Sport : dakarnage

Le 1^er, à Versailles, le ministre Charles Pasqua donne le départ du 10^e rallye Paris-Alger-Dakar : 600 concurrents (181 motos, 310 voitures, 109 camions), soit 100 de plus qu'en 1987, gagnent Sète par la route avant de s'embarquer pour Alger et de se diriger vers le désert.

Dès les premières étapes algériennes, très dures ou très longues, des accidents, souvent graves, et des abandons éliminent plus de la moitié des participants. Le premier mort est le navigateur d'un camion Daf qui fait plusieurs tonneaux le 9, près de Djado, au Niger. Deux autres concurrents, ainsi que trois spectateurs, fauchés par des voitures, sont tués les jours suivants.

À ceux qui contestent depuis sa création le principe même du rallye se joignent alors ceux qui critiquent les conditions d'organisation et de sécurité de l'épreuve. La polémique devient générale lorsque, le 18, la Peugeot 405 turbo l6 d'Ari Vatanen, en tête depuis le début de la course, est disqualifiée parce que, sa voiture ayant été volée, puis retrouvée, le pilote s'est présenté avec retard au départ de la 18^e étape, à Bamako (Mali). Le 22, à l'arrivée à Dakar, après 12 874 km, seuls 151 « rescapés » ont réussi à éviter l'élimination. Dans la catégorie auto, la victoire revient au Finlandais Juha Kankkunen, sur Peugeot 205 turbo 16, et, dans la catégorie moto, à l'Italien Eddy Orioli, sur Honda.

En dépit de toutes les contestations, la plupart des concurrents, aussi bien ceux qui sont classés que ceux qui ont été éliminés mais qui ont continué à suivre la course pour le plaisir, sont prêts à repartir l'an prochain. C'est le paradoxe du Paris-Dakar : plus le rallye est difficile et dangereux, plus il attire les passionnés de l'aventure, qui veulent mettre à l'épreuve leur résistance physique ou les performances de leur engin.

Un Français sur la sellette

Le 4, à Kaboul au terme d'un procès où il a pu s'exprimer, assisté d'un avocat et d'un interprète, le photographe Alain Guillo est condamné par un tribunal spécial révolutionnaire à 10 ans d'emprisonnement pour « activités subversives anti-gouvernementales » et « espionnage ». Arrêté à la mi-septembre 1987, alors qu'il accompagnait un groupe de moudjahidines, il est le quatrième Français à passer ainsi devant les tribunaux spéciaux afghans, après le journaliste Jacques Abouchar, le docteur Philippe Augoyard et le photographe Jean-Claude Sylve, qui avaient tous été libérés peu après leur condamnation. Le jour même, dans un communiqué, le Quai d'Orsay exprime sa « surprise » et sa « réprobation ». Le 5, M. François Mitterrand évoque « l'injuste sanction » frappant le journaliste français, tandis que M. Jean-Bernard Raimond, ministre des Affaires étrangères recevant l'ambassadeur soviétique à Paris, lui demande de faire intervenir son gouvernement en faveur du condamné. Le 6, M. Jacques Chirac réclame à son tour la grâce d'Alain Guillo, qu'il souhaite « immédiate ». Le 8, la Pravda dénonce la « campagne antisoviétique et antiafghane » menée en France par le président de la République et le Premier ministre, ce qui n'augure guère une libération rapide du photographe. Ainsi, le chargé d'affaires français à Kaboul, M. Christian Lambert, doit attendre le 25 pour être autorisé à rendre visite au prisonnier, qui lui apparaît « plutôt en bonne forme ».

Début mars, on apprend que les conditions de détention d'Alain Guillo se sont améliorées : d'abord isolé dans une minuscule geôle sans électricité, il partage désormais une cellule plus vaste avec d'autres prisonniers... (28 mai)

URSS : Malenkov

Ancien chef du gouvernement soviétique après le décès de Staline, Gueorgui Maksimilianovitch Malenkov meurt d'une embolie dans la nuit du 13 au 14 janvier, mais sa mort n'est annoncée que le 1^er février par les autorités soviétiques

Né le 8 janvier 1902 à Orenbourg dans l'Oural, il adhère en 1920 au Parti communiste et gravit les échelons du pouvoir après avoir été, de 1925 à 1934, le secrétaire particulier de Staline. Devenu en 1948, après la mort de Jdanov, le seul dauphin apparent du maître de l'URSS, il lui succède effectivement après son décès le 6 mars 1953.

Rapidement, une sourde lutte pour le pouvoir l'oppose à Khrouchtchev ; une semaine après son entrée en fonctions, il doit abandonner à ce dernier le secrétariat du Comité central et, le 8 février 1955, il est contraint de renoncer à toutes ses charges à la tête du gouvernement.

Après avoir tenté, en juin 1957, avec Molotov et Kaganovitch, de renverser Khrouchtchev, il est exclu du Comité central, comme les autres membres du « groupe antiparti ». Il disparaît alors complètement de la vie politique. C'est pourtant avec son bref passage au pouvoir que commence le « dégel » entre l'Est et l'Ouest : avant Khrouchtchev, Malenkov met l'accent sur la coexistence pacifique et la production de biens de consommation.

Nobelysée

Pendant quatre jours, du 18 au 24 janvier, plus de 70 lauréats du prix Nobel sur 200 se réunissent à Paris à l'invitation de M. François Mitterrand et de M. Élie Wiesel, écrivain et animateur de la Fondation pour l'humanité, créée grâce aux 300 000 dollars de son prix Nobel de la paix 1986.

Après un discours d'ouverture prononcé par le président de la République, qui insiste sur la nécessaire collaboration du savant et du politique pour résoudre les grands problèmes de l'humanité, les travaux se tiennent à huis clos à l'Élysée. Les cinq thèmes de réflexion retenus : « Désarmement et paix », Droits de l'homme », « Développement », « Science et technologie » et « Culture et société », décrivent « les menaces et promesses à l'aube du xxi^e siècle ».

Le 19, les participants reçoivent un message de trois absents : Lech Walesa, leader de Solidarité, l'évêque noir sud-africain Desmond Tutu et mère Teresa. Empêchée, une autre personnalité, le Soviétique Andreï Sakharov, n'a pas pu se rendre à Paris. D'autre part, les pays du tiers monde sont peu représentés.

Le 21, au terme d'une conférence où les affrontements de la politisation ont su être évités, les participants présentent 16 conclusions sur le respect de la vie et de l'espèce humaines le désarmement, le développement, l'éducation et l'éthique médicale. Ils s'engagent à se rendre sur les lieux où les droits de l'homme sont menacés, dès que l'urgence sera perçue », et conviennent de se réunir de nouveau dans deux ans.

Le mois de Françoise Giroud

Lové au cœur de l'hiver, janvier, toujours, fut morose. Au moins celui de 1988 fut-il clément pour les clochards et les écoliers, qui s'en vont, trottant, dans les petits matins noirs.

En fait, janvier fut de bout en bout un mois mou, malgré le vacarme annuel obscène du Paris-Dakar. Ses acteurs tragiques furent sur les bancs des tribunaux avec le premier procès, en correctionnelle, des membres d'Action directe, glaçant d'horreur à peine les regardait-on, et la comparution aux assises du « trio diabolique », elle toute jeune et jolie, rabattant les clients, eux les dépouillant et les assassinant, tous les trois inconscients, effarants...

Diabolique aussi, mais dans un autre registre, la jeune Nord-Coréenne avouant qu'avec son compagnon elle avait fait exploser en plein vol un Boeing sud-coréen à l'instigation des services secrets de son pays Mais le diable a bon dos.

Janvier fut surtout le mois où les moteurs des prototypes engagés dans la course présidentielle se mirent à ronfler à nos oreilles, dès que Jacques Chirac, bousculant son calendrier, annonça officiellement depuis l'Hôtel de Ville qu'il prendrait le départ. À vrai dire, nul n'en doutait, pas plus que de l'engagement de Raymond Barre. Mais l'Autre ? Qu'allait faire l'Autre ? Y va-t-il, y va-t-il pas ? On se mit à parier, personne qui n'en discutât dans les dîners en ville ou le matin sur le zinc ; il n'y eut bientôt plus d'autre sujet de conversation. Jusqu'à ce qu'à ce que, à la fin du mois, Michel Rocard soit chargé de nous dire : « Il fera connaître sa décision en mars. » En mars ! Il se moquait, ou quoi, le Père de la nation ? Non. Il ne se moquait pas, il stratégeait, il tactiquait, tandis que les supputations reprenaient de plus belle, chacun connaissant quelqu'un qui connaissait quelqu'un qui l'avait vu la veille et qui tenait de la bouche du cheval que quoi ? Qu'il hésitait. Ah ! que cela fut bien joué.

En attendant, la France se couvrit d'affiches sybillines, « Génération Mitterrand », et de panneaux gigantesques où toutes les vertus de Jacques Chirac nous étaient contées en couleur. C'était parti

Des bruits de paix parvinrent du Nicaragua, des bruits de bottes retentirent en Argentine, des bruits de tirelire annoncèrent la fin du remboursement de l'emprunt Giscard, lancé en 1973. Une broutille qui n'a coûté « que » 55 milliards à l'État. Un feuilleton a commencé : M. Carlo De Benedetti lançait une OPA sur la Société générale de Belgique.

Le 29, enfin, le ministre de la Culture décrétait la « Journée nationale de la presse ». Quelques jours plus tôt, le Matin, quotidien parisien, avait sombré corps et biens.

Ainsi s'acheva janvier, mois mou. Il faisait tiède et on craignait que les bourgeons ne sortent trop tôt...

Françoise Giroud