Paris : la rage

Le front de la maladie s'avance à travers la France : il court de l'Aisne à l'Oise et à la Savoie. Voici qu'il touche la région parisienne. Les véhicules essentiels du virus sont les renards, qui se risquent dans la banlieue nord. L'épidémie actuelle n'a pas plus de rapport avec celle du XIX^e s. qu'avec les rages exotiques d'Afrique ou d'Asie. Elle est arrivée lentement en Russie, à partir de la fin de la Seconde Guerre mondiale. Le nord de la France fut touché en 1968. Le problème est sérieux : les renards contaminent les chiens, et ceux-ci répandent le virus dans Paris, où de nombreuses personnes ont déjà été mordues. Le chat enragé, plus rare, se révèle plus dangereux par sa forte agressivité.

Dès 1984, le ministère de l'Agriculture a pris des mesures de prévention, dont la mise en fourrière des animaux errants. Le contrôle de la population des renards est pratiqué depuis des années et les destructions se comptent en dizaine de milliers. Leur vaccination pourrait être envisagée.

L'homme contaminé par une morsure meurt inéluctablement s'il n'est pas soigné. Mais la rage n'a causé que 24 morts en Europe depuis 1977, car la vaccination curative, pratiquée dans un délai rapide, assure la guérison.

Le Mozambique déchiré

Le mouvement national de résistance (MNR) contrôle de plus en plus le pays : dans les premiers jours de janvier, les guérilleros ont fait d'assez nombreuses victimes. Ils ont privé d'électricité la capitale, Maputo, en coupant la ligne à haute tension. Conséquence de l'accord de Nkomati entre l'Afrique du Sud et le Mozambique, signé le 15 mars 1984 : les maquisards ne devaient plus être soutenus par Pretoria. En réalité, ils se sont renforcés des guérilleros qui furent expulsés d'Afrique du Sud et ont été bien approvisionnés en matériel de guerre. Le 5 janvier, le président Samora Machel dénonce la violation de l'accord. Le 15, on apprend que les États-Unis vont fournir une aide militaire limitée. Un négociateur américain arrive le 22, date à laquelle la ligne électrique est à nouveau sabotée. Complexe est le jeu diplomatique des États-Unis entre le Mozambique marxiste et l'Afrique du Sud, qui affirme ne pas aider les maquisards. L'URSS demeure le principal fournisseur d'armes, mais le territoire souffre de la disette, l'économie s'effondre, tandis que les puissances étrangères convoitent les ressources inexploitées.

Europe : le froid

L'Europe entière subit un froid exceptionnel, accompagné d'importantes chutes de neige. Dans la nuit du 5 au 6 janvier, il s'installe en France (– 30 °C à Reims). Le 7 janvier, l'EDF assure une production record (53 500 mégawatts dans la soirée).

Dès le 8, le bilan est impressionnant : 27 personnes sont mortes, souvent pour avoir circulé insuffisamment vêtues dans la campagne. À Paris, la SNCF et la RATP sont chargées de procurer des abris aux sans-logis pour la nuit. Le gel des canalisations prive des agglomérations entières d'eau ou de chauffage. Des lignes électriques cèdent sous le poids du givre. La récolte des légumes devient impossible dans les sols gelés. Sur la côte d'Azur, les productions maraîchères sont en partie détruites : les mimosas sont totalement sinistrés. Le gel des arbres paraît en revanche plus limité qu'en 1956. Certains aéroports d'Europe ont été momentanément fermés et le trafic ferroviaire est souvent perturbé. Voitures et circulation routière ont aussi beaucoup souffert. En Italie, c'est la deuxième vague de froid du siècle, après 1929. Il a fait – 36 °C à Trepalle di Livigno, dans les Alpes.

Le 10, le froid est moins vif, mais il s'étend : il tue plus de 300 personnes en Inde (au Bihar). La palmeraie de Laghouat est enneigée. En France, les transporteurs routiers pâtissent du gel du gazole et la circulation se réduit.

Le 11, l'approvisionnement de Rungis redevient normal et les prix de certains légumes baissent.

Le 12, le bilan des morts de froid, pour la France se monte à 101.

Le 13, reprise d'intensité du froid.

Le 14, nouvelles chutes de neige dans le Midi (120 morts en France). Il fait plus froid à Paris (– 14 °C) qu'à Stockholm.

Le 16, les câbles métalliques du pont suspendu de Sully-sur-Loire cèdent au passage d'un poids lourd (cinq blessés). À Paris, la journée est la plus froide du siècle, la température maximale étant de – 10 °C.

Le 17, le froid reste aussi vif, avec des températures de – 20 à – 30 °C dans le sud du Massif central. Le bilan atteint 138 morts en France. L'usine Citroën de Reims est en chômage technique car les pièces ne sont plus livrées.

Le 18, le redoux arrivant, c'est le dégel.

Nouvelle Calédonie : les jours décisifs

Le 7 janvier, M. Edgard Pisani fait connaître ses propositions sur l'évolution de la Nouvelle-Calédonie : un référendum d'autodétermination pourrait avoir lieu dès juillet 1985, offrant le choix entre le statut actuel et celui d'État indépendant associé à la France.

Le 11, un jeune caldoche, Yves Tual, est tué par des Mélanésiens, près de Bouloupari. Les anti-indépendantistes manifestent violemment dans la nuit suivante, à Nouméa. Le 12 au matin, Éloi Machoro est tué par les gendarmes du GIGN, qui avaient encerclé le lieu de réunion des indépendantistes. Dans la journée, M. Pisani instaure l'état d'urgence.

Le 19, le président Mitterrand passe la journée dans l'île. Sa visite est l'occasion d'une grande manifestation anti-indépendantiste à Nouméa. Le 20, à Paris, le Parlement prolonge l'état d'urgence et décide le renforcement de la présence militaire. Le 23, Jean-Marie Tjibaou, président du FLNKS, front indépendantiste, vient à Paris et fait savoir que, si le référendum repousse l'indépendance, celle-ci sera obtenue par la lutte. Environ au même moment, les mines de nickel de Thio et de Kouaoua sont victimes d'un vaste sabotage.

Le 24, à Paris, M. Dick Ukeiwé, président du gouvernement du territoire, présente au Sénat un projet d'autonomie, qui s'oppose au plan Pisani. Ce même jour, le Parlement vote la loi prolongeant l'état d'urgence. Dans l'île, le 28, des Mélanésiens accusés du sabotage de Thio sont arrêtés.

Éthiopie : SOS famine

Fin 1984, l'opinion internationale prend connaissance de l'existence de la famine au Soudan et en Éthiopie.

Le 28 décembre 1984, d'Addis-Abeba, l'Organisation de l'unité africaine (OUA), par la voix de M. Peter Anu, lance un appel aux pays africains et à la communauté internationale pour aider les nations victimes de la sécheresse.

Le même jour, le directeur de l'USAID, M. Peter McPherson, critique le programme éthiopien de déplacement de personnes vers les régions plus fertiles. Ce programme n'est soutenu que par l'URSS. Le 8 janvier, des parlementaires français qui ont visité l'Éthiopie appellent la France à accroître son aide directe au pays.

Le 9 février, le colonel Menghistu, chef de l'État éthiopien, annonce que des mesures économiques rigoureuses seront prises pour mieux faire face aux difficultés causées par la sécheresse. Le ministre éthiopien des Affaires étrangères, M. Goshu Wilde, accuse les organisations humanitaires étrangères de détourner ou de dilapider leurs fonds.