Orient arabe

Le Nil
Le Nil

Région géographique comprenant toute l'Asie arabophone (→ Liban, Territoires palestiniens, Jordanie, Syrie, Iraq, Arabie) et l'Égypte.

Le Soudan forme un espace de transition vers l'Afrique noire, et la Libye, vers le Maghreb. L'État d'Israël ne fait pas partie en soi de l'Orient arabe, mais il a une large composante arabe dans sa population (vers 2015, elle sera de nouveau majoritaire si on additionne la population des Territoires palestiniens et les Arabes israéliens) et d'autre part le conflit israélo-arabe a fortement influencé l'évolution politique de la région depuis plus d'un demi-siècle. Ce concept d'Orient arabe traduit le terme arabe de Machreq, par opposition à celui d'Occident arabe, ou Maghreb. Il se différencie du concept de Moyen-Orient, d'origine politique, qui définit aujourd'hui l'espace majoritairement musulman allant du Maroc au Pakistan, et de celui de Proche-Orient, qui, au début du xxe siècle, regroupait l'ensemble des pays riverains de la Méditerranée orientale et qui se confondait, au moins partiellement, avec celui de Levant.

GÉOGRAPHIE PHYSIQUE ET HUMAINE

1. De la Méditerranée à l'océan Indien

L'Orient arabe comprend deux grandes zones géographiques bien distinctes : d'une part, un vaste Croissant fertile partant de la vallée du Nil, qui se continue par les régions de la Palestine et de la Syrie, arrosées par les précipitations méditerranéennes, et qui se termine par les vallées du Tigre et de l'Euphrate ; d'autre part, l'Arabie (ou péninsule arabique), vaste région de déserts parfois montagneux aboutissant aux zones élevées du Yémen et de l'Oman, qui reçoivent les dernières atteintes de la mousson.

Pour en savoir plus, voir les articles Croissant fertile, Nil.

L'ensemble forme une zone aride traversée par trois grands fleuves qui apportent des eaux venues du nord (Tigre et Euphrate) ou du sud (Nil). Pour sa partie méditerranéenne, on retrouve classiquement une mince plaine littorale suivie d'une chaîne de montagnes ou de collines parallèles au rivage. Au-delà des montagnes, on entre dans une steppe qui reçoit encore des pluies venues de l'ouest et qui se confond progressivement avec le désert.

2. Peuplement

2.1. Sédentaires et nomades

Dans la région des grands fleuves, l'agriculture est pratiquée depuis des siècles grâce à des grands travaux d'irrigation, plus faciles à entreprendre dans la vallée du Nil que dans celles du Tigre et de l'Euphrate, aux débits beaucoup plus irréguliers. Le long du golfe Persique (appelé « golfe arabe » par certains de ses habitants), avant la révolution pétrolière, l'activité économique était traditionnellement tournée vers la mer (pêche, huître perlière, commerce avec l'Inde). À l'intérieur de la péninsule arabique, l'élevage de moutons et de dromadaires et le commerce caravanier (notamment le long des routes empruntées par les pèlerins de La Mecque) ont longtemps dominé dans le cadre de la société bédouine et nomade. Au Yémen et en Oman, avec le retour de la pluie, on retrouve une importante population agricole sédentaire (l'Arabie heureuse de l'Antiquité) et, jadis, une activité maritime intense orientée surtout vers l'océan Indien et l'Afrique de l'Est y prospérait.

Pour en savoir plus, voir l'article agriculture.

2.2. Langues et dialectes

L'histoire du peuplement de la région est surtout marquée par la présence à toutes les époques de populations appartenant au groupe linguistique sémitique.

L'araméen est la langue commune utilisée par les grands empires du Ier millénaire avant J.-C.. Les conquêtes d'Alexandre ont imposé pour près d'un millénaire l'usage du grec, le latin de l'Empire romain n'étant pas entré dans l'usage courant.

À partir du viie siècle de notre ère, cette région devient le foyer le plus intense de la civilisation arabe. L'arabisation linguistique est pratiquement achevée au xve siècle. L'araméen, qui se parle encore dans de petites poches en Syrie et surtout en Iraq, est, de même que le copte (langue dérivée de l'égyptien ancien), surtout une langue liturgique utilisée par les Églises orientales (→ schisme). Les langues sudarabiques, distinctes de l'arabe, risquent de disparaître à terme. Aujourd'hui des millions de travailleurs immigrés originaires de l'océan Indien et du Pacifique font d'un anglais strictement utilitaire une langue véhiculaire dans la vie quotidienne.

La langue arabe est pratiquée partout, mais on doit distinguer l'arabe littéral (ou médian), langue de culture, et les dialectes utilisés dans la vie quotidienne. Les dialectes sont des langues avec des systèmes grammaticaux et lexicaux complets. Mais, dans la pratique, leurs locuteurs les mêlent plus ou moins avec l'arabe littéral en fonction de ce qu'ils veulent exprimer. On doit donc parler de niveaux de langue allant des besoins les plus triviaux à l'expression de la plus haute culture.

2.3. Groupes et religions minoritaires

Il existe, en Iraq et en Syrie une importante population kurde parlant une langue indo-européenne (→ Kurdes). De la Syrie à l'Égypte, la diaspora arménienne maintient sa culture tout en connaissant et pratiquant l'arabe. Partout dans le Croissant fertile, on trouve des populations chrétiennes dont l'importance relative tend à s'amenuiser : en raison d'une croissance démographique plus faible, depuis 1920, que celle des musulmans ; d'une forte émigration à destination des pays occidentaux ; d'une augmentation des violences dont elles sont l'objet. Ces communautés chrétiennes sont regroupées autour d'une pluralité d'Églises, les unes rattachées à Rome (les uniates, dont font partie les maronites), les autres orthodoxes ou indépendantes (regroupées sous le terme de « non-chalcédoniens » [→ Chalcédoine], dont font partie les nestoriens [→ nestorianisme] et les monophysites [→ monophysisme]).

La pratique de religions non islamiques est interdite en Arabie saoudite et ne concerne que des travailleurs étrangers dans les différents émirats. Le judaïsme, jadis particulièrement florissant, a pratiquement disparu en dehors de quelques petits groupes résiduels (Iraq, Yémen…). Même si la majorité des Juifs israéliens est issue du monde arabe, Israël se considère comme appartenant à la civilisation occidentale et se trouve rattaché au groupe Europe dans les institutions internationales.

2.4. L'islam

Largement majoritaires, les musulmans se divisent eux-mêmes en plusieurs groupes. Le sunnisme réunit la totalité de la population musulmane d'Égypte et de Jordanie et la majorité de celle de Palestine, de Syrie et des pays du Golfe. Le chiisme duodécimain est présent au Liban et forme le groupe le plus important en Iraq. Il se retrouve aussi dans les pays du Golfe. Le chiisme zaydite est implanté dans les hautes terres yéménites. Le kharidjisme est majoritaire dans l'Oman.

Les Druzes (Liban, Syrie, Israël) et les Alawites (Syrie et Liban) sont des communautés anciennement issues du chiisme, mais aujourd'hui très éloignées de sa doctrine. Pour mieux s'intégrer à la société actuelle, elles se revendiquent de l'islam et sont acceptées comme telles.

Pour en savoir plus, voir l'article islam.

2.5. La transition démographique

La répartition des populations est l'effet des grandes mutations économiques. Les pays de tradition agricole ont connu une forte croissance démographique depuis la seconde moitié du xixe siècle, première étape de la transition démographique (exemple : Égypte, tableau ci-dessous).

Évolution démographique de l'Égypte

 

UN EXEMPLE D'ÉVOLUTION DÉMOGRAPHIQUE :
L’ÉGYPTE, DE LA CONQUÊTE ARABE AU XXIe SIÈCLE

Année

Population (en milliers)

Année

Population (en milliers)

641

2 500

1917

12 718

813

2 671

1927

14 718

975

1 760

1937

15 921

1189

2 351

1947

18 967

1315

4 200

1960

25 984

1800

3 853

1966

30 076

1846

4 476

1976

36 656

1882

7 550

1986

48 995

1897

 9 715

1996

61 452

1907

11 190

 

 

 

Source : I.N.E.D. (Les données d’avant 1800 sont des estimations sans bases statistiques.)

Il en est résulté au xxe siècle un exode intense vers les villes, dont certaines sont devenues des mégalopoles plurimillionnaires, avec pour conséquence un bouleversement des rapports entre villes et campagnes. Dans les pays du Golfe, la mutation est plus récente et liée à l'économie pétrolière qui a accéléré la sédentarisation des nomades. Aujourd'hui, l'ensemble de la région aborde dans un ordre dispersé la seconde étape de la transition démographique (diminution de la natalité). Au cours du xxie siècle, le nombre d'enfants par femme va continuer de diminuer et la proportion des moins de 15 ans, en baisse, perdra le poids considérable qu'elle a eu dans la société. L'essentiel de la population sera alphabétisé – excepté en Iraq, où l'embargo décidé par l'ONU au moment de la guerre du Golfe (1990-1991) a généralisé l'analphabétisme chez les jeunes.

Données démographiques et économiques pour l'Orient arabe en 1999

 

DONNÉES DÉMOGRAPHIQUES ET ÉCONOMIQUES POUR L’ORIENT ARABE EN 1999

 

Superficie (en milliers de km²)

Population mi-1999 (en millions)

Taux de natalité (‰)

Taux de mortalité (‰)

Projections de la population en 2025 (en millions)

Taux de mortalité infantile (pour 1 000 naissances)

Indice synthétique de fécondité (enfants/
femme)

Taux des moins de 15 ans (%)

Taux des plus de 64 ans (%)

Espérance de vie à la naissance (hommes - femmes)

P.N.B. par habitant 1997
(en $ US)

P.I.B. par parité de pouvoir d’achat 1998 (en milliards de $ 1990)

Arabie saoudite

2 150

20,9

35

5

40

29

6,4

42

3

64 - 68

7 150

180

Bahreïn

1

0,7

22

3

2

8

2,8

31

2

68 - 71

n.d.

6

Cisjordanie

5,9

1,9

38

5

4

20

5,2

45

4

70 - 74

n.d.

2,3

Égypte

1 001

66,9

26

6

96

52

3,3

39

4

64 - 67

n.d.

284,6

Émirats arabes unis

8,4

2,8

24

2

4

16

4,9

33

2

73 - 76

n.d.

29,1

Gaza

0,4

1,2

49

5

3

30

7

50

3

70 - 74

n.d.

n.d.

Iraq

438

22,5

38

10

41

127

5,7

43

3

58 - 60

n.d.

27,7

Israël

21

6,1

22

6

8

6

2,9

29

10

76 - 80

16 180

82,4

Jordanie

89

4,7

30

5

10

34

4,4

41

2

66 - 70

1 520

22 ,9

Koweït

18

2,1

24

2

4

13

3,2

29

1

72 - 73

n.d.

32,8

Liban

10

4,1

23

7

6

35

2,4

30

6

68 - 73

3 350

21,2

Libye

1 760

5

28

3

8

33

4,1

39

4

73 - 77

n.d.

24,4

Oman

212

2,5

43

5

5

30

7,1

46

3

69 - 73

n.d.

21,2

Qatar

11

0,54

19

2

1,72

20

3,9

27

1

70 - 75

n.d.

10

Soudan

2 506

28,9

33

12

46

70

4,6

43

3

50 - 52

290

11,6

Syrie

185

16

33

6

27

35

4,7

45

3

67 - 68

1 120

92

Yémen

528

16,4

40

11

40

75

6,7

47

3

58 - 61

270

29,7

 

n.d. = non disponible

Source : I.N.E.D. (La qualité des données varie considérablement selon les pays.)

ÉCONOMIE

1. Les espaces économiques traditionnels

Jusqu'au xviiie siècle, la région peut être divisée en quatre espaces distincts : le désert, la ville, les campagnes, et les montagnes.

1.1. Le désert

La société du désert, ou « monde de la bédouinité », est alors spécialisée dans l'élevage des moutons et des chameaux et dans le transport caravanier. De plus, les Bédouins exercent une « protection » sur les populations sédentaires, qui consiste en une véritable extorsion de fonds. La ligne de séparation entre la bédouinité et la sédentarité ne relève pas d'une distinction écologique mais d'un rapport de force entre sédentaires et nomades. Les pouvoirs d'États forts contiennent et repoussent les Bédouins dans le désert et les incitent à la sédentarisation. L'agriculture prospère alors et la population augmente. Inversement, quand les pouvoirs étatiques faiblissent, les Bédouins envahissent les domaines cultivés et l'espace agricole se réduit considérablement. Toute l'histoire économique et démographique de la région se résume dans ces oscillations entre bédouinité et sédentarité. Le grand commerce international des épices, qui traverse la région, est une des sources de la prospérité des villes.

1.2. Villes et campagnes

Les campagnes sont fortement soumises aux pouvoirs des villes, qui les exploitent en général par le biais d'une fiscalité particulièrement lourde, mais aussi par des mécanismes comme l'usure, fléau traditionnel des campagnes. Héritières d'une longue tradition, les villes sont le lieu de la production et des échanges. Les activités commerciales et artisanales sont particulièrement dynamiques. En général, la proportion de population urbaine par rapport à la population totale (20 à 30 %) est alors supérieure à celle de l'Occident.

1.3. La montagne

Les régions montagneuses arrosées sont des zones de forte insoumission par rapport aux États. Elles constituent également des zones de repli pour se défendre contre les incursions bédouines. Ces montagnes ont été largement investies par une population très active économiquement et ont servi de refuge pour les groupes minoritaires chrétiens et musulmans.

2. Les modèles économiques

2.1. Avant 1945

Depuis le xvie siècle, la région est intégrée à l'Empire ottoman et fait partie de son économie-monde. Dans la seconde moitié du xviiie siècle, cette dernière se fissure au profit d'une économie mondiale centrée sur l'Europe, qui lui impose l'échange de produits manufacturés contre des produits issus de l'agriculture (soie, coton, céréales, agrumes). L'artisanat urbain périclite, incapable de faire face à l'afflux des produits européens qui entrent avec des droits de douane faibles (conséquence du système des capitulations qui définit le statut et les droits des étrangers sous l'Empire ottoman).

Dans la seconde moitié du xixe siècle, l'économie de type colonial atteint son apogée, avec la prise de contrôle des finances locales par des caisses de la dette (ottomanes et égyptiennes) et des investissements massifs de capitaux étrangers dans les infrastructures modernes de communication (ports, routes, chemins de fer, canaux).

À partir de la Première Guerre mondiale, qui met fin aux capitulations, les nouveaux États appuient une bourgeoisie « nationale » qui cherche à industrialiser les pays en pratiquant une politique de protection douanière. Celle-ci se met graduellement en place dans les années 1930.

2.2. Après 1945

Une économie dirigiste

La Seconde Guerre mondiale et les premières années d'après-guerre voient des progrès nets sur la voie de l'industrialisation menée par la bourgeoisie nationale. Mais les révolutions socialistes en Égypte, en Syrie et en Iraq mettent fin à la croissance de l'entreprise privée. La politique d'industrialisation, destinée alors à substituer des produits locaux aux importations, continue d'être menée, mais dans le cadre d'une économie dirigiste centrée sur des entreprises d'État disposant de monopoles de fait. Progressivement, on ne tient plus compte des prix de revient et les produits ne sont plus compétitifs sur le marché mondial. En réalité, cette industrialisation étatisée bénéficie surtout de subventions extérieures sous forme d'aides économiques venant du bloc soviétique comme des grandes puissances occidentales.

L'essor de l'économie pétrolière

Parallèlement, une économie pétrolière se met en place. La présence de cette énergie fossile est soupçonnée depuis le début du xxe siècle. La première exploitation commence en Iraq en 1928. Les émirats du Golfe ainsi que l'Arabie saoudite suivent avec une décennie de retard. Dans les années 1960 et 1970, l'Égypte et la Syrie deviendront à leur tour de petits producteurs. Pour pallier le manque de cadres techniques et de capitaux, on fait appel à des sociétés occidentales qui généralement interviennent dans le cadre d'un consortium. Les revenus du pétrole ne deviennent consistants que dans les années 1950, et l'Égypte cesse d'être le pays arabe le plus important économiquement à la fin des années 1960.

Nationalisation des installations pétrolières

Avec l'accélération de la consommation mondiale à la fin des Trente Glorieuses, les pays producteurs réussissent à créer un rapport de forces favorable qui leur permet, à partir de la fin des années 1960, d'imposer une hausse du prix de référence et la nationalisation des installations pétrolières. En 1973, le prix du pétrole quadruple à la suite de la quatrième guerre israélo-arabe (premier choc pétrolier). Il décline ensuite doucement pour, de nouveau, remonter brutalement lors de la révolution iranienne (second choc pétrolier). Dans les années 1980, il repart à la baisse. Cette dernière s'accélère à la fin de la décennie, c'est le contre-choc pétrolier.

Au lendemain de la guerre du Golfe, le cours du pétrole se stabilise à un prix relativement bas. La chute s'aggrave vers 1997-1998. Une politique concertée des pays producteurs permet une remontée vigoureuse des prix à partir de 1999. L'économie pétrolière est sujette à une succession de montées et de baisses des prix particulièrement brutales (voir tableaux ci-après), qui engendrent de brusques à-coups pour l'économie de l'ensemble de la région.

Les conséquences de la rente pétrolière

L'économie pétrolière provoque des déplacements considérables de main-d'œuvre des pays pauvres vers les pays riches. Ces derniers fournissent différentes aides financières ainsi que des investissements en faveur des plus pauvres de la région, lesquels bénéficient aussi de l'envoi des fonds des travailleurs immigrés. À partir du début des années 1970, l'ensemble de la région bascule dans un système économique étroitement lié à la rente pétrolière, qui amène assez souvent à ne pas prendre en compte les calculs de rentabilité des investissements dans la prise de décision. Les gaspillages et la corruption sont considérables. La diminution des revenus pétroliers est un moment palliée par le recours à l'endettement sur le marché international des capitaux.

Les contre-chocs pétroliers provoquent des chutes brutales des revenus par habitant et démontrent la faiblesse de l'appareil productif hors pétrole. Les pays non producteurs sont conduits à se soumettre à des régimes d'ajustements structurels inspirés directement ou indirectement par le Fonds monétaire international (FMI) ou la Banque mondiale. On en revient à l'économie de marché par des privatisations, mais la corruption demeure particulièrement forte.

Les pays producteurs ont tenté de diversifier leurs revenus afin de préparer l'après-pétrole soit en investissant dans les économies des pays industrialisés, afin de substituer une rente à une autre, soit en s'industrialisant, s'ils avaient une taille suffisante. L'essentiel des investissements industriels s'est porté vers les produits dérivés du pétrole (par exemple les plastiques), ce qui ne peut mettre fin à la dépendance envers cette matière première. Une réussite remarquable est celle des Émirats arabes unis, et en particulier de Dubai, qui est en train de devenir une place de commerce et d'échange dont le rayon d'action s'étend sur des milliers de kilomètres.

Les ressources en eau

L'approvisionnement en eau est un autre grand défi de l'Orient arabe dans les années à venir. La région est essentiellement aride et les grands fleuves qui la traversent viennent de l'extérieur, ce qui n'est pas sans poser des problèmes. Jusqu'à la croissance démographique du xxe siècle, un certain équilibre s'était installé entre les ressources et les systèmes agraires. La croissance accélérée des populations urbaines et l'extension de l'irrigation a épuisé les ressources renouvelables. La tendance actuelle est de puiser dans les nappes « fossiles » non renouvelables. Certains pays pétroliers ont les moyens de pratiquer le dessalement de l'eau de mer pour satisfaire leurs besoins urbains. Il faudra attendre un abaissement considérable des coûts de production pour généraliser ces techniques. La priorité doit être donnée aux investissements permettant d'éliminer les énormes déperditions des réseaux d'alimentation, souvent mal conçus et mal entretenus.

La pénurie actuelle et, surtout, future des ressources en eau pèse lourdement sur les conflits politiques de la région. Les oppositions politiques rendent impossibles les pourtant indispensables coopérations entre les États de la région (entre Israël et ses voisins arabes ; entre la Turquie, la Syrie et l'Iraq). Sur le plan intérieur, un redéploiement entre les besoins de l'agriculture, ceux des villes et de l'industrie ne va pas sans créer des tensions internes fortes.

HISTOIRE

1. Les premiers empires

1.1. Une antiquité prestigieuse

Le berceau de l'agriculture et de l'écriture

La révolution néolithique (invention de l'agriculture et apparition des premières villes) s'est déroulée dans cette région du monde. Les premiers systèmes d'écriture (idéogrammes – hiéroglyphes – et syllabaires) y sont inventés. Au iie millénaire avant J.-C., grâce aux propriétés des langues sémitiques (dites langues à racines), on est passé à l'alphabet, dont l'invention est attribuée aux Phéniciens. Les premiers États sont établis dans les vallées des grands fleuves (→ Égypte pharaonique, Sumer).

IIe millénaire avant J.-C.

Au iie millénaire avant J.-C., des royaumes de diverses importances se constituent autour de villes-temples en Syrie et en Palestine, tandis que les villes phéniciennes se lancent dans le grand commerce méditerranéen. L'Égypte pharaonique et les Hittites d'Anatolie ont cherché à leur imposer des hégémonies qui se sont révélées finalement précaires.

Des empires autochtones (l'Assyrie, la Babylonie) se constituent au ier millénaire avant J.-C., avant que d'immenses empires venus de l'extérieur annexent les parties fertiles de cette région : la Perse achéménide → Achéménides venue de l'est, les Grecs puis les Romains venus de la Méditerranée.

Pour en savoir plus, voir les articles alphabet, écriture, Mésopotamie : histoire.

Ier millénaire avant J.-C.

À partir du ier siècle avant J.-C., les Romains puis les Byzantins affrontent les empires venus d'Iran, les Parthes d'abord, puis la Perse sassanide (→ Sassanides).

Ces puissances ont essentiellement dominé les zones de sédentarité, les espaces de nomadisme connaissant une indépendance de fait. Au cours du Ier millénaire avant J.-C., une « civilisation du désert » fondée sur la domestication du chameau se met en place dans l'ensemble de l'Arabie. C'est ainsi que les Bédouins entrent dans l'histoire.

1.2. Les empires arabes

Au viie siècle après J.-C., l'Empire romain d'Orient et la Perse sassanide cèdent la place aux conquérants arabes, qui fondent le califat omeyyade dont la capitale est Damas. Suit, à partir de 750, le califat abbasside, qui transfère le siège du pouvoir à Bagdad. Au xe siècle, la région se fragmente en pouvoirs locaux, tandis que Le Caire devient le centre du califat ismaélien des Fatimides.

Au xie siècle, les Seldjoukides établissent le premier grand sultanat turc en Syrie et en Mésopotamie. La lutte, pendant les croisades, contre les chrétiens suscite successivement le sultanat ayyubide du Caire puis le sultanat mamelouk. Le plus grand danger vient de l'est, avec les invasions mongoles (destruction de Bagdad en 1258), puis l'arrivée de Timur Lang (Tamerlan) à la fin du xive siècle.

Pour en savoir plus, voir l'article Mongols.

Au cours de ces premiers siècles de l'islam, les progrès de l'arabisation et de l'islamisation sont rapides, mais ce n'est probablement qu'au xiie siècle que les musulmans deviennent majoritaires dans une contrée comme la Syrie. La référence ethnique perd progressivement de son sens à partir du xie siècle. Ce sont des pouvoirs militaires, d'origine turque pour la plupart, qui dominent des populations arabes ou iraniennes dans la Perse voisine. L'arabe devient la principale langue de culture, même si le persan et le turc (→ langues turques) aux vocabulaires profondément arabisés accèdent aussi à ce rang.

La civilisation de l'islam classique est une des plus brillantes qu'ait connue l'humanité. C'est à partir du déclin du califat abbasside que progressent, au détriment des zones cultivées, les espaces consacrés au nomadisme des Arabes bédouins et des turcophones.

2. Sous les Ottomans

2.1. Le système politique

Au xvie siècle, l'ensemble de la région entre dans l'Empire ottoman à la suite de la chute du sultanat mamelouk et du ralliement des régions littorales de l'océan Indien, inquiètes de l'arrivée des Portugais dans leurs eaux. L'Iraq devient le lieu d'affrontements entre les Ottomans sunnites et les dynasties chiites d'origine turque qui contrôlent l'Iran.

Le commerce des épices à destination de l'Europe se tarit progressivement, mais un produit nouveau, le café originaire du Yémen, s'y substitue jusqu'au xviiie siècle, époque où les Européens transplantent cette culture dans les Amériques.

Du xvie au xviiie siècle, le système politique ottoman est composé d'un beylerbey (gouverneur de province) désigné par le pouvoir central, d'une administration fiscale et judiciaire et de détachements armés étrangers à la région. Ces « serviteurs du Sultan » dépendent théoriquement pour leur vie et pour leurs biens du bon vouloir du pouvoir central. Dès le xviie siècle, ils s'émancipent et n'hésitent pas à rejeter les ordres du gouvernement, manifestant une autonomie de plus en plus importante. On voit ainsi apparaître des pouvoirs néo-mamelouks en Égypte et en Iraq.

Pour en savoir plus, voir l'article Empire ottoman.

2.2. La société

Serviteurs du Sultan, autorités religieuses, grands commerçants et notables locaux forment une classe dirigeante qui a pris le contrôle des ressources fiscales des provinces arabes. Il n'en reste pas moins que la légitimité reste toujours entre les mains du pouvoir central qui sanctionne les autorités locales en échange du paiement de l'impôt à la capitale de l'Empire.

De nombreux musulmans des Balkans (Bochniaques, Albanais) viennent s'installer dans la région. Les échanges sont constants avec l'Afrique du Nord. Les communautés chrétiennes connaissent une croissance démographique plus importante que les populations musulmanes, probablement en raison de leurs contacts précoces avec les missionnaires européens (apport de l'hygiène, renforcement du système familial chrétien). La population juive augmente aussi de façon considérable avec l'arrivée des Juifs d'Espagne chassés par les Rois Catholiques.

Par rapport au monde européen de la même époque, la région apparaît comme sous-peuplée en raison des structures agraires et fiscales, des conséquences de la bédouinisation de vastes espaces, et des chocs provoqués par des épidémies périodiques de peste qu'aucune mesure de quarantaine ne contrôle. En revanche, les zones montagneuses deviennent des centres de peuplement intensifs.

L'époque ottomane classique est beaucoup plus pauvre sur le plan intellectuel que la période précédente. Mais c'est l'apogée des structures institutionnelles mises au point aux siècles précédents. L'architecture est en plein renouvellement et multiplie les bâtiments élégants. La ville « islamique » telle que nous la connaissons aujourd'hui date de cette époque. L'artisanat reste de très grande qualité, en particulier dans le traitement des textiles et des métaux.

2.3. La question d'Orient

L'expédition d'Égypte de 1798 à 1799 (→ campagne d'Égypte) a démontré la faiblesse du pouvoir ottoman, qui a dû sa survie aux secours prodigués par la Grande-Bretagne. Dès lors, l'Empire ottoman se maintient en jouant sur l'équilibre européen afin d'empêcher un partage colonial : c'est la fameuse question d'Orient.

En même temps, les hommes d'État ottomans comprennent la nécessité d'une transformation radicale des structures de l'armée et de l'administration pour faire face aux menaces européennes. Les premières réformes consistent à superposer aux structures anciennes de nouvelles institutions, ce qui provoque des conflits sanglants entre les tenants de l'ordre ancien et ceux des réformes. Les provinces arabes, jalouses de leur autonomie de fait, se montrent rétives face à ces transformations.

En Égypte au contraire, Méhémet-Ali, devenu vice-roi en 1805, se lance dans un programme autoritaire de réformes qui empruntent de plus en plus à l'Occident. Comme ses ambitions sont grandes, il constitue un empire qui s'étend progressivement au Soudan, à l'Arabie, puis, entre 1831 et 1841, à la Syrie. Sa tentative échoue, en dépit d'un soutien diplomatique de la France, en raison de l'intervention de la Grande-Bretagne et de la Russie. Le traité de Londres de 1840 lui reconnaît une vice-royauté de l'Égypte héréditaire. Les puissances européennes, par le biais du système des capitulations, établissent un condominium de fait sur l'ensemble de l'espace ottoman en contrôlant l'activité des gouverneurs de province, collaborateurs obligés des consuls (politique dite « de la canonnière »).

En Arabie, le puritanisme islamique des Wahhabites reçoit le soutien armé des Saoudiens. Un premier État saoudien est créé et se lance à la conquête du Croissant fertile. Il est détruit par les armées égyptiennes. Un second État saoudien apparaîtra dans la seconde moitié du xixe siècle. Il périclitera rapidement en raison de ses dissensions internes.

2.4. La modernisation ottomane au xixe siècle

À partir de 1839, l'Empire ottoman entreprend le Tanzimat, un programme systématique de réformes inspirées de l'Europe, mais qui correspond aussi aux intérêts matériels de la classe dirigeante. Cela implique l'établissement d'une égalité sociale de toutes les composantes de la société. L'émancipation des non-musulmans provoque des troubles sanglants au Liban et en Syrie en 1860 (→ campagnes de Syrie), qui aboutissent à une intervention militaire de la France au nom de l'Europe.

Après cette date, l'Empire réussit à rétablir son autorité directe sur le Croissant fertile et tente de reconquérir l'Arabie en dépit de l'opposition de la Grande-Bretagne, qui a multiplié les protectorats dans le golfe Persique et a créé la colonie d'Aden au Yémen.

L'économie régionale devient totalement dépendante de l'économie européenne, d'où un glissement progressif des centres économiques essentiels vers les villes-ports de la Méditerranée orientale. Celles-ci sont le point de départ de routes puis de chemins de fer, mécanisme de la pénétration économique européenne vers l'intérieur des terres. Apparu à cette époque, le terme de Levant désignait ces régions, qui avaient une culture largement inspirée par la France. À la fin du xixe siècle, l'essentiel des investissements lourds en moyens de communication est contrôlé par des sociétés étrangères, de même que les premières industries de transformation de produits issus de l'agriculture (filatures de la soie, raffineries de sucre…). L'économie régionale est alors largement internationalisée.

2.5. La renaissance culturelle

Les réformes ottomanes sont liées à la diffusion de l'imprimerie, qui était pratiquement absente jusqu'à la fin du xviiie siècle. L'imprimé, livres et journaux en particulier, entraîne la constitution d'un nouveau savoir largement inspiré de la traduction d'œuvres européennes et aboutit à une réforme de la langue. C'est la renaissance littéraire arabe de la seconde moitié du xixe siècle, avec pour centre Le Caire et Beyrouth.

Ces transformations sociales, économiques et culturelles permettent une première prise de conscience d'une identité ethnique soit locale (égyptienne, syrienne, libanaise…) soit plus générale (arabe). Elle se manifeste lors de la crise d'Orient de 1876-1882, mais les progrès de la colonisation européenne (protectorat français sur la Tunisie en 1881, occupation britannique de l'Égypte en 1882) amènent le ralliement des élites locales au pouvoir ottoman jusqu'à la fin du règne autoritaire mais modernisateur d'Abdülhamid II (1908-1909). Ce dernier renforce l'identité islamique de l'Empire, redevenu un califat, tout en accordant le maximum d'autonomie communautaire aux non-musulmans. L'Égypte, occupée par les Britanniques, est un pays de grande liberté intellectuelle où se réfugient de nombreux exilés politiques syriens.

3. Le xxe siècle

3.1. La chute de l'Empire ottoman

Les opposants modernisateurs au régime autoritaire d'Abdülhamid II prennent le pouvoir en juillet 1908 (→ Jeunes-Turcs). Ils ont peu de partisans dans les provinces arabes, qui rapidement deviennent des foyers d'opposition au nom de l'identité arabe. Durant la Première Guerre mondiale, l'Empire ottoman passe du côté des puissances centrales, et la France et la Grande-Bretagne soutiennent une révolte arabe menée par le chérif de La Mecque, Husayn, et ses fils (famille hachémite). Leur projet d'indépendance est rejeté lors des négociations d'après-guerre (→ accord Sykes-Picot). La France obtient un mandat sur la Syrie et le Liban ; la Grande-Bretagne, sur la Palestine, où elle doit établir un foyer national juif, sur la Transjordanie, où elle constitue un émirat hachémite, et sur l'Iraq, qui devient une monarchie hachémite.

Le traité de Lausanne de 1923 met fin à l'existence juridique de l'Empire ottoman et permet aux nouveaux États de se doter de codes de la nationalité.

L'Égypte est devenue un protectorat britannique en 1914. En 1919, elle se révolte contre la Grande-Bretagne qui alterne les phases de répressions et de négociations. Finalement, elle reçoit une indépendance limitée en 1922 et devient une monarchie constitutionnelle en 1923.

3.2. L'idée nationale arabe

Le nationalisme arabe, ou « arabisme », est une doctrine qui veut l'unité de tous les Arabes dans un seul système politique. Il prend un contenu doctrinal fort dans les années 1920 et conteste les partages politiques imposés par les Européens. Il devient une idée politique mobilisatrice dans la lutte pour la libération nationale. Français et Britanniques sont amenés à composer avec lui, accordant une marge croissante d'autonomie et d'indépendance. L'indépendance de l'Égypte est élargie par le traité de 1936 avec la Grande-Bretagne. Le pays se découvre une identité arabe qui lui permet de jouer un rôle moteur dans la politique régionale face à l'Iraq, devenu indépendant en 1932 (mise en application du traité anglo-irakien de 1930).

Pour en savoir plus, voir l'article panarabisme.

En Arabie, le troisième État saoudien constitué par Abd al-Aziz III ibn Saud unifie par la force la plus grande partie de la péninsule. Il devient le royaume d'Arabie saoudite en 1931. Parallèlement, le Yémen devient indépendant. Ces États cherchent à éviter une hégémonie des pays du Croissant fertile qui s'imposerait au nom de l'arabisme. Déjà la contradiction est nette entre le discours arabe unitaire et les intérêts particuliers des États arabes successeurs de l'Empire ottoman. Néanmoins, l'évolution de la question de Palestine depuis 1936 implique de plus en plus les États arabes et leur opinion publique. L'antisionisme devient le ciment politique de la région.

3.3. Les indépendances et le conflit israélo-arabe

Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, tout le Croissant fertile est indépendant à l'exception de la Palestine. La Ligue arabe est fondée en 1945 pour concrétiser la solidarité arabe. Elle se heurte à la création de l'État d'Israël en 1948. Au lendemain d'une guerre désastreuse (→ guerres israélo-arabes), le mouvement nationaliste arabe prend un caractère révolutionnaire et de lutte de libération contre la domination occidentale. L'Égypte révolutionnaire et socialiste de Nasser (1952-1970) en est la tête de file. C'est la fin des régimes d'inspiration libérale, sauf au Liban.

Dans les années 1950, l'islamisme, qui jusque-là était surtout une branche de l'arabisme, devient une force d'opposition aux régimes progressistes. Il s'ensuit dans ces pays une répression impitoyable. Les pays conservateurs comme l'Arabie saoudite utilisent l'islamisme comme arme contre le nationalisme arabe progressiste.

Une guerre des frontières oppose à partir de 1949 Israël et ses voisins arabes. En 1956, Israël s'allie avec la France et la Grande-Bretagne pour mettre fin, en Égypte, au régime de Nasser (→ crise de Suez). L'objectif n'est pas atteint, mais Israël a réussi à s'assurer le calme le long de la ligne d'armistice avec l'Égypte (bande de Gaza comprise).

3.4. La « guerre froide arabe »

Dans les années 1960, une « guerre froide arabe » oppose les États socialistes et les États conservateurs, tandis que les derniers États du Golfe (→ Bahreïn, Oman, Qatar) deviennent indépendants (1971). La lutte d'influence entre les blocs de l'Est et de l'Ouest interfère avec les conflits régionaux. Les pays les plus militants contre Israël reçoivent l'appui de l'Union soviétique bien que le discours officiel s'en tienne au « neutralisme positif » entre les deux blocs.

La guerre des Six-Jours (1967) est tout aussi bien la conséquence de la radicalisation révolutionnaire arabe, de la renaissance politique des Palestiniens que de la guerre froide entre l'Est et l'Ouest et des ambitions territoriales israéliennes sur l'ensemble de l'ancienne Palestine.La défaite arabe et la diffusion de la rente pétrolière mettent fin au conflit idéologique entre États arabes. La Syrie et l'Égypte, soutenues par les États pétroliers, se lancent dans la guerre du Kippour d'octobre 1973 afin de récupérer leurs territoires perdus (→ guerres israélo-arabes). Ces États entrent ensuite avec Israël dans un processus de paix chaotique dont la principale difficulté est la place à donner aux Palestiniens dans le règlement final. Les mouvements révolutionnaires de gauche survivent dans la résistance palestinienne et dans la guerre civile libanaise (1975-1991).

3.5. Les années 1990

Les États arabes anciennement révolutionnaires se sont transformés en dictatures policières et bureaucratiques soumises aux ajustements structurels imposés de l'extérieur. La contestation politique et nationale est reprise par les mouvements islamistes qui profitent d'un malaise social réel et de l'absence de liberté. La guerre particulièrement sanglante entre l'Iraq et l'Iran, entre 1980 et 1988, est d'abord la continuation de la guerre civile entre le régime baassiste irakien, contrôlé par les sunnites et dont l'idéologie est l'unité arabe, et les mouvements chiites révolutionnaires qui ont le soutien de l'Iran et d'une partie considérable de la population (→ guerre Iran-Iraq). Le régime de Saddam Husayn a aussi l'ambition explicite d'imposer son hégémonie sur l'ensemble de la région. La révolution islamique venue d'Iran n'a de relais locaux que dans les régions de peuplement chiite (Liban, Iraq), mais sert d'exemple à suivre pour les islamistes d'obédience sunnite.

Le déclin de l'Union soviétique fait perdre aux États arabes leur principal allié face à Israël et le frein qu'il constituait vis-à-vis de la domination américaine. Saddam Husayn tente de profiter de la conjoncture pour se saisir du contrôle de la rente pétrolière, ce qui lui aurait permis d'établir une domination sans partage sur la région. Il compte profiter de l'impopularité des régimes arabes à la suite des contre-chocs pétroliers. L'invasion du Koweït (août 1990) provoque la constitution d'une coalition internationale animée par les États-Unis qui remporte la guerre du Golfe de 1991.

L'Iraq de Saddam Husayn est soumis à un embargo qui est en fait un blocus aux conséquences sociales et humaines particulièrement destructrices. Le malaise politique est réel dans l'ensemble de la région. L'intronisation en 1999 d'Abd Allah II, fils du roi Husayn de Jordanie, puis l'arrivée au pouvoir en 2000 en Syrie de Bachar al-Asad, qui succède à son père Hafiz al-Asad, amorcent la relève politique au Proche-Orient. Mais ces deux nouveaux chefs d'État se révèlent bientôt – tant dans les affaires intérieures de leur pays qu'au niveau régional – des hommes de la continuité plutôt que du changement.

4. Le xxie siècle

4.1. Les crises palestinienne, irakienne et libanaise

Les affrontements israélo-palestiniens à partir de septembre 2000 ravivent les tensions entre les pays arabes et l'État hébreu (suspension de leurs relations diplomatiques fin mai 2001). La population de ces États, excédée par la quasi-impunité dont semble jouir Ariel Sharon dans les territoires palestiniens et par les nouvelles menaces que les États-Unis font peser sur l'Iraq, au nom de la bataille planétaire contre le terrorisme, au lendemain des attentats du 11 septembre 2001, est traversée par un courant d'antiaméricanisme virulent. En revanche, les gouvernements, divisés, se montrent très prudents et restent, pour la plupart d'entre eux, « discrets » sur ces questions, soucieux de ne pas mécontenter Washington (Égypte, Jordanie, etc.).

Néanmoins, en février 2002, le prince héritier Abd Allah d'Arabie saoudite, reprend l'initiative dans le conflit israélo-palestinien en proposant une sorte de marché à Israël : la paix avec l'ensemble des pays arabes contre le retour aux frontières de 1967. Adoptée à l'unanimité par les États de la Ligue arabe lors du sommet de Beyrouth, en mars 2002, cette proposition est accueillie favorablement par Israël et saluée par l'ensemble de la communauté internationale, mais elle n'aura cependant pas de suite immédiate. Il en sera de même en 2003 pour le projet de « feuille de route » soutenu internationalement et qui a reçu l'acceptation formelle des protagonistes.

Après leur victoire en Afghanistan, les États-Unis se tournent contre l'Iraq de S. Husayn, accusé de posséder des armes de destruction massive et de soutenir le terrorisme international. Cependant, Washington n'arrive pas à fournir les preuves de ses allégations. La France et l'Allemagne s'opposent au conflit imminent et œuvrent pour une solution diplomatique. Les Américains, soutenus par les Britanniques, passent à l'offensive sans légitimation internationale le 19 mars 2003. Bagdad est prise le 8 avril et le régime baassiste s'effondre. L'occupation du pays se révèle difficile. Au bout de quelques semaines, une résistance multiforme se développe et les attaques se multiplient contre les forces de la coalition menée par les États-Unis. Durant l'année 2004, les Américains doivent faire face à des soulèvements chiites puis sunnites. En janvier 2005, les élections sont une victoire politique pour la coalition mais le pays vit un état de guerre civile et communautaire ; la violence demeure quotidienne. Si une Constitution est adoptée, elle ne met pas, loin de là, fin à la violence, qui s'amplifie.

Dans la péninsule arabique, le terrorisme islamiste tente de s'implanter, en particulier en Arabie saoudite, avec des attentats visant des étrangers. La hausse continue des prix du pétrole en raison de la croissance de la consommation mondiale redonne un élan puissant à l'économie des pays du Golfe. Dubai devient une place économique, commerciale et financière de première importance dans l'économie mondiale. Au Liban, un mouvement populaire demandant le retrait des Syriens se développe à partir de l'automne 2004. Il reçoit le soutien de la France et des États-Unis (résolution 1559 du Conseil de sécurité de l'ONU). L'assassinat de l'ancien Premier ministre Rafic Hariri, en février 2005, lui donne un puissant élan, qui, avec l'aide internationale, aboutit au départ de l'armée syrienne en avril 2005. En Égypte, l'opposition a pour la première fois les moyens de se faire entendre lors des élections législatives et présidentielle de 2005. Les Frères musulmans en bénéficient plus que les partis d'opposition « laïques ».

L’année 2006 voit la menace d'un conflit communautaire entre chiites et sunnites en raison de l’aggravation de la situation en Iraq. Néanmoins, la guerre menée par Israël contre le Liban en juillet-août confère, momentanément, un grand prestige au Hezbollah. Mais le mouvement chiite perd une grande partie de son crédit en se lançant dans une épreuve de force contre le gouvernement libanais.

En 2007, les crises iraquienne, libanaise et palestinienne ne connaissent aucune solution alors qu'une confrontation majeure avec l'Iran, accusé de vouloir se doter d'un armement nucléaire, paraît se profiler à l'horizon. Les perspectives paraissent particulièrement sombres car les différentes questions politiques semblent inextricablement liées, d'où l'impossibilité d'une solution partielle. Le spectre d'affrontements communautaires relance les risques de guerre civile. À la fin de 2007, la conférence d'Annapolis permet la relance d'un processus de paix en Palestine, mais les espoirs suscités sont plutôt modérés. En Iraq, les Américains annoncent une amélioration sensible de la situation sécuritaire grâce à leur nouvelle politique militaire. L'axe syro-iranien semble conserver une position de force grâce à son implication dans les dossiers libanais et irakien. Les perspectives économiques sont meilleures grâce au maintien à un très haut niveau des prix pétroliers dans des conditions qui paraissent durables. Les émirats du Golfe se sont lancés dans une politique audacieuse destinée à préparer l'après-pétrole ainsi que dans des projets d'institutions culturelles et d'établissements d'enseignement supérieur prestigieux.

4.2. Les années 2008, 2009 et 2010

2008 et le début de 2009 sont marqués par la violence mais aussi par l'espoir, avec en arrière-fond les attentes placées dans la nouvelle administration américaine de Barack Obama d'un retour à la diplomatie multilatérale et d'une politique de main tendue vis-à-vis du monde musulman que symbolise le Discours du Caire. Toutefois, ces espoirs sont de courte durée. Sur le plan économique, la situation est marquée dans la région par une flambée des cours du pétrole, qui se traduit – comme dans le reste du monde – par un ralentissement de la croissance et une hausse des prix sur les denrées de première nécessité. Sur le plan politique, l'année 2008 se clôture en Palestine par une opération militaire israélienne d'ampleur dans la bande de Gaza, qui a pour objectif de saper les bases organisationnelles du Hamas. Condamnée sur le plan international, cette offensive ne résout aucun des problèmes politiques de fond entre les deux parties israélienne et palestinienne. Sur le plan interne, les tentatives de formation d'un gouvernement d'union nationale qui font suite à la guerre échouent – rendant la partition politique et territoriale entre la Cisjordanie, tenue par le Fatah, et la bande de Gaza, aux mains du Hamas, de plus en plus structurelle.

Au Liban, une sortie de crise est à l'œuvre avec l'élection d'un président de la République, le général Michel Sleimane, en mai 2008, et la formation d'un gouvernement d'union nationale, à laquelle la Syrie ne s'oppose pas. Mais la paix demeure fragile après la victoire des forces gouvernementales aux élections législatives de 2009, qui signe l'autonomisation politique de la communauté sunnite face à la Syrie et au Hezbollah, et l'entrée en fonction du Tribunal international spécial pour le Liban (TSL) chargé de juger les coupables de l'assassinat de Rafic Hariri. Le Président syrien Bachar al-Asad utilise, toutefois, sa politique de « mise en retrait » dans le dossier libanais pour négocier, auprès des États-Unis et de la France, la fin de son isolement diplomatique.

En Iraq, l'heure est également à la normalisation avec une diminution des violences et la tenue d'élections provinciales en 2009, qui débouchent sur une victoire du Premier ministre Nuri al-Maliki et la perte de vitesse des partis communautaires. Mais là aussi, l'accalmie politique semble précaire : aux élections législatives de 2010, le camp du Premier ministre sortant est mis en minorité et plus de neuf mois sont ensuite nécessaires pour parvenir à la conclusion d'un gouvernement. Sur le plan sécuritaire, l'heure n'est pas non plus à la stabilité : le nombre d'attentats contre les forces de police irakienne et les populations civiles (notamment, les communautés chrétiennes) ne cesse d'augmenter alors que les États-Unis ont annoncé le retrait intégral de leurs troupes, au plus tard pour la fin 2012.

4.3. Depuis 2011

La fin de l'année 2010 et le début de l'année 2011 semblent ouvrir un nouveau cycle dans la région, avec l'émergence de soulèvements populaires massifs en Tunisie, puis en Égypte, qui prennent de cours les appareils politiques en place et conduisent au départ précipité des dirigeants Ben Ali et Moubarak, respectivement en janvier et mars 2011. Les révoltes anti-gouvernementales se propagent ensuite dans la région, en Libye, au Yémen, à Bahreïn comme en Syrie.

L'autoritarisme exacerbé des régimes constitue leur arrière-fond commun. À travers les mobilisations populaires, se manifeste une même aspiration à davantage de liberté et de dignité, qui transcende les appartenances politiques et les origines sociales. Cependant, chaque révolte a sa dynamique propre. La Libye, qui est le théâtre d’une véritable guerre civile à compter de février 2011 dans laquelle intervient militairement l’Otan, connaît un effondrement total de son ancien régime (octobre 2011), mais aussi l’écroulement de ses structures étatiques et, parallèlement, la montée en puissance de centres de pouvoirs locaux.

En Syrie, la capacité de résistance et d’organisation de la société émerge au fil des mois alors que l’on la pensait totalement sclérosée par la peur et atomisée. Toutefois, au bout d’un an de révolution, et alors que la communauté internationale fait preuve d’une incapacité récurrente à imposer à B. al-Asad de renoncer à la violence armée contre sa population (ce dernier bénéficiant du soutien russe, chinois et iranien), la Syrie paraît entrer dans une dynamique de guerre civile.

De son côté, le Yémen illustre la capacité de résilience de l’ancien système et la récupération de la révolte par les acteurs politiques traditionnels (partis d’opposition comme tribus), en dépit du départ négocié (en février 2012) du président Saleh (en place depuis 1978).

Sur le plan régional, l'Égypte retrouve progressivement un rôle de médiateur dans les conflits : réinitialisant le dialogue interpalestinien, elle parvient à faire adopter au printemps 2011 un accord de réconciliation nationale au Fatah et au Hamas – qui demeure néanmoins sans suite –, et contribue à l'amélioration de la situation humanitaire dans la bande de Gaza en entrouvrant le terminal frontalier de Rafah.

De son côté, la Turquie continue à se poser en acteur-pivot dans la région, même si elle paraît embarrassée par la rupture du statu-quo. Par exemple, en Libye, alors qu’elle s’est opposée à l’implication des forces de l’Otan dans la bataille, elle finit par reconnaître la légitimité du Conseil national de transition à gouverner en lieu et place du colonel Kadhafi. De la même façon, en Syrie, alors qu’elle apporte rapidement son soutien politique et logistique aux opposants au régime de B. al-Assad (qui manifestent leurs premiers signes de rébellion en mars 2011), elle craint parallèlement une déstabilisation de sa frontière Sud-Est – région majoritairement peuplée de Kurdes traditionnellement opposés au gouvernement d’Ankara.

pour en savoir plus

• Arabie saoudite
• Bahreïn
• Égypte : vie politique depuis 1952
• Iraq : histoire
• Liban : histoire
• Libye : histoire
• Palestine
• Qatar
Question palestinienne
• Syrie : vie politique depuis 1941
• Yémen

Mais c’est surtout l’Arabie saoudite et le Qatar qui tirent leur épingle du jeu dans le sillage des révoltes arabes. Riyad, soucieuse d’éviter un effet « domino » dans la région et préoccupée par la défense des intérêts des sunnites contre les risques supposés de constitution d’un « arc chiite » que porterait l’ennemi iranien, apporte son soutien financier à des États potentiellement menacés de révolution, comme le Maroc ou la Jordanie. Le royaume saoudien intervient aussi au Yémen, en organisant une transition politique qui lui permet de préserver ses intérêts tout en garantissant l’amnistie au président Saleh acculé au départ. À Bahreïn, Riyad se retrouve à la tête d’une coalition militaire dépêchée par le Conseil de coopération du Golfe (CCG) pour venir en aide à la dynastie des Khalifa, qui fait face à une révolte massive majoritairement portée par des populations chiites. De son côté, Doha soutient activement les mouvements politiques sunnites proches des Frères musulmans dans leurs demandes d’aspiration à un plus de liberté et s’engage politiquement, financièrement et, parfois, militairement, au côté des acteurs des différentes révolutions.

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