Kairouan
en arabe al-Qayrawān
Ville de Tunisie, chef-lieu de gouvernorat, à l'O. de Sousse.
- Population : 139 070 hab. (recensement de 2014)
Centre artisanal (tapis), l'une des grandes cités saintes du Maghreb.
L'HISTOIRE DE KAIROUAN
Fondée par Uqba ibn Nafi (670), Kairouan était une base militaire qui permettait aux Arabes de surveiller les tribus berbères et de préparer leurs expéditions à travers l'Afrique du Nord, à l'abri des attaques des garnisons byzantines de la côte. Capitale de l'Ifriqiya, Kairouan brille d'un vif éclat à l'époque des Aghlabides (800-909) et est un centre culturel et commercial important. Les Fatimides, qui ont succédé aux Aghlabides, l'abandonnent en 947 pour al-Mahdiyya, puis le calife Ismaïl fonde à proximité al-Mansuriyya, qui concurrence Kairouan. Tombée définitivement en décadence à partir de l'invasion des Banu Hilal (1057), Kairouan est presque déserte au xive s. Husayn ibn Ali, fondateur de la dynastie husaynite, restaure la forteresse et de nombreuses mosquées (1re moitié du xviie s.). Détruite en 1740, la ville est reconstruite peu après et redevient une cité active du beylicat de Tunis.
L'ART À KAIROUAN
C'est autour de la Grande Mosquée que s'est développée la ville de Kairouan, fondée dès 670, mais devenue capitale intellectuelle et artistique sous les Aghlabides (800-909). Ceux-ci y firent édifier, outre des bâtiments religieux, de nombreux palais dont le souvenir n'est pas perdu et ils aménagèrent un système d'adduction d'eau dont la citerne qui porte encore leur nom demeure un précieux témoignage.
Bien que construite une première fois au début du viiie s. et refaite en 772. La Grande Mosquée de Sidi Uqba est essentiellement une œuvre arhlabide. Elle couvre une aire de 135 x 80 m à l'aspect de rectangle déformé, et comprend deux parties : une salle de prière dont la nef centrale, perpendiculaire au mur du fond et plus haute que les seize nefs qui l'encadrent, est surmontée de deux petites coupoles à côtes, situées respectivement sur le porche et devant le mihrab ; une grande cour bordée de portiques à deux nefs, aux arcs brisés légèrement outrepassés que soutiennent des colonnes de granite, de marbres divers et de porphyre. Sur l'un des côtés, le portique forme la façade majestueuse et savante de la salle, close par des portes de bois joliment travaillées. Sur le mur du côté nord-nord-ouest, dans l'axe, le minaret comporte trois tours superposées que coiffe une coupolette. C'est le prototype certain de tous les minarets maghrébins et espagnols.
L'extérieur de l'édifice est d'une grande sévérité, mais ne manque pas de noblesse malgré les contreforts parfois maladroits qui épaulent les murs. L'ordonnancement de la cour, encore austère, est de toute beauté. La salle est un chef-d'œuvre. Si la plupart des supports, intérieurs et extérieurs, sont des pièces de remploi, provenant en particulier de Carthage, leur mise en place est magistrale, et l'aménagement de l'espace est une réussite égale aux réalisations les plus grandioses. Certes, le décor n'atteint pas à la somptuosité de celui des grands sanctuaires contemporains de Jérusalem, Damas ou Cordoue. Le mihrab, très profond, sorte d'abside atrophiée, n'en prend que plus de relief. Revêtu de plaques de marbre sculpté ou ajouré, il présente en outre les premiers échantillons de carreaux de faïence à reflets métalliques, importés de Bagdad, alternant avec des carreaux de fabrication locale.
Deux ouvrages de menuiserie constituent la plus célèbre parure de l'édifice. Le minbar en bois de teck, fait à Bagdad et sans doute le plus ancien qui soit conservé (fin du ixe s.), est une des plus belles réalisations de l'art islamique avec ses panneaux et ses rampants sculptés à jour de motifs géométriques et floraux. De qualité presque égale est la grande maqsura (clôture délimitant un espace privilégié), un peu plus récente (xie s.) : ses grilles en bois, ouvragées selon la technique du moucharabieh, ne sont pas toutes d'époque, mais le bâti est entièrement original. On y remarque une inscription coufique entremêlée de rinceaux du plus bel effet.
La mosquée du Barbier, ou mosquée du Sidi Sahib, fondée aussi peu après la conquête et lieu de sépulture de ce compagnon du Prophète, est devenue au cours des siècles un vaste complexe de bâtiments divers, une zawiya, et peut-être l'une des plus achevées de toutes celles du Maghreb. Son décor offre, à côté de faïences anciennes, des plafonds à caissons peints, des stucs découpés, des poutres à stalactites et des vitraux dus en partie à des artistes des xviiie et xixe s. ; il est surtout exquis dans la cour qui précède la salle de prières. La mosquée aux Trois Portes (mosquée Thlatha Biyban) [866, restaurations au xve et au xvie s.] est un sanctuaire sans cour, à trois nefs et trois travées, délimitées par des arcs en fer à cheval soutenus par des colonnes antiques. Elle vaut surtout par sa façade très simple, à trois baies d'inégale hauteur, ornée d'un décor floral et épigraphique. On peut lui préférer celle des Sabres (Djami Amr Abbada), achevée vers 1871. Des très nombreuses zawiya, celle qui est connue sous le nom de madrasa Sidi Abid al-Rharyani (xive s.) est la plus élégante, mais son plan est peu clair.
Kairouan possède encore ses murailles en brique, mais, sous leur aspect actuel, elles datent du xviiie s. Autour de la ville, des cimetières montrent d'anciennes pierres tombales, parfois épigraphiées de façon magistrale.
Au xviie et au xviiie s., les architectes et les ouvriers européens, surtout italiens, interviennent dans les constructions. Cependant, à la fin du xviiie et au début du xixe s., de nombreuses réminiscences andalouses se font jour. Bien que décadent, l'art qui en résulte est souvent d'un grand charme.