour, déçu, démissionne et encourage les mouvements révolutionnaires en Italie centrale, où se forment des gouvernements provisoires. La Toscane, Modène et Parme votent leur annexion au Piémont après avoir renversé leurs souverains. En janvier 1860, Cavour revient au pouvoir et obtient l'autorisation de la France de procéder aux annexions d'Italie centrale. Au traité de Turin (mars 1860), la France reçoit Nice et la Savoie.
Garibaldi et Victor Emmanuel II
L'expédition des Mille, organisée par Giuseppe Garibaldi avec l'aide occulte de Cavour, permet aux volontaires sardes (les Chemises rouges) d'occuper la Sicile (mai-juillet 1860), puis de rentrer à Naples le 7 septembre 1860, d'où le roi François II s'enfuit. Le 26 octobre, dans les environs de Teano (Campanie), Garibaldi rencontre Victor-Emmanuel auquel il fait allégeance : avec ses troupes, Victor-Emmanuel est allé à ses devants pour l'empêcher de poursuivre son expédition vers Rome. Des plébiscites sanctionnent le rattachement des Deux-Siciles, des Marches et de l'Ombrie au royaume de Piémont-Sardaigne.
Après la reddition de Gaète (13 février 1861), dans le Latium, dernier refuge de François II, le premier Parlement italien se réunit à Turin et confère à Victor-Emmanuel et à ses successeurs le titre de roi d'Italie (17 mars 1861). Il reste à compléter l'unité par l'acquisition de Venise et de Rome, où le pape, sous la protection des troupes françaises, demeure maître.
7. La formation de l'État libéral (1861-1922)
À la mort de Cavour, le 6 juin 1861, ses successeurs de la droite historique (Ricasoli, Minghetti, La Marmora, Farini, Lanza, Sella) poursuivent sa politique et opèrent la centralisation du royaume au profit du Piémont. Le droit de vote n'est alors accordé qu'à 900 000 électeurs sur une population de 22 millions d'habitants. Pour parvenir à équilibrer leurs budgets, les gouvernements instaurent une lourde fiscalité. L'Italie, dans de nombreux secteurs économiques, reste largement tributaire de l'étranger, et l'opposition traditionnelle entre le Nord et le Sud s'accroît.
La participation des Italiens à la guerre contre l'Autriche leur permet d'annexer la Vénétie après que les Prussiens ont défait les Autrichiens à Sadowa (1866). [→ guerre austro-prussienne.]
À la suite du départ des Français, lors de la chute du second Empire, le général Cadorna prend Rome (20 septembre 1870). Un plébiscite ratifie cette nouvelle annexion, mais le pape refuse la loi destinée à garantir les droits de la papauté (→ loi des Garanties). Cependant, Rome est proclamée capitale du royaume. Seules les provinces irredente (non délivrées ou non rachetées), Trente et Trieste, restent encore sous domination autrichienne.
7.1. La gauche au pouvoir
La droite au pouvoir depuis 1870 se rend impopulaire, notamment par sa lutte anticléricale et sa politique fiscale. Elle est battue aux élections de 1876, et la gauche, où dominent partisans de Mazzini et de Garibaldi, arrive au pouvoir.
Combinaisons politiques et réformes
En 1878, Victor-Emmanuel II et le pape Pie IX meurent et sont remplacés par Humbert Ier et Léon XIII. Agostino Depretis, chef du gouvernement presque sans interruption de 1876 à 1887, pratique une politique dite de « transformismo », consistant à faire des ministères une combinaison de coteries et à transformer les partis en groupes de défense de l'ordre établi pour créer des majorités issues de tout bord.
D'importantes réformes sont cependant réalisées : l'instruction primaire est rendue obligatoire (1879) et le cens électoral est abaissé, portant le nombre d'électeurs à plus de deux millions.
Fin de l'alliance avec la France
À l'extérieur, la gauche abandonne l'alliance traditionnelle avec la France et, après l'établissement du protectorat français sur la Tunisie (1881), Humbert Ier conclut un accord (la Triplice) avec l'Autriche et l'Allemagne (mai 1882). Puis, en 1886, l'Italie dénonce le traité de commerce avec la France. Dès 1882, l'Italie oriente son expansion vers l'Afrique orientale, mais la tentative de pénétration en Éthiopie échoue en 1887. Cette politique est reprise par Francesco Crispi, qui gouverne de 1887 à 1891, puis de 1893 à 1896.
Pour en savoir plus, voir l'article Empire colonial italien.
Misère et révoltes
La guerre douanière avec la France aggrave la misère paysanne dans le Sud et provoque des révoltes en Sicile (1893-1894) et des émeutes à Milan (1898), entraînant une dure répression contre les anarchistes et les socialistes qui créent leur parti en 1895. L'action des catholiques est, quant à elle, encore très limitée par l'interdiction de participer à la vie politique ordonnée par le Vatican (Non expedit, 1868). Le 29 juillet 1900, Humbert Ier est assassiné par un anarchiste.
7.2. L'« ère » Giolitti (1900-1915)
Après l'avènement de Victor-Emmanuel III, l'Italie retrouve son équilibre sous l'autorité pratiquement incontestée de Giovanni Giolitti pendant 14 ans. Au cours de cette période, l'économie italienne, en dépit de crises périodiques (1902, 1907), connaît une phase de prospérité. L'industrie se concentre avec le développement de nouveaux secteurs (sidérurgie, mécanique, textile, chimie) et l'électrification partielle du pays. L'agriculture se modernise avec l'introduction de la culture intensive et de productions plus spécialisées. Giolitti parvient à redresser la situation financière du royaume en rétablissant la confiance dans la lire et à dégager des excédents budgétaires. Cependant, la fermeté de la lire entraîne une forte hausse des prix à la consommation, et une agitation ouvrière se développe jusqu'à l'échec de la grève générale de 1904.
Le gouvernement se lance également dans une politique de réformes en développant la législation sociale, en adoptant un statut pour les fonctionnaires (1908) et surtout en introduisant le suffrage quasi universel masculin : le droit de vote est octroyé à tous les citoyens à partir de 21 ans sachant lire et écrire ainsi qu'aux analphabètes à partir de 30 ans ou ayant accompli leur service militaire (1912).
Favorisée par l'apparition d'un courant nationaliste, l'expansion coloniale est reprise. Giolitti se rapproche de la France, se détachant ainsi peu à peu de la Triplice, pourtant renouvelée en 1902. Ayant reconnu les droits de la France sur le Maroc, Giolitti engage, en 1911, la guerre avec la Turquie (→ guerre italo-turque). Cela lui permet d'annexer en Libye la Tripolitaine et la Cyrénaïque et d'occuper les îles du Dodécanèse en 1912.
Le 29 mars 1914, Giolitti se retire, et le libéral Antonio Salandra, qui lui succède, doit faire face à une grave crise intérieure (grève des chemins de fer et agitation en Romagne) et internationale.
7.3. La Première Guerre mondiale et la victoire mutilée
Dès le 27 juillet 1914, l'Italie se déclare neutre, mais les débats entre partisans de l'intervention contre les Empires centraux (Allemagne, Autriche-Hongrie, royaume de Bulgarie et Empire ottoman) et les neutralistes sont de plus en plus vifs. Le 26 avril 1915, un traité secret est conclu avec la Triple-Entente (France, Grande-Bretagne et Russie), et le 23 mai, l'Italie déclare la guerre à l'Autriche, puis le 27 août 1916 à l'Allemagne, avec l'espoir d'obtenir le Trentin, Trieste et des avantages territoriaux sur l'Adriatique et outre-mer.
Mal préparée, l'Italie mène une guerre essentiellement anti-autrichienne sans véritable liaison avec ses alliés. En juin 1915, un ministère d'union nationale avec la participation des socialistes est constitué (Boselli, 1916-1917, puis Orlando, 1917-1918). La guerre dans les Alpes s'enterre rapidement et, le 24 octobre 1917, les lignes italiennes sont enfoncées à Caporetto par les Austro-Allemands. Le nouveau généralissime italien, Armando Diaz, renforce le front avec l'aide des alliés et parvient à déclencher une offensive qui aboutit, le 4 novembre 1918, à l'armistice italo-autrichien. (→ front d'Italie)
À la conférence de la paix (1919), Orlando se heurte au président américain T. W. Wilson, qui, au nom du principe des nationalités, défend les revendications des Slaves du Sud. Au traité de Saint-Germain-en-Laye (10 septembre 1919), l'Italie reçoit le Trentin, le Haut-Adige jusqu'au col du Brenner et, au traité de Rapallo avec la Yougoslavie (12 novembre 1920), Trieste, l'Istrie, la ville dalmate de Zara (aujourd'hui Zadar) et jusqu'au Monte Nevoso, contreforts alpestres peuplés de Slaves.
Cependant, malgré le coup de force de D'Annunzio et de ses arditi (12 septembre 1919), Fiume (aujourd'hui Rijeka) est érigée en ville libre, et Rome doit en expulser ses occupants (fin décembre 1920). De plus, la côte dalmate, jadis vénitienne, et les possessions allemandes ou turques d'outre-mer échappent à l'Italie.
Les Italiens déçus expriment leur rancœur à l'égard des Alliés, les nationalistes dénoncent alors la « victoire mutilée ». La guerre, qui s'achève par une grave crise socio-économique, a coûté à l'Italie quelque 500 000 morts et un million de blessés.
Pour en savoir plus, voir l'article Première Guerre mondiale.
8. De Mussolini à la fin de la Seconde Guerre mondiale
8. 1. La crise de l'après-guerre
Face aux grèves qui se multiplient, les anciens partis politiques italiens sont rapidement dépassés. Le 23 mars 1919, un ancien instituteur devenu journaliste militant socialiste, Benito Mussolini, fonde à Milan un groupement fasciste, les Faisceaux de combat, connus sous le nom de Chemises noires. Aux élections de novembre 1919, le parti socialiste italien – dont certains membres se sont affiliés à l'Internationale communiste – obtient 156 sièges. Mais de son côté, le parti populaire (démocrate-chrétien), fondé par don Luigi Sturzo, est représenté par 99 députés, cette bipolarisation rendant le pays ingouvernable.
En 1921, au congrès de Livourne, Antonio Gramsci et Palmiro Togliatti fondent le parti communiste italien (PCI). L'opposition des socialistes, d'une part, et de la droite nationaliste et conservatrice, de l'autre, ne permet pas aux ministères modérés qui se succèdent de faire face à la crise : Nitti (1919-1920), Giolitti (1920-1921), Bonomi (1921-février 1922), Facta (février-octobre 1922).
Devant les occupations d'usines et la progression des communistes, les grands propriétaires et les industriels accordent des aides financières au mouvement fasciste qui reçoit par ailleurs le soutien des classes moyennes en formation, menacées également par la mobilisation ouvrière dans les campagnes et dans les villes.
Aux élections de 1921, 25 fascistes, dont Mussolini, sont élus au Parlement, et, lors de la grève générale de 1922, les fascistes lancent une série d'actions violentes qui brisent le mouvement. En octobre 1922, Mussolini peut organiser la « marche sur Rome » sans être inquiété par une éventuelle répression militaire, et il est chargé par Victor-Emmanuel III de former un gouvernement.
8.2. La dictature fasciste (1922-1943)
Après deux années à réduire l'opposition, le Premier Ministre Mussolini instaure, à partir de 1925, une dictature qui durera jusqu'en 1943.
Au plan intérieur
Aux élections de 1929, la Chambre ne compte plus que des députés favorables au nouveau régime. De nombreux opposants émigrent à l'étranger. La presse est muselée, les grèves sont interdites.
S’appuyant sur un parti unique (PNF, créé en 1921), sur le culte du chef et l’exaltation nationaliste et corporatiste, le Duce (le « Guide ») met en place un pouvoir qui a l’ambition de transformer le pays et la vie quotidienne des Italiens. L’ensemble de la société est encadrée dans toutes ses activités, au travail aussi bien dans ses loisirs. Le sport comme le cinéma et les rassemblements de masse sont des outils de propagande dans la bataille idéologique pour promouvoir l’ « homme nouveau ». Toute la jeunesse italienne est embrigadée dès l’âge de 6 ans dans des formations de type militaire – « Croire, obéir, combattre » est la devise des jeunes fascistes. L’État encourage les familles nombreuses par des aides publiques, tandis qu’il interdit l'émigration. De 1929 à 1945, le pays voit sa population passer de 38 millions à 45 millions d'habitants.
L’architecture (« le plus grands de tous les arts », selon Mussolini) conforte l’image d’un pouvoir tout-puissant : mise en valeur de vestiges antiques à Rome, construction de monuments au style « musclé » qui se veut un retour aux sources de l'Empire romain (quartier de l'Exposition universelle prévue pour 1942).
Cette politique dirigiste se traduit également par un effort particulier en matière de grands travaux (autoroutes, « bataille du blé », assèchement des zones marécageuses transformées en terres agricoles) qui suscitent l’adhésion de la population.
Pour en savoir plus, voir l'article fascisme.
Au plan extérieur
Le pouvoir fasciste parvient à régler la question du différend entre l’Église et l’État (→ accords du Latran, 1929) et mène une politique de prestige (annexion de Fiume). De 1922 à 1926, Mussolini rassure les puissances européennes en reconnaissant l'URSS et en participant à la Société des nations (SDN).
La montée des ambitions nazies amène l'Italie à se rapprocher des démocraties (7 juin 1933, signature du Pacte à Quatre), et, après l'assassinat du chancelier autrichien Engelbert Dollfuss (1934), l'armée italienne est même mobilisée. Mais Mussolini finit par s'incliner devant la politique d'Anschluss (rattachement de l'Autriche à Allemagne effective en 1938) et s'engage dans la guerre d'Éthiopie en octobre 1935, une intervention condamnée par la SDN, que l'Italie décide de quitter.
En décembre 1937, après s'être alliée avec Adolf Hitler (axe Rome-Berlin, 1er novembre 1936), l'Italie de Mussolini apporte son soutien militaire à Francisco Franco en Espagne et adhère au pacte Antikomintern (6 novembre 1937). Elle occupe l'Albanie le 7 avril 1939 et, devant la réaction des démocraties, elle signe avec l'Allemagne nazie le pacte d'Acier (ou traité de Berlin), le 22 mai.
8.3. La guerre et la fin du fascisme
L'Italie n'entre en guerre cependant contre la France que le 10 juin 1940. L'opération italienne contre la Grèce échoue en 1940. En Russie, après la bataille de Stalingrad (sept. 1942 - fév. 1943), les contingents italiens effectuent une retraite vers la Roumanie. En juillet 1943, l'armée italienne est incapable de résister au débarquement anglo-américain en Sicile.
Mis en minorité au Grand Conseil fasciste (24-25 juillet 1943), Mussolini est arrêté sur ordre du roi Victor-Emmanuel III, et un gouvernement dirigé par le maréchal Pietro Badoglio signe un armistice avec les Alliés. Mais les Allemands résistent et le roi doit quitter Rome avec ses ministres. Mussolini, libéré par les Allemands (12 septembre 1943), proclame à Salò (lac de Garde) la République sociale italienne, satellite de l'Allemagne qui se livre à une sanglante répression contre la Résistance.
La progression des Alliés vers le nord est difficile : Naples tombe le 1er octobre 1943 et Rome le 4 juin 1944 seulement. Le 5 juin, le roi confie la lieutenance générale du royaume à son fils Humbert II, et le Comité de libération nationale, présidé par le socialiste Ivanoe Bonomi, forme alors un ministère (18 juin-10 décembre 1944) avec les chefs des six partis (libéral, démocrate-chrétien, Démocratie du travail, d'Action, socialiste et communiste).
La « ligne gothique » – ligne de défense établie par les Allemands entre Pise et Rimini –, qui coupe en deux le pays, est enfoncée par les Alliés en avril 1945, tandis que les partisans imposent aux Allemands une capitulation signée le 29 avril. La veille, Mussolini a été exécuté.
Pour en savoir plus, voir l'article Italie : vie politique depuis 1945.