Sforza
Célèbre famille, originaire de Cotignola en Romagne, qui donna une dynastie de ducs à Milan (1450-1535).
Les origines
La dynastie des Sforza est issue d’une famille aisée de Cotignola, en Romagne, les Attendolo ; elle porte un nom qui est en réalité le surnom du premier de ses membres connus, le condottiere Muzio (ou Giacomo) Attendolo (Cotignola 1369 - près de Pescara 1424), fils de Giovanni Attendolo et d’Elisa de Petraccini. Muzio Attendolo entre en 1384 au service du condottiere Boldrino da Panicale, et passe en 1388 à celui du plus célèbre condottiere italien de la fin du xive s., Alberico da Barbiano. S’étant, à son tour, constitué une troupe, il sert successivement Pérouse pendant deux ans, le duc de Milan Jean-Galéas Visconti, qui double son salaire, Florence contre Pise, qu’il assiège, le marquis de Ferrare, Nicolas III d’Este contre Ottobone III de Parme en 1408, enfin la papauté en 1409. Il est alors nommé avec Braccio da Montone commandant en chef des armées qui doivent écarter du trône de Naples Ladislas de Durazzo au profit de Louis II d’Anjou ; il occupe une partie des États de l’Église et, à Rome, le quartier Saint-Pierre en septembre 1409, et bat Ladislas à Roccasecca le 19 mai 1411. Il sert quelque temps ce dernier prince, puis se rend à Naples en 1414, où son ascension sociale trouve son couronnement. Après s’être uni hors mariage à Lucia Terziani da Marsciano, femme de bonne naissance qui lui donne sept enfants naturels, dont Francesco Sforza (né en 1401), il épouse en 1409 la sœur du seigneur de Cortona, Antonia Salimbeni, veuve depuis peu ; il obtient de l’antipape Jean XXIII la seigneurie de Cotignola en remerciement de ses services, puis se remarie à Catella, la sœur de l’amant de la reine Jeanne II, Pandolfello Alopo, qui, après l’avoir fait emprisonner, préfère l’associer à ses ambitions. Grand connétable du royaume de Naples en mars 1415, arrêté après l’exécution de son beau-frère le 1er octobre, il retrouve sa liberté et ses fonctions en novembre 1416, mais il entre alors en conflit avec le grand sénéchal Giovanni Caracciolo, qui l’envoie occuper Rome en 1417, puis combattre Braccio da Montone en 1419-20. Rallié à la cause de Louis II d’Anjou, il épouse en troisième noce sa veuve, se révolte contre Jeanne II et, depuis Aversa, entreprend le blocus de sa capitale, où s’établit Alphonse V d’Aragon à la demande de la reine. Mais, ayant rompu avec son protecteur, la souveraine se réfugie en 1423 auprès de Muzio Attendolo, qui se noie accidentellement le 4 janvier 1424 en traversant la Pescara pour aller combattre Braccio da Montone, qui assiégeait l’Aquila.
La fondation d’une dynastie (1424-1466)
Suggérée par son fils naturel François Ier (Francesco) [San Miniato 1401 - Milan 1466], la manœuvre au cours de laquelle Muzio trouve la mort se termine par la victoire complète du jeune condottiere, bien secondé par deux de ses parents : Michèle et Lorenzo Attendolo. François, qui hérite du remarquable instrument de combat que lui a légué son père, assiège Naples pour le compte de Jeanne II, puis entre au service du duc de Milan, Philippe-Marie Visconti. Il est d’abord vaincu à Maclodio en 1427 par le capitaine général de Venise, Carmagnola, puis il inflige un échec à ce dernier, qui est décapité le 5 mai 1432. Veuf depuis 1427 de Polissena Ruffo, comtesse de Montalto, qu’il avait épousée en 1416, il est fiancé en 1432 à Blanche-Marie, fille bâtarde du duc de Milan, en récompense de ses succès. En accord avec ce prince, il conquiert la Marche d’Ancône aux dépens du pape Eugène IV, qui, pour éviter un désastre total, doit le reconnaître en mars 1434 comme vicaire, gonfalonier de l’Église et chef des opérations contre Niccolò Fortebracci. Se rapprochant de Venise et de Florence, qui le sollicitent, nouant en 1435 dans cette dernière ville une solide amitié avec Cosme de Médicis, il combat à partir de 1436 les Milanais de Niccolò Piccinino. Vainqueur à Riva et à Vérone à la fin de 1439, maître de Brescia, il contraint Philippe-Marie à traiter avec ses adversaires ; surtout, il l’oblige à lui céder Crémone et la main de Blanche-Marie, qu’il épouse enfin en novembre 1441. Excommunié en vain par Eugène IV, désireux de le chasser de la Marche d’Ancône, il brise à Montolmo, en août 1444, l’armée de ses adversaires (pape, Milan et Alphonse V d’Aragon).
Il est dès lors nanti d’un vaste domaine, malheureusement difficile à défendre, car territorialement discontinu (Marche d’Ancône, fiefs dans le royaume de Naples, Crémone en Lombardie, et Pontremoli, en Toscane). Mis en difficulté dans la Marche par le condottiere pontifical Sigismondo Pandolfo Malatesta, menacé enfin par Philippe-Marie Visconti de perdre Crémone. Il restitue la Marche au nouveau pape Nicolas V et se consacre dès lors à la défense de ses biens milanais ; dans ce but, il se réconcilie avec son beau-père, dont il devient capitaine général. Après la mort de ce dernier, le 13 août 1447, il acquiert Pavie, puis se rapproche de Venise en octobre 1448, portant ainsi un coup mortel à la République ambrosienne. Entré dans Milan en février 1450, acclamé par le peuple, il reçoit le titre ducal dans la cathédrale de cette ville le 25 mars 1450.
Sa principauté est alors menacée d’encerclement à la suite de l’adhésion de la Savoie à l’alliance vénéto-aragonaise ; aussi François s’allie-t-il au roi de France Charles VII par le traité de Montil-les-Tours, signé le 21 février 1452. Mais, afin d’éviter un conflit, il réussit à imposer à Venise la signature de la paix de Lodi, qui, le 9 avril 1454, instaure en Italie un état d’équilibre, auquel se rallient Florence, Naples et le Saint-Siège et qu’il entend maintenir avec l’appui de Cosme de Médicis, à qui il est lié depuis 1435 et qu’il autorise à fonder à Milan en 1450 une filiale de sa maison.
Il n’hésite pas à soutenir la révolte de Gênes contre les forces franco-angevines du roi René en 1461 ; il obtient néanmoins l’alliance du dauphin Louis, qui, devenu roi, l’investit en décembre 1463 de la seigneurie de cette ville. Quand il succombe d’une crise d’apoplexie le 8 mars 1466, le duc de Milan lègue à son fils un État agrandi et mieux équipé (canale della Martesana unissant Côme à Milan en 1460), une capitale embellie (Ospedale Maggiore), où se retrouvent les érudits italiens et grecs, notamment ceux qui, tel Constantin Lascaris, fuient Constantinople.
Le temps des héritiers (1466-1535)
Galéas-Marie (Galeazzo Maria) [Fermo 1444 - Milan 1476], duc de Milan de 1466 à 1476, a été préparé à ses fonctions de chef d’État par de nombreuses missions, qui l’ont conduit de Florence, où il a été reçu, à Careggi en 1454 et en France, où il a commandé des troupes qui ont combattu pour Louis XI lors de la guerre de Bien public en 1465. Déclarant aussitôt qu’il prend Milan et son jeune duc sous sa protection, le roi de France marie celui-ci à sa belle-sœur Bonne de Savoie. Galéas-Marie relègue sa mère, Blanche-Marie Visconti, à Crémone, où elle meurt en octobre 1468 ; il se laisse gouverner par ses instincts luxurieux et cruels, laissant à son chancelier, Cicco Simonetta, le soin de continuer la politique d’équilibre de son père en Italie, tout en menaçant la Savoie dès 1468. Allié du pape Sixte IV, il marie en 1477 sa fille bâtarde Caterina (v. 1463-1509) à Girolamo Riario, neveu du pontife. Esprit éclairé, il accueille Bramante, mais donne un aspect tyrannique à son gouvernement. Aussi est-il assassiné le 26 décembre 1476 par trois jeunes Milanais, Gerolamo Olgiati, Andrea Lampugnani et Carlo Visconti, désireux de restaurer la république.
Son fils et héritier Jean-Galéas (Gian Galeazzo) [château d’Abbiategrasso 1469 - Pavie 1494] est trop jeune : il doit laisser la réalité du pouvoir à sa mère, la régente Bonne de Savoie, qui commet l’erreur d’accepter la protection de son beau-frère Ludovic le More (Ludovico) [Vigevano 1452 - Loches 1508]. Duc de Bari à la mort de son frère aîné, Sforza Maria, en 1479, Ludovic déclare majeur son neveu, écarte Bonne de Savoie du pouvoir et fait exécuter Cicco Simonetta. Il est entraîné dans la guerre de Ferrare, ville dont les Vénitiens tentent de s’emparer (1482-1484) : il cède Rovigo à ces derniers par la paix de Bagnolo, près de Brescia, le 7 août 1484, car il craint de perdre le pouvoir à Milan. Reléguant le jeune duc au château de Pavie, il entreprend d’éliminer l’influence aragonaise malgré le mariage du duc avec Isabelle d’Aragon en 1489, puis, en accord avec Béatrice d’Este, qu’il épouse en 1491, il se rapproche de l’Angleterre. Il mécontente ainsi Florence et la France, à laquelle il a enlevé Gênes en 1488.
Lorsque le pape Innocent VIII se rapproche de Naples, il fait pourtant appel en 1492 à Charles VIII, à qui il offre ce dernier trône, espérant ainsi que ce monarque renoncerait à accorder son soutien aux droits du duc d’Orléans pour Milan. Ainsi déclenche-t-il la première guerre d’Italie en septembre 1494, au moment même où il accède enfin au trône ducal (1495-1508) au mépris des droits de son petit-neveu François. Il adhère alors à la ligue antifrançaise constituée par le pape, l’empereur, le roi et la reine (Jeanne Ire) d’Aragon et de Castille, et il participe à la vaine tentative faite à Fornoue, le 6 juillet 1495, pour empêcher Charles VIII de regagner la France. Il scelle ainsi son destin. Le 2 septembre 1499, l’ancien duc d’Orléans, Louis XII, occupe Milan, que récupère Ludovic le 2 février 1500. Mais celui-ci est fait prisonnier par Louis II de La Trémoille à Novare le 10 avril. Il est alors détenu au château de Lys-Saint-Georges, en Berry (1500-1504), puis à celui de Loches, où il meurt en 1508.
Il laisse deux fils : Maximilien (Massimiliano) [Milan 1493 - Paris 1530] et François II (Francesco) [1495-1535]. Réfugié en Allemagne, le premier est restauré au lendemain de la mort de Gaston de Foix grâce à l’appui du cardinal Matthäus Schiner, légat du pape Jules II. Mais, vaincu à Marignan le 14 septembre 1515, il renonce à ses droits sur le duché de Milan moyennant une pension et se retire en France. En 1521, à l’instigation de Charles Quint et de Léon X, qui reconquièrent le Milanais, François II est proclamé duc de Milan. Mais, accusé de trahison par Charles Quint, il est exilé à Côme en 1526, puis restauré en 1529, à condition de léguer à sa mort le duché à l’empereur. Avec lui disparaît en 1535 le dernier des Sforza qui ait été duc de Milan.