Sicile
en italien Sicilia
Grande île d'Italie, dans la Méditerranée, constituant une région qui comprend 9 provinces.
- Superficie : 25 708 km2
- Population : 5 026 989 hab. (recensement de 2018)
- Capitale : Palerme
GÉOGRAPHIE
La Sicile est la plus grande île de la Méditerranée. Bordée par la mer Tyrrhénienne au nord, la mer Ionienne à l'est, la mer de Sicile au sud, elle n'est séparée de l'Italie péninsulaire que par le détroit de Messine (3 km de large). Son territoire est prolongé par de petits archipels, les îles Éoliennes (ou Lipari) et Ustica au nord, les îles Égates à l'ouest, les îles Pantelleria et Pelage au sud. Elle occupe, au centre de la Méditerranée, une position de carrefour fondamental dont la signification économique et politique a varié au cours des siècles. La Sicile a acquis une originalité très forte à l'intérieur de la nation italienne.
Le milieu
Le relief
La Sicile se présente comme un ensemble dissymétrique. Elle a la forme d'un triangle dont les trois pointes sont, à l'ouest, le cap Boeo, au nord-est, la pointe du Faro, et au sud-est le cap Passero. Au nord, prolongeant l'Apennin et l'Aspromonte calabrais, une barrière montagneuse, peu élevée mais vigoureuse, court sur 250 km le long de la côte, isolant la « riviera » de l'intérieur. Elle commence à l'est avec les monts Péloritains (1 374 m d'altitude à la Montagna Grande), axe cristallin enveloppé de calcaires qui forment un paysage âpre et sauvage. A l'ouest des monts Péloritains, les hauteurs argilo-schisteuses des monts Nebrodi (1 847 m au monte Soro) et les calcaires du Jurassique des monts Madonie (1 977 m au pic Carbonara) prennent le relais. Elles sont couvertes de forêts, mais leurs sommets sont dénudés. La barrière montagneuse est prolongée au sud par les monts Erei. Vers l'ouest, les altitudes diminuent progressivement, et le relief n'obéit plus à des lignes directrices bien nettes. La barrière montagneuse s'élève au-dessus de plaines littorales : val Demone, au nord, val di Mazara, à l'ouest, face aux îles Égates. Sur la côte orientale, les reliefs sont moins continus, mais tout aussi originaux. À l'extrême sud se dressent les plateaux calcaires des monts Iblei (985 m au mont Lauro), coupés de gorges profondes et dominant le val di Noto. Ils se terminent vers le nord au-dessus de la plaine alluviale de Catane, ample et fertile dépression de 30 km sur 50 drainée par le Simeto. Entre celle-ci et le cordon montagneux septentrional se dresse, jusqu'à 3 345 m d'altitude, la masse volcanique de l'Etna (1 570 km2) avec une couronne de terrains fertiles sur ses basses pentes. Les îles entourant la Sicile sont, comme l'Etna, d'origine volcanique (Vulcano, Stromboli, Pantelleria). Le reste de la Sicile, formant les trois quarts de la superficie, est une immense étendue de collines désolées, s'élevant jusqu'à 700 m d'altitude, dont l'altitude décroît vers le sud. Constituées essentiellement d'argiles ou de sable, coupées d'affleurements calcaires ou gypseux, elles sont le domaine des « frane » (glissements de terrains). Ces collines se terminent par des plaines côtières basses, régulières, longtemps inhospitalières. Cette terre connaît depuis toujours les méfaits des « frane », des éruptions volcaniques, des tremblements de terre. les côtes nord et nord-est, directement bordée par les montagnes, sont élevées. Elles sont basses et monotones sur le littoral méridionale.
Le climat
Le climat a aussi ses contraintes : méditerranéen avec un hiver doux et pluvieux (la moyenne de janvier est de 12 °C), un été chaud et sec, il est marqué par une grande irrégularité. L'amplitude annuelle atteint 12 et 14 °C au sud et à l'ouest, 20 °C dans l'intérieur. L'hiver peut être rigoureux (moyenne de janvier de moins de 0 °C dans les Caronie et sur l'Etna) et neigeux, les longues sécheresses estivales entraînent des catastrophes. Les précipitation se concentrent à l'automne. Elles sont peu abondantes et irrégulières. Il n'y a pas, du reste, uniformité. La Sicile tyrrhénienne est bien arrosée et a des températures modérées. La Sicile ionienne est plus sèche, un peu plus chaude, plus lumineuse. La Sicile méridionale a des traits semi-aride (moins de 400 mm de pluies) avec la présence du sirocco qui souffle fréquemment, chargé de poussières. La Sicile intérieure présente des nuances continentales avec de grandes amplitudes thermiques. Enfin, en altitude, une nuance de climat montagnard apparaît. Tout cela retentit sur la végétation. C'est une végétation méditerranéenne très dégradée, avec des formes d'étagement et où se mêlent des espèces subtropicales. Quant aux cours d'eau, ils sont de longueur très variable, mais leur régime est toujours irrégulier. À côté de quelques cours d'eau (Simeto, Alcantara, Salso, Belice) qui ont une certaine importance, d'autres sont de simples torrents, totalement à sec en été, mais qui peuvent faire l'objet de crues soudaines à l'automne.
Les hommes et les activités
Au centre de la Méditerranée, ancien grenier à blé de Rome, la Sicile est aujourd'hui terre de pauvreté, à l'extrémité méridionale du Mezzogiorno. Une longue succession de colonisations a enfermé l'île dans des structures sociales archaïques. La misère et le sous-emploi ont contraint les Siciliens à l'émigration. La population demeure cependant importante. Dense, inégalement répartie, la population habite surtout les plaines des mers Tyrrhénienne et Ionienne : Conca d'Oro (Conque d'Or) autour de Palerme, pentes de l'Etna aux riches cultures (vergers, céréales), secteurs des vignobles du Nord-Ouest (Trapani et Marsala). L'intérieur est beaucoup moins peuplé. L'habitat y est groupé en énormes villages sur les latifundia des collines.
L'agriculture
L'agriculture conserve une place de choix avec à l'intérieur la céréaliculture extensive et certaines cultures, comme les fèves, accompagnées d'un élevage limité. Les zones côtières portent des cultures plus variées avec des secteurs spécialisés. Si l'olivier et le caroubier sont en déclin, la vigne a toujours une grande valeur, à l'ouest autour d'Alcamo et de Marsala (vins fins exportés en grande partie), à l'est près de Catane et de Pachino. Les arbres fruitiers (amandiers et pistachiers), les cultures maraîchères (notamment les tomates à Milazzo et à Vittoria). Les agrumes sont cultivés dans la Conque d'Or (Palerme) et sur la côte orientale. Cette culture, irriguée, intensive, représente une bonne partie de la production nationale, notamment pour les citrons. La pêche est une activité en recul. Le cinquième des prises nationales provient de Sicile, du sud-ouest surtout (Mazara del Vallo) ; c'est la capture du thon qui donne les plus forts tonnages, mais l'épuisement des fonds comme la concurrence étrangère limite cette activité.
L'industrie
L'industrie s'est relativement développée. L'extraction du soufre (à Salso) et du sel est en déclin, les industries mécaniques (automobiles à Termini Imerese) sont peu de chose ; par contre, l'extraction du pétrole (à Gela, Raguse [la majeure partie de la production italienne]) a permis l'installation de la chimie (à Augusta, Milazzo). Du gaz naturel est extrait à Mazara.
Le tourisme
Le tourisme est beaucoup plus développé que l'industrie. À côté de stations réputées comme Taormina, la Sicile offre une grande variété de centres d'intérêt, de la montée à l'Etna à la visite des sites archéologiques (Ségeste, Sélinonte...) et à celle des nombreux monuments de l'époque arabe ou normande. Ce tourisme culturel se double d'un tourisme balnéaire fort agréable.
Les villes
Région à statut spécial (depuis 1948), la Sicile est divisée en 9 provinces, dont les chefs-lieux sont les villes principales de l'île. Celles de l'intérieur sont effacées, à part Enna, Caltanissetta et Raguse. Sur la côte, des agglomérations se succèdent. Certaines sont de simples marchés et centres administratifs, comme Trapani, Agrigente ou Syracuse ; le tourisme est toujours pour elles un apport précieux. D'autres ont des fonctions plus diversifiées. Catane est une grande ville commerciale et industrielle (produits pharmaceutiques, céramique). Messine vit de la fonction administrative et universitaire et des échanges avec le continent. Palerme, enfin, est la capitale, à la fois somptueuse et sordide, de la Sicile. Ville au passé prestigieux, tassée dans la conque d'Or, elle vit des mille et une formes du commerce, de l'administration, du tourisme, accessoirement de l'industrie (constructions navales, industrie pharmaceutique, meubles, ganterie, tabac).
HISTOIRE
Les origines
La Sicile a été d'abord occupée par les Élymes (à l'O.), les Sicanes et les Sicules. De leurs cultures, l'époque néolithique a laissé de nombreuses sépultures et des vestiges de villages fortifiés.
Les colonisations phénicienne et grecque
Les Phéniciens y apparaissent à l'ouest (après 850 avant J.-C.), suivis par les Grecs (après 750 avant J.-C.) qui occupent les côtes orientales, y fondant des colonies de peuplement et des comptoirs commerciaux : Syracuse, Mégare Hyblaia, Sélinonte, Géla (vers 690), Akragas (Agrigente). Les Grecs n'occupent ni l'intérieur de l'île ni la côte ouest. Au début du ve s. avant J.-C., une attaque par Carthage est repoussée par Gélon (480 avant J.-C.), tyran de Syracuse de 485 à 478, qui unifie la Sicile grecque et fonde la puissance syracusaine. Vers 450 avant J.-C., Syracuse étend son domaine sur le quart de l'île. Les autres cités, menacées, s'allient à Athènes ; mais l'expédition athénienne (414-413 avant J.-C.) se termine par un désastre. Ségeste fait appel aux Carthaginois, qui dévastent Sélinonte et Himère (408 avant J.-C.), prennent Akragas. Au ive s., le tyran Denys Ier de Syracuse fait reculer les Carthaginois. Ce siècle est marqué par les figures de Timoléon, venu de Corinthe, qui met fin à la tyrannie de Denys le Jeune (344-336) ; d'Agathocle, qui restaure la tyrannie et fait même une expédition en Afrique (310 avant J.-C.). Après 264, la première guerre punique fait de la Sicile un champ d'opération pour les légions romaines.
La Sicile romaine
Après la première guerre punique et la prise de Syracuse par Marcellus (212 avant J.-C.), l'île devient la première province romaine. Les vastes troupes d'esclaves ruraux se révoltent à deux reprises (135 et 104 avant J.-C.). Un gouverneur, Verrès, met l'île en coupe réglée (73-71 avant J.-C.). Auguste installe des colonies (Palerme, Syracuse, Taormina, Catane). L'île demeure un des greniers à blé de Rome. En 440, elle est occupée par les Vandales, suivis par d'autres Barbares. En 535, Bélisaire la reprend pour le compte de l'Empire d'Orient.
La Sicile du Moyen Âge à nos jours
Au carrefour d'influences diverses laissées par la domination byzantine (vie-viiie s.) puis par celles des Arabes, qui s'installent à partir de 827, la Sicile est ensuite conquise par les Normands de Roger de Hauteville, frère de Robert Guiscard (1061-1091). Dès lors, son destin est lié à celui de l'Italie méridionale jusqu'à ce que le royaume passe aux Hohenstaufen (1194) puis à la maison d'Anjou avec l'avènement à Naples de Charles Ier (1266). Après s'être soulevée contre la domination française aux Vêpres siciliennes (1282), l'île, conquise par l'Aragon, se séparera du royaume péninsulaire (toutefois, le royaume des Deux-Siciles sera établi une première fois entre 1442 et 1458), et suivra les destinées de l'Aragon puis de l'Espagne (jusqu'en 1713). Après plusieurs dominations étrangères, celles de la Savoie (1713-1718), de l'Autriche (1718-1734), la Sicile passe aux Bourbons d'Espagne (1734), qui, après le congrès de Vienne (1815), restaurent le royaume des Deux-Siciles (1816-1860). Incorporée au royaume d'Italie après plébiscite (1860), la Sicile a conservé jusqu'à nos jours un particularisme reconnu par la Constitution italienne de 1948, qui en fait une région autonome. La lutte de l'État contre la mafia s'intensifie à partir de 1982.
ARCHÉOLOGIE ET ART
L'Antiquité
Colons grecs, influences carthaginoises et apports indigènes des Sicanes et des Sicules sont le ferment de l'originalité artistique.
Urbanisme
Bien avant l'époque d'Hippodamos de Milet, les villes sont édifiées selon un plan régulier distinguant : quartier religieux, quartier public et zone résidentielle (Mégare, Hyblaia, Selinonte…). Le château Euryale reste un bon exemple de l'architecture défensive élaborée sous Denys l'Ancien et remaniée jusqu'au milieu du ier s. avant J.-C.
Architecture
Le style colonial d'Occident est d'inspiration volontiers dorique, puis devient sensible aux influences ioniennes. La richesse des villes les amènent à témoigner de leur piété par de grands programmes de construction dès la fin du vie et au ve s. avant J.-C. Parmi les monuments les plus célèbres, citons à Agrigente les temples d'Héraclès (fin vie s. avant J.-C.) d'Héra (début ve s. avant J.-C.), de Zeus (470 avant J.-C.) de la Concorde (440 avant J.-C.) ; les remparts du ive s. avant J.-C. à Gela ; le temple (430 avant J.-C.) et le théâtre du iiie s. à Ségeste ; les temples de Selinonte avec notamment le temple E du ve s. avant J.-C. ; ou encore les monuments de Syracuse, Tindare, Taormina, etc.
Sculpture
Entre les viiie et ive s. avant J.-C., terres cuites et bronze relèvent souvent d'une inspiration indigène où s'associent spontanéité et sens du détail. Les métopes des temples nous donnent l'idée de l'interprétation de l'art grec (Persée et la Gorgone, Héraclès et les Cercopes [début du vie s.] et, de 450 avant J.-C. environ, Héraclès luttant contre l'Amazone, Pallas luttant contre un géant).
Arts décoratifs
À côté de l'orfèvrerie, la numismatique a atteint l'un des sommets de l'art antique dans l'œuvre des grands médailleurs Eumenês, Euainetos, Cimon.
Depuis le Moyen-Âge
La Sicile a été une des grandes terres de l'art islamique, mais comme dans tous les pays reconquis par les chrétiens, hormis à Palerme (plafond sculpté et peint de la chapelle Palatine) peu de vestiges subsistent. En revanche, de nombreux monuments normands portent encore les traces de l'influence musulmane. Des manufactures de tissus jouirent d'une grande réputation, et leurs créations (manteaux de couronnement des rois de Palerme, Vienne, Schatz-kammer) portent l'empreinte islamique. De magnifiques mosaïques byzantines décorent les cathédrales de Cefalu et de Monreale (xiie s.) ; à partir du xiiie s. il devient difficile de distinguer les productions italiennes de celles de Byzance. Par la suite, le baroque du xviiie s. constituera la phase la plus intéressante de l'art sicilien (Palerme, Catane, Noto, Syracuse…).