Camillo Benso, comte de Cavour
Homme d'État italien (Turin 1810-Turin 1861).
1. La formation
1.1. Le cadet de la famille
Camillo Benso, fils de Michele Benso (1781-1850) et de la Genevoise Adèle de Sellon, naît dans une famille de très ancienne noblesse, originaire de Chieri. Élève médiocre, mais doué pour les mathématiques, adolescent vigoureux, page à quatorze ans de l'héritier du trône, le régent Charles-Albert, il est heureux deux ans plus tard de quitter cette « livrée » pour embrasser la carrière militaire. Il est attaché à la direction du génie militaire de Turin, nommé ensuite à Vintimille, puis aux forts d'Exilles et de l'Esseillon, et enfin à Gênes, où il fait écho, de mars à décembre 1830, avec un enthousiasme quelque peu imprudent, aux nouvelles de France qui ponctuent l'établissement et la consolidation de la monarchie constitutionnelle (→ journées de Juillet 1830). Devenu sous-lieutenant du génie, il supporte mal la discipline ; après avoir démissionné, il se consacre à l'exploitation des terres qu'on lui confie près d'Alba, dont il deviendra le maire.
1.2. Les influences de jeunesse
Familier de l'ambassade de France, il y acquiert ses convictions libérales et, après un séjour à Genève, se rend à Paris en 1835. Il voyage aussi en Angleterre, où il fait la rencontre de Tocqueville, et en Belgique, où il se lie au philosophe Vincenzo Gioberti. Revenu à Turin, il aura désormais la charge de gérer le vaste domaine rizicole de Leri, dans la province de Verceil.
1.3. L'entrée dans la vie politique
Observateur attentif de la réalité d'un pays où seul le royaume de Piémont-Sardaigne de Charles-Albert échappe à la domination autrichienne, Cavour partage les aspirations de beaucoup d'intellectuels patriotes. Celles-ci s'expriment notamment à travers des mouvements comme le carbonarisme ou la Jeune-Italie de Mazzini. Mal vu du roi et de la noblesse, Cavour est en outre jalousé par de nombreux libéraux en raison de sa naissance. C'est par le journalisme qu'il va entrer en politique, en fondant le journal Il Risorgimento (« la Renaissance ») en 1847. Il y expose ses conceptions d'une monarchie constitutionnelle unie autour de la maison de Savoie. La révolution française de 1848 va lui offrir l'occasion de mener à bien son projet.
Pour en savoir plus, voir l'article États de la maison de Savoie.
2. L'homme du Risorgimento
2.1. Des débuts chaotiques
La chute de Louis-Philippe fait souffler un vent d'espoir en Italie comme dans toute l'Europe. Charles-Albert croit l'heure venue de prendre la tête d'une armée de libération qui chasserait l'Autrichien, et Cavour, élu député de Turin en juin, l'y exhorte. Mais, les troupes du roi étant écrasées à Novare le 23 mars 1849, celui-ci abdique et cède le trône à son fils Victor-Emmanuel II. Ce dernier forme avec Massimo d'Azeglio un ministère soutenu par une majorité modérée où Cavour, redevenu député de Turin aux élections du 15 juillet 1849, s'impose comme chef du centre droit. Il est alors nommé par Massimo d'Azeglio ministre de l'Agriculture. Cavour exerce aussitôt une influence croissante. Libre-échangiste convaincu, il entreprend avec prudence, mais sans délai, de transformer le régime économique de l'État sarde. Un traité de commerce et de navigation est signé avec la France le 5 novembre 1850, un autre avec la Belgique le 24 janvier 1851, un troisième avec l'Angleterre le 27 février. Ces mesures donnent un grand élan au commerce du pays, qui en a besoin pour restaurer ses finances et payer l'indemnité de guerre due à l'Autriche.
En avril 1851, Cavour échange le ministère de l'Agriculture pour celui des Finances. Il conclut un emprunt en Angleterre et établit de nouveaux impôts, mais très équitablement répartis, puis il entreprend une réforme du tarif douanier. À la fin de l'année, le coup d'État du 2 décembre, que Cavour avait prévu, ranime en Piémont le parti absolutiste. Cavour juge alors opportun de réaliser la conjonction des deux centres : se séparant complètement de l'extrême droite, il se rapproche d'Urbano Rattazzi, chef du centre gauche, qui, lui-même, estime déraisonnables les exigences de la gauche. Cette opération, qui reçut le nom de connubio (mariage), cause d'abord au sein du ministère des dissentiments, qui amènent Cavour à donner sa démission (mai 1852). Le 4 novembre de cette même année, Victor-Emmanuel II le rappelle et le nomme président du Conseil.
2.2. Le réformateur
Cavour institue alors ce que d'aucuns appelleront la « dictature de l'intelligence ». Homme d'État autoritaire tout autant qu'habile tacticien, il se lance dans un vaste programme de réformes. La marine de commerce, grâce au port de Gênes qui devient l'un des plus importants de la péninsule, de même que le chemin de fer, grâce au percement du tunnel du Fréjus, sont en plein essor. Pour soutenir l'effort économique, des banques d'affaires sont créées et des liens étroits sont établis avec les grandes banques anglaises, notamment celle des Rothschild.
Sur le plan social et religieux, Cavour poursuit l'œuvre entreprise par Azeglio. Malgré les réticences de Victor-Emmanuel II, il obtient des parlementaires la suppression des avantages fiscaux dont bénéficie l'Église et la confiscation des biens des ordres contemplatifs. Le Saint-Siège rappelle alors son nonce de Turin. C'est néanmoins vers le royaume de Piémont-Sardaigne que se tournent les regards de ceux qui nourrissent encore le rêve de l'unité italienne.
3. Le bâtisseur de l'unité italienne
3.1. L'alliance franco-piémontaise contre l'Autriche
Pour réaliser ce rêve, Cavour sait qu'il a besoin d'appuis internationaux. Il va les trouver auprès de Napoléon III, auquel il a lui-même envoyé des troupes lors de la guerre de Crimée. Il en obtient la promesse qu'il interviendra aux côtés du Piémont en cas d'agression autrichienne (→ entrevue de Plombières). Cette agression, Cavour la provoque en massant des troupes à la frontière lombardo-piémontaise, en 1859. Il reçoit alors un ultimatum de l'Autriche, qui est aussitôt suivi de la guerre en Italie du Nord (→ guerre d'Italie).
3.2. La trahison de la France
Malgré les victoires des Franco-Piémontais à Magenta (4 juin) et à Solferino (24 juin), Napoléon III signe avec l'empereur François-Joseph l'armistice de Villafranca (11 juillet), qui octroie à la France la Lombardie. Dépité par ce qu'il considère comme une trahison, Cavour démissionne le lendemain de l'armisitice ; il revient cependant au pouvoir, persuadé que rien n'est encore perdu. La France, en effet, rétrocède la Lombardie au Piémont, qui va lui-même lui céder Nice et la Savoie par le traité de Paris du 12 mars 1860.
3.3. Cavour et Garibaldi
Cavour entend tirer parti des soulèvements que les événements ont déclenchés. Mais, dans le sud de l'Italie, il ne peut risquer de provoquer la guerre contre Naples et soutient discrètement l'expédition des Mille de Garibaldi. Or, celui-ci, qui s'empare de Naples, songe à y instituer une république – ce qui reviendrait à couper l'Italie en deux. Cavour décide alors le tout pour le tout. Il faut pour cela s'emparer des territoires intermédaires (→ les Marches et l'Ombrie), propriétés du pape. Une fois encore, Napoléon soutient l'entreprise, au risque de heurter l'Europe catholique : Fatta, ma fatta presto (« Faites, maius faites vite »; répond-il aux émissaires de Cavour.Après s'être rendu maître des États de l'Église intermédiaires , il marche sur Naples, où Garibaldi, plutôt que de combattre, se résigne au rattachement du royaume des Deux-Siciles au Piémont.
Le 18 février 1861, le premier Parlement italien se réunit à Turin, où Victor-Emmanuel II est proclamé roi d'Italie. Mais Cavour disparaît trop tôt pour connaître l'achèvement de son œuvre d'unification, car Venise demeure à l'Autriche et Rome au pape.
Pour en savoir plus, voir les articles Italie : histoire, second Empire.