Francs
en latin Franci
Peuple germanique, originaire peut-être des pays de la Baltique, qui a donné son nom à la Gaule romaine après l'avoir conquise, aux ve-vie siècles.
1. Origines
1.1. Une fusion de plusieurs peuplades
Les Francs – à l’origine une ligue de guerriers appelés les Franci – semblent être issus de la fusion tardive (milieu du iiie siècle de notre ère) de plusieurs peuplades germaniques, parmi lesquelles figurent les Chamaves, les Bructères, les Ansivariens, les Chattes (et peut-être les Sicambres), les Tenctères, les Usipètes et les Tubantes.
1.2. Francs Saliens et Francs Ripuaires
On a longtemps distingué deux ensembles de tribus : les Francs Saliens, établis sur l'IJssel (aujourd’hui aux Pays-Bas), et les Francs Ripuaires, installés plus à l’est, sur la rive droite du Rhin, entre l'IJssel et la Lahn (aujourd’hui aux Pays-Bas et en Allemagne) ; mais, en réalité, les Francs Ripuaires n'ont jamais existé en tant que rameau du peuple franc, le mot Ribuarii n'apparaissant dans l'histoire qu'au viiie siècle pour désigner, jusqu'au xe siècle, les habitants des régions de Cologne, Juliers et Bonn, réunis vraisemblablement sous un seul commandement militaire.
2. La conquête de la Gaule (iiie-vie siècle)
2.1. Le franchissement du limes romain
En 258 puis en 276, des tribus franques lancent deux expéditions dévastatrices à travers la Gaule, alors province romaine. Finalement vaincues par l'empereur Maximien (en 288), ces tribus sont installées par Constance Chlore (293-305) dans l'« île des Bataves » (entre le Lek et le Waal), sur la rive gauche du Rhin, et sont soumises au paiement d'un tribut. D’autres groupes francs continuent à vivre indépendants au-delà du limes, la frontière fortifiée de l'Empire romain.
2.2. Auxiliaires des armées romaines
Dès la fin du iiie siècle, les Francs renforcent les armées romaines de nombreux auxiliaires, dont les chefs (tels Arbogast, Bonitus et Silvanus) accèdent à de hautes fonctions militaires. Mais, à mesure que l'armée romaine s'affaiblit, les Francs s'infiltrent à l'intérieur de l'Empire, à la recherche de terres plus riches. Ainsi, les Francs de l'« île des Bataves » voient-ils leur établissement en Toxandrie (Campine) reconnu par Julien (358).
2.3. Des Barbares fédérés à Rome
À la fin du ive siècle, l'Empire romain, partagé entre Orient et Occident, se trouve menacé par plusieurs peuples barbares frontaliers, et l'armée a de plus en plus recours à ceux de ces peuples déjà installés sur le territoire. Certains Francs accèdent ainsi aux postes les plus élevés de la hiérarchie militaire romaine ; les Francs Saliens et les Francs rhénans deviennent des peuples fédérés, c'est-à-dire entretenus en échange d'un service militaire accompli sous la conduite de leurs roitelets tribaux.
2.4. Occupation de la Rhénanie
Lors de la grande invasion des Vandales en 406-407, les Francs défendent, aux côtés des armées romaines, le limes rhénan contre les vagues de Germains poussés vers l'ouest par l'avancée des Huns. Ils contribuent ensuite notablement à la défaite d'Attila à la bataille des champs Catalauniques, en 451. Il n’en demeure pas moins que les Francs rhénans profitent des conséquences de ces invasions pour franchir le fleuve et occuper l'actuelle Rhénanie, dont la capitale, Trèves, tombe définitivement entre leurs mains en 475.
2.5. Clodion et Childéric Ier
Ancêtre présumé des Mérovingiens, Chlodion occupe la Belgique seconde (Escaut supérieur) vers 440 et y fonde le royaume de Cambrai. Le Mérovingien Childéric I (mort vers 481), roi des Francs de Tournai, est encore fédéré et subordonné au général romain (magister militum) Egidius, qui occupe le cœur du Bassin parisien.
2.6. Clovis et la conquête franque
La Gaule aux mains des Burgondes et des Wisigoths
Lorsqu'en 481 Clovis succède à son père Childéric, il n'y a plus d'empereur romain en Occident depuis 476, et la Gaule est presque entièrement aux mains des Barbares. Burgondes et Wisigoths ont respectivement fondé dans la vallée du Rhône et dans la Gaule méridionale deux royaumes qui semblent prêts à étendre leur hégémonie sur l'ensemble du pays. Installés au nord de la Somme, les Francs Saliens sont pour leur part encore divisés.
La victoire sur Syagrius
Pendant son long règne (481-511), Clovis rassemble les Francs et étend sa domination sur une grande partie de la Gaule, battant le général romain Syagrius à Soissons, l'emportant sur les Wisigoths, les Burgondes et les Alamans (→ Tolbiac). Les Francs Saliens se fondent rapidement dans la population gallo-romaine, beaucoup plus nombreuse, qui adopte leur nom. Les guerriers francs, réputés pour leur bravoure et la qualité de leur armement, sont servis par l'intelligence de leur roi.
La conversion au catholicisme
Clovis, roi païen, comprend le parti qu’il peut tirer de l'appui des Gallo-Romains catholiques face aux Burgondes et aux Wisigoths ariens (adeptes d'une forme schismatique de christianisme). Il se convertit donc au catholicisme, ce qui lui offre le soutien des évêques dans les territoires qu’il conquiert. À sa mort, le royaume franc s'étend des Pyrénées à la Weser, de la Bretagne à la Bourgogne, non comprises.
Pour leur part, les Francs de la région rhénane colonisent, aux vie et viie siècles, la rive gauche du Rhin jusqu'à l'actuelle frontière des langues latines et germaniques, et occupent, en particulier, l'actuelle Flandre, restée déserte après le départ des Saliens. Ce n'est qu'au viiie siècle qu'ils adoptent la civilisation de l'Occident chrétien. Le nom de cette partie du peuple franc va rester à la Franconie.
3. La civilisation franque des Mérovingiens
3.1. Le christianisme
À la différence des autres peuples fédérés, les Francs sont longtemps restés païens. La conversion de Clovis n'a en effet pas entraîné beaucoup de ses compatriotes. Au viiie siècle seulement, les Francs de la rive droite du Rhin cessent de martyriser les missionnaires et adoptent la religion chrétienne. Il n’en reste pas moins que, dès les origines, les rois francs de la dynastie des Mérovingiens (inaugurée par Clovis) s'appuient sur les évêques gallo-romains, dont beaucoup jouissent d'un grand prestige et d'une forte autorité dans leurs cités.
De plus, à la différence des Romains et des Goths, les Francs n'ont jamais interdit les mariages mixtes (entre Francs et peuples soumis), et c'est une des raisons de leur rapide intégration dans la masse gallo-romaine. Au viie siècle, on désigne sous le nom de « Francs » les hommes libres (peu nombreux) en dehors de toute considération d'origine ethnique.
Maîtres de la Gaule, les Francs Mérovingiens restent toutefois des rois barbares. Leur pouvoir est attribué aux vertus magiques de leur sang. À leur mort, le royaume est partagé entre leurs fils – les assassinats tempérant ce principe de partage. Cependant, Clovis et ses successeurs se considèrent aussi comme les héritiers de l'empereur ; la royauté tribale se mue donc progressivement en une royauté territoriale qui se coule dans le moule romain.
3.2. La système administratif
Les Francs laissent en place le système administratif romain, nommant des comtes et des juges dans les cités, entretenant les routes et levant les impôts, aussi longtemps qu'ils en ont les moyens. Tandis que la langue orale évolue rapidement, les Mérovingiens adoptent l'écrit et choisissent le latin comme langue officielle, comme en témoigne la loi salique qui est rédigée au cours du règne de Clovis, vers 500. Malgré le principe de la personnalité des lois (chacun relève du droit de ses ancêtres, la loi romaine s'appliquant aux Gallo-Romains, la loi gombette aux Burgondes, etc.), la loi franque s'impose progressivement. Ainsi, la parentèle prend en charge la sécurité de ses membres et agit en tant que groupe de représailles. On la considère comme responsable du paiement de l'amende de compensation, le wergeld, qu'il faut verser à la partie lésée pour que celle-ci renonce à la vengeance. Elle fait respecter les droits de propriété, règle les mariages et la conclusion des pactes d'amitié, qui garantissent la paix et la sécurité sur le plan local. Ce système social, fort éloigné du système romain, est adapté à une société rurale compartimentée.
4. Le déclin de la royauté franque des Mérovingiens
Bien que Clotaire II et son fils Dagobert aient réunifié le royaume franc (613-639) et l'aient tenu d'une main ferme, ils ne peuvent enrayer le déclin de l'autorité royale, minée par les partages et les successions d'enfants mineurs. Dans la seconde moitié du viie siècle, tandis que les principautés périphériques situées au sud de la Loire et à l'est du Rhin échappent progressivement à la suzeraineté franque, la réalité du pouvoir passe aux maires du palais, émanation des aristocraties régionales.
Le maire (major), à l'origine sorte d'intendant de la vie matérielle du palais royal, devient peu à peu un véritable conseiller, puis le chef de ceux qui aident le roi à gouverner. Les maires du royaume d'Austrasie savent profiter des luttes obscures contre le royaume de Neustrie pour mettre à leur merci les derniers Mérovingiens. Au viiie siècle, la dynastie mérovingienne est finalement évincée par celle des Carolingiens, également d’origine franque.