Liban : aggravation

Le 2, Paris annonce qu'une partie des paras stationnés à Beyrouth retourneront au Sud-Liban où ils étaient affectés à l'origine dans le cadre de la Force multinationale.

Le 3, le chauffeur du consulat de France est grièvement blessé dans un attentat.

Le 4, Israël lance l'un des raids les plus meurtriers sur Baalbek : l'aviation bombarde des positions chī«ites pro-iraniennes : près de 100 morts et 300 blessés.

À partir du 16, aggravation des bombardements sur la zone chrétienne de Beyrouth.

Le 17, le président libanais A. Gemayel invite l'opposition à partager le pouvoir et souligne que toutes les réformes sont négociables.

Le 18, assassinat du président de l'université américaine de Beyrouth.

Le 22, W. Joumblatt, chef du parti socialiste progressiste libanais, demande la démission du gouvernement libanais et, le 23, le retrait de A. Gemayel.

Le 31. Ce serait le chaos au Liban, déclare A. Gemayel, si les Américains venaient à se retirer.

Tunisie-Maroc : émeutes de la faim

Le 2, l'agitation gagne Sfax et le centre de Tunis. L'état d'urgence est décrété, le couvre-feu instauré. L'armée et la police chargent les manifestants. Dès le 29 décembre 1983, des émeutes provoquées par l'annonce du doublement du prix du pain et d'une hausse importante du prix des pâtes et de la semoule, aliments de base, ont éclaté dans le sud de la Tunisie.

Le 6, le président Bourguiba décide de surseoir pour 3 mois à toutes les mesures d'augmentation. La révolte prend fin ; 75 personnes au moins auraient été tuées. Le Premier ministre, Mohamed Mzali, est confirmé dans ses fonctions, mais le ministre de l'Intérieur, Driss Guiga, est limogé (le 7).

Le 19, au moment où se terminent les travaux du sommet islamique ouvert le 6, le Maroc est en proie à son tour aux émeutes contre la vie chère. L'agitation était partie de Marrakech, où, dès le 5, lycéens et étudiants protestaient contre la fin de la gratuité dans les universités. Le 22, le roi reprend le contrôle de la situation ; dans un discours télévisé très ferme, Hassan II annonce sa décision d'annuler les augmentations. Les manifestations, sévèrement réprimées, auraient fait, selon l'opposition, plus de 400 morts.

Les mutations technologiques

Les problèmes de la rénovation de l'appareil productif français font l'objet d'un débat public, sur fond de conflit social, chez Talbot. Lors de la cérémonie des vœux à l'Élysée, le 3, F. Mitterrand rappelle au gouvernement « qu'il faut faire comprendre aux Français la nécessité des mutations technologiques », au moment même où L. Fabius, ministre de l'Industrie et de la Recherche, souligne que la gauche doit réaliser « la mutation économique et sociale dans de bonnes conditions sociales ».

Du 3 au 5, après l'évacuation par les forces de l'ordre de l'usine Talbot-Poissy occupée, des affrontements violents opposent, lors de la réouverture des ateliers, non grévistes et grévistes (où figurent une forte majorité de travailleurs immigrés).

Le 5, la Société Automobile Peugeot met en place une restructuration du capital de Talbot (annoncé le 27 décembre).

Le 10, Edmond Maire, secrétaire général de la CFDT, estime qu'« on ne peut plus sacrifier le social pour réussir l'économique ».

Du 11 au 17, à la suite d'un accord tripartite avec les pouvoirs publics, le travail reprend progressivement, tandis que se tiennent, du 11 au 24, des réunions sur le plan social d'accompagnement des 1 905 licenciements acceptés.

Le 30, séminaire à Versailles réunissant P. Mauroy et 13 membres du gouvernement afin de mettre au point un plan de défense dans les régions concernées par les restructurations industrielles.

Les promesses du renouveau

Jean Leselbaum

Quelque chose a bougé en 1984. Naturellement, comme chaque année, certains dangers se sont dissipés, des erreurs ont été redressées, ce qui paraissait insurmontable est devenu possible. Mais à cette moisson ordinaire s'ajoutent les promesses d'un renouveau. Année charnière, année relais, 1984 retentit encore du bruit des antagonismes toujours à vif. Mais on a le sentiment aussi comme d'une accalmie, d'un nouveau cours des choses ; d'autres valeurs, d'autres modes, d'autres tendances, encore confuses, annoncent un changement de cap. Une page tourne. L'hypothèse centrale d'une crise généralisée qui, depuis quelques années, exerçait une fascination maladive n'est plus d'actualité. Le monde se découvre de nouvelles frontières, envisage son avenir selon d'autres lignes directrices, selon d'autres schémas de pensée. Le monde se reprend à espérer : il a quelques raisons de le faire.

Les accidents évités

Les dangers qui menaçaient l'équilibre de la planète n'ont pas dégénéré en catastrophes. L'affrontement Reagan et Tchernenko au sujet des missiles est resté verbal, puis a fait place à la préparation d'un dialogue, entamé officiellement en janvier 1985. Les risques d'un accident monétaire majeur, dû à l'endettement extérieur de nombreuses nations et au déficit considérable des États-Unis, n'ont pas entraîné dans une spirale le système financier mondial fondé sur le dollar : jamais le dollar n'est davantage apparu comme la devise forte, la monnaie-refuge. La montée du chômage, à la fois destructeur pour ceux qui le subissent et si dangereux pour la cohésion du tissu social, a connu un répit, permettant aux gouvernements de chercher les solutions de fond et, en attente, les remèdes temporaires. En Amérique centrale, les États-Unis, contrairement à ce que l'on redoutait, ne sont pas engagés directement, comme ils l'avaient fait à la Grenade en 1983 ; le vote démocratique et la négociation font des progrès. Quant à la France, elle a pu se désengager du guêpier tchadien, tout en continuant de surveiller de près l'action de la Libye. Sur un autre plan, les responsables de l'économie française enregistrent un net arrêt de la dégradation et même des signes d'une restauration des équilibres : la bonne tenue du franc en est la meilleure preuve. C'est donc l'accalmie qui l'emporte, cette année, sur les bourrasques. Mais c'est en profondeur que l'on sent poindre le changement.

La tendance libérale et ses limites

Partout, et même dans les pays où les socialistes sont au pouvoir, la pensée libérale fait une intrusion remarquée dans le débat. Au point qu'elle ne saurait plus être absente, ne serait-ce que pour partie, dans les prochaines décisions des heures politiques. Que cette pensée triomphe dans les États-Unis de Reagan ne saurait surprendre. Mais c'est dans une Europe de tradition étatique, plus ou moins accentuée selon les pays, que la mise ou remise en question de l'intervention de l'État fait une entrée significative. Et notamment en France, où l'on soupçonne l'étatisme de vouloir, de façon rampante, élargir son espace. Pourtant, cette vague libérale atteint vite ses limites : la dérégulation, si nécessaire soit-elle pour atténuer les excès du Tout-État et de l'État-providence, laisse un champ large à un réaménagement des interventions des pouvoirs publics. Encore plus qualitatif que quantitatif, ce glissement s'incarne dans un nouveau style de gouvernement, un ton neuf, un appel à la responsabilité et à l'initiative de chacun. C'est le retour du pragmatisme. Après le temps des idéologies, voici celui des politiques qui gardent « les pieds sur terre ». Les forces syndicales n'échappent pas à ce changement : les syndicats ne mobilisent plus toujours leurs troupes et, quand bien même ils y arrivent, en Grande-Bretagne, en Allemagne, en France, c'est souvent l'échec qui l'emporte. C'en est fini, semble-t-il, du schéma classique sur lequel reposaient, depuis les années 1950, l'équilibre des pays et leur processus de développement. Du moins en Europe, où les pays, confrontés à l'une des crises les plus dures et les plus longues de leur histoire, n'arrivent toujours pas à rassembler leurs forces vives : l'Europe se retrouve dépendante des États-Unis pour sa reprise et doit compter avec la concurrence du Japon et des pays du Pacifique sur de nombreux marchés et secteurs.

Les nouvelles frontières de la technique

Comme il arrive souvent dans les périodes de remise en ordre, ce sont la technique et la science qui fournissent de bons repères pour saisir l'évolution. À cet égard, l'année 1984 a été riche dans quatre domaines. Le premier : l'informatique, qui modifie toutes les activités. La société n'y saurait échapper qui voit se multiplier ses possibilités de création et d'action. Les activités en sont transformées : de nouveaux métiers de conception apparaissent, de nouveaux systèmes naissent qui se démarquent profondément des industries traditionnelles. Le second : la biologie. Un vieux rêve de l'humanité se réalise. La maîtrise de la conception et de la naissance est largement acquise. Tout, ou presque, est devenu possible, entraînant, il est vrai, son cortège de questions d'ordre éthique. Le troisième : l'espace. La réussite d'Ariane et celle de Challenger entraînent la banalisation de l'intrusion de l'homme dans le vide. Première mondiale où la science-fiction et la technique se rejoignent : des astronautes se sont transformés en mécanos de l'espace. En quelques heures, les limites de l'homme ont reculé. Le quatrième : la communication. Jamais nous n'avons été aussi près de réaliser la prédiction de McLuhan « Le monde est un grand village », grâce à l'expansion des moyens modernes de diffusion. Au point que, dans tous les pays, les législations craquent, ou ont déjà craqué, pour faire place aux radios et télévisions libres : à son tour, en 1984, la France s'est engagée dans cette voie. De toutes parts, c'est l'irruption de l'image et du son.

De quoi sera fait 1985 ? Après l'année américaine avec ses deux moments forts, les jeux Olympiques et le triomphe de Reagan, on s'attend à des évolutions à l'Est, en URSS, dans les démocraties populaires et plus encore en Chine qui s'ouvre au modèle occidental. Après l'année de la reprise économique, dans les pays industrialisés du peloton de tête, ce pourrait être, dans d'autres pays, un rattrapage qui les rapprocherait de leurs partenaires plus heureux. Après une année marquée par la résurgence de la famine en Afrique, l'attention du monde concentrée sur l'aide alimentaire d'urgence évoluera vers un programme de réformes plus profondes, susceptible d'introduire ces pays déshérités dans la voie du développement.