Barack Hussein Obama
Homme d'État américain (Honolulu 1961).
1. Une solide formation
D'origine kényane par son père, un Luo de culture musulmane mais athée venu faire ses études d'économie à l'université d'Hawaii, il est élevé par sa mère, une Américaine du Kansas qui se remarie après le départ de son conjoint pour Harvard (puis définitivement pour le Kenya) et s'établit en Indonésie. À dix ans, Barack (« béni » en arabe et en swahili) rejoint ses grands-parents maternels à Honolulu. Diplômé en sciences politiques et en relations internationales de la prestigieuse université de Columbia, il interrompt rapidement un début de carrière prometteur dans les affaires et, préférant « donner sa voix aux sans-voix », devient éducateur social dans le quartier noir défavorisé de South Side, à Chicago. C'est là qu'après trois années d'étude de droit à l'université d'Harvard (1988-1991) où il s'illustre notamment en devenant le premier rédacteur en chef afro-américain de l'éminente Harvard Law Review –, il enseigne les questions constitutionnelles à et entre dans un cabinet juridique spécialisé dans la défense des droits civiques. Son épouse depuis 1992, Michelle Robinson, avocate proche du maire de la ville, Richard M. Daley, et figure du parti démocrate, l’enracine, par sa propre histoire familiale, dans la tradition et la communauté afro-américaines, alors que le parcours du jeune homme, malgré son choix d’un travail de terrain auprès des Noirs défavorisés, l’apparente bien plus à l’immigrant qui réussit aux États-Unis. Elle l'encourage à se lancer dans une carrière politique.
2. Les débuts politiques : de Chicago à Washington, un démocrate sur les traces de Lincoln
Élu au Sénat de l'État de l'Illinois (1996), il se distingue à la fois par ses prises de position « libérales » (progressistes) en faveur de la couverture sociale pour les plus démunis, de la défense des homosexuels et de la lutte contre le sida, ainsi que par sa capacité à trouver des compromis avec les opposants républicains. En dépit d'un bilan plutôt flatteur, il échoue à se faire élire candidat à la Chambre des représentants contre le titulaire Bobby Rush, ancien membre des Panthères noires, lors des primaires démocrates de 2000. En 2003, il est l'un des rares hommes publics américains à participer à des manifestations pacifistes et à prendre position contre la guerre en Iraq. L'année suivante, à Boston, il ouvre la Convention du parti, qui lance officiellement la campagne de John Kerry à l'élection présidentielle, et il se fait remarquer par un discours (« The Audacity of Hope ») qui fait l'apologie du rêve américain – une Amérique généreuse, égalitaire et multiraciale – ce qui lui confère un statut de jeune espoir politique d'envergure désormais nationale. Élu sénateur des États-Unis (Illinois) dans la foulée, il annonce sa participation au prochain concours à l'investiture de sa formation depuis Springfield, ville du « grand émancipateur » Lincoln, le 10 février 2007.
3. Un Afro-Américain à la conquête de la Maison-Blanche
Appelant au changement dans un contexte de désavœu général de l’équipe sortante, il crée la surprise et parvient à s'imposer dans les primaires après une compétition acharnée avec Hillary Clinton, initialement donnée favorite (juin 2008). Pendant l'été, il choisit un vieux routier de la politique et des affaires internationales en la personne du sénateur du Delaware, Joseph Biden comme colistier. Son charisme, le professionnalisme de son staff de campagne, le rejet de l'Administration Bush dans l'opinion et l'inquiétude grandissante des Américains devant l'ampleur d'une crise financière qui menace de dégénérer en dépression majeure lui assurent une large victoire aux élections du 4 novembre avec près de 53 % des suffrages populaires contre 46 % pour son rival, le sénateur républicain John McCain. À son entrée en fonction en tant que 44e président des États-Unis le 20 janvier 2009, il devient le premier Afro-Américain à accéder à la Maison-Blanche. Si l’exploit de ce double et lointain héritier d’Abraham Lincoln et de Martin Luther King ne signifie pas la fin de préjugés racistes ancrés dans la société, il scelle l’avènement d’une nouvelle Amérique, beaucoup plus diverse dans sa composition, peut-être déjà en passe de devenir post-ethnique.
4. Une immense promesse de changement et d'espoir ? …
À ce poste, il s'applique à affronter le violent retournement conjoncturel en obtenant du Congrès un vaste plan de soutien de l'activité de 787 milliards de dollars dès la mi-février, puis de ses partenaires internationaux du G20 réunis à Londres au début d'avril le principe d'une relance concertée à l'échelle mondiale. Soucieux d'éviter de nouvelles faillites, il donne son feu vert à la nationalisation partielle de Citigroup (février) et de General Motors, de même qu'il accepte l'absorption de Chrysler par Fiat (juin). Il œuvre à la reformulation de la politique énergétique et environnementale nationale, appelant à l'adoption de normes plus strictes d'émission de CO2, tentant de promouvoir une ambitieuse loi sur le climat et pariant sur l'« économie verte » pour alléger la dépendance pétrolière de son pays envers l'étranger et replacer l'Amérique sur le chemin d'une croissance plus durable.
Ce faisant, il se heurte aux résistances du Congrès et des lobbies, qui finissent par enterrer le projet. Dans ce contexte d’inerties et d’oppositions, l’adoption au début 2010 d’un projet phare de sa campagne, l’assurance-santé pour tous, même sous une version amendée et allégée, fait figure de victoire majeure, d’autant qu’elle est suivie en juillet par le vote d’une réforme bancaire qui renforce la réglementation du secteur et vise à limiter les risques pris par les opérateurs dans les manœuvres spéculatives. Ces succès, fruits de concessions, font néanmoins des mécontents : ils alimentent dans une partie croissante de la population un fort courant de rejet de l’État et de son intervention et déçoivent les plus militants des démocrates. De même, la stabilisation de l’économie ne satisfait guère des Américains inquiets des perspectives limitées de croissance et du niveau toujours élevé du chômage (près de 10 %), alors que la réaction tardive de l’Administration face à la marée noire qui souille au printemps et à l’été les côtes de Louisiane à la suite de l’explosion d’une plateforme pétrolière dans le Golfe, incarne à leurs yeux son impuissance.
5. …ou la tentation du repli et le temps des désillusions ?
B. Obama et son camp abordent dès lors la campagne des midterms de novembre 2010 avec de lourds handicaps, et subissent une cuisante défaite, qui les prive du contrôle de la Chambre tout en réduisant nettement leur majorité au Sénat. Le président se voit devant l’alternative suivante pour la seconde partie de son mandat : soit une partie de bras de fer avec les républicains avec comme conséquence le blocage des institutions, particulièrement dommageable en temps de crise, soit la recherche plus systématique encore de compromis, au prix de l’édulcoration de son programme et de nouvelles déceptions au sein de larges franges de ses électeurs de 2008 – autant d’obstacles sur le chemin d’une réélection en 2012. Mais auparavant, il obtient du Congrès sur le départ l’adoption de nouvelles lois, qui redorent son crédit, son image et son action : abrogation – conformément à une promesse de campagne – de la levée du tabou sur les orientations sexuelles des militaires, ratification du traité START de limitation des têtes nucléaires américano-russes, et indemnisation des dépenses de santé des agents publics ayant travaillé sur les décombres du World Trade Center de New York.
Puis il arrache au Grand Old Party appelé à prendre le contrôle de la Chambre et donc la maîtrise des lois budgétaires la prolongation à 13 mois des allocations chômage moyennant le report de 2 ans de la réforme fiscale des très hauts revenus qu’il projetait de mener. Comptant sur le Sénat et les attributions que la Constitution attribue à l’exécutif pour contrer les projets de casse de la réforme-santé difficilement adoptée un an plus tôt ou la remise en question de la politique environnementale que son Administration cherche à promouvoir, il parvient à s’opposer au nouveau Congrès, et notamment à la majorité des représentants républicains à partir de janvier 2011. Il sait aussi manier la force avec John Boehner, le nouveau Speaker, et ses collègues de la majorité, réduisant in fine en avril à 38,5 milliards de dollars, c’est-à-dire presque au tiers, les économies assignées au gouvernement fédéral pour 2011. S’il prend en mars un décret autorisant – contre ses engagements de candidat – la détention illimitée des prisonniers de Guantánamo, au grand dam des plus progressistes des démocrates, il est aussi contraint de répondre aux attaques de ses plus farouches opposants, qui remettent en doute sa nationalité américaine et l’obligent à se fendre de la publication d’un acte de naissance fin avril, alors qu’il s’apprête à réorganiser pour l’été son conseil de sécurité. La mort d’Oussama Ben Laden, tué lors d’une opération menée contre son repaire pakistanais le 1er mai, vaut à B. Obama un surcroît de popularité, et la validation de sa politique de défense, longtemps contestée.
L’été voit le président et les républicains s’empoigner au sujet de la dette publique, qui atteint son plafond autorisé. Si le premier vient finalement à bout de l’opposition acharnée des seconds, qui conduit l’agence de notation Standard and Poor’s, à dégrader le crédit du pays, le compromis dégagé ne fait que remettre à plus tard, en l’occurrence à l’extrême fin 2012, les choix difficiles : hausse des impôts, notamment des plus riches, ou baisse des dépenses publiques, en particulier des budgets sociaux. Ce modus vivendi entre parties laisse en somme aux électeurs le soin de trancher à terme entre ces deux politiques et orientations partisanes et idéologiques. Dès lors s’engage une campagne fort incertaine et très rude, mettant aux prises d’une part le président sortant, plombé par la fragilité de la reprise et le poids des attentes non tenues, mais auréolé de sa victoire contre le terroriste Ben Laden et de la validation par la Cour suprême en juin 2012 de son projet phare d’assurance santé, et d’autre part son challenger républicain, le mormon, ex-gouverneur du progressiste Massachusetts et richissime ancien gestionnaire de fonds Mitt Romney, seul rescapé de la sanglante bataille des primaires de son camp.
6. Une réélection historique
Avec 51 % des voix à l’échelle nationale et 332 Grands Électeurs, B. Obama remporte assez facilement la présidentielle de novembre 2012. Il est vrai qu’il doit surtout ce succès aux interrogations voire aux inquiétudes suscitées au sein d’une partie de la population (minorités, modérés, femmes notamment) par tout ou partie du projet très droitier présenté par son adversaire M. Romney. À quoi s’ajoutent une légère amélioration de la situation économique et notamment du front de l’emploi ainsi que l’efficacité de sa machine électorale, davantage en phase avec les évolutions de fond de la société américaine que celle de son concurrent.
Deuxième président démocrate à être réélu depuis 1944, il est aussi le premier Afro-Américain à être reconduit à la Maison-Blanche, ce qui confirme un peu plus, sans pour autant la sceller indubitablement, l’orientation post-ethnique prise par les États-Unis contemporains. Même s’il n’améliore pas son score de 2008 et ne parvient pas à redonner aux démocrates, dans la foulée, le contrôle de la Chambre des représentants, le parti de l’âne regagne du terrain dans les deux assemblées : d’une certaine manière, B. Obama obtient des électeurs un mandat pour mener les réformes fiscales, économiques, écologiques qu’il leur a présentées.
7. Un dernier mandat en demi-teinte : difficultés multiples et succès ponctuels
Or le bras de fer entre la Chambre républicaine et l’Administration ne tarde guère à s’engager à nouveau : après avoir accepté de relever à la marge l’imposition des plus riches, les représentants du Grand Old Party refusent au début mars 2013 d’aller plus avant et de transiger avec leur plan de coupes dans les dépenses fédérales. Dès lors s’enclenchent automatiquement des mesures de taille budgétaire arbitraire et massive, affectant avant tout services publics, Défense et… croissance.
Par ailleurs, les propositions présidentielles de relèvement du salaire minimum, de législation environnementale, de contrôle des armes à feu ou de régularisation des sans-papiers s’enlisent, cependant que B. Obama se trouve contraint à rouvrir l’épineux dossier de la lutte contre le terrorisme ou à réagir à une série de scandales qui ternissent la réputation des agences fédérales (fisc, agences de renseignement). En particulier, il doit répondre auprès de l’opinion comme des alliés européens des activités de surveillance de la NSA après que le lanceur d’alerte Edward Snowden en révèle l’ampleur et la nature, non sans se heurter au passage à l’opposition d’un Nicolás Maduro, Evo Morales, Daniel Ortega ou Vladimir Poutine, trop heureux de se saisir du cas de l’ex-fonctionnaire américain pour enfoncer un coin supplémentaire dans les relations qu’ils entretiennent avec les États-Unis. Puis c’est sur la Syrie de Bachar al-Assad que le président se voit acculé au recul au début de septembre, devant remiser, face à la défection britannique et à l’opposition russe, l’hypothèse d’une intervention militaire.
La nouvelle bataille qui se noue entre la Chambre et la Maison-Blanche à propos du plan santé universelle que les plus radicaux des républicains veulent enterrer à l’occasion du vote du budget et du replafonnement de la dette à la fin du mois conduit, faute de concessions de part et d’autre, à la fermeture partielle du gouvernement pendant plus de deux semaines. Mais si B. Obama sort par le haut de ce blocage des institutions, son Administration essuie bientôt les ratés de la mise en œuvre informatique de ce programme, discréditant à la fois sa politique, son équipe, et même sa personne… Dès lors, qu’importent la disparition de ces dysfonctionnements au cours de l’année 2014, le vote en février, au Congrès, du relèvement de la dette, ou le retour confirmé de la croissance : nombreux sont les Américains à estimer être exclus de ses bénéfices et à faire porter la responsabilité de l’accroissement des inégalités à l’administration en place ; ce qu’atteste la piètre performance des démocrates lors des élections de midterm puisqu’ils reculent en siège et perdent le contrôle du Sénat.
Privé désormais de tout appui au Congrès, le président n’en multiplie pas moins les initiatives, quitte à heurter de front ses adversaires politiques : s’il obtient d’eux la reconduction du financement de l’État fédéral d’ici à la fin de son mandat, il propose de régler par décrets exécutifs la question des millions de travailleurs clandestins en suspens dans les deux assemblées législatives et de réduire significativement l’empreinte carbone du pays par des biais réglementaires gouvernementaux. En outre, au début 2015, il met son veto au projet de construction du grand oléoduc Keystone reliant l’Alberta et ses sables bitumineux au débouché louisianais. Et en juin, la Cour suprême valide une fois de plus son plan santé tant contesté puis entérine le mariage homosexuel auquel il s’est rallié. Enfin, la réouverture des relations diplomatiques avec Cuba annoncé en décembre 2014 puis la conclusion en avril 2015 des accords internationaux sur le nucléaire iranien pour lesquels il s’est fortement impliqué achèvent d’exaspérer le gros des républicains dont l’électorat lors des primaires qui s’engagent se porte vers les candidats les plus improbables et les plus extrêmes…
Une énième crise institutionnelle dresse la présidence contre le Congrès républicain en février 2016, lorsque le Sénat refuse d’auditionner le candidat, fort modéré, sélectionné par B. Obama pour succéder au juge très droitier A. Scalia, récemment décédé, transférant ainsi à son successeur la possibilité, stratégique, de définir l’orientation politique de la future Cour suprême. Camouflet supplémentaire pour le chef de l’État : désormais temporairement partagée entre conservateurs et progressistes, la plus haute juridiction du pays invalide les derniers décrets exécutifs portant sur le climat et la régularisation des sans-papiers.
L’année électorale s’engage dans un climat assombri par le redoublement de la menace terroriste, avec les attentats sanglants de Chattanooga (été 2015), San Bernardino (décembre), puis Orlando (juin 2016), amplifiant la portée du message populiste de fermeture des frontières et de protection de celui qui devient contre toute attente le candidat du Grand Old Party, Donald Trump. Du côté démocrate, H. Clinton vient à bout, non sans difficultés, de la concurrence exercée par son challenger à gauche, le sénateur Bernie Sanders. Malgré le soutien d’un chef de l’exécutif redevenu populaire, des sondages régulièrement favorables et les nombreuses controverses alimentées par son adversaire, elle peine à convaincre le gros de sa base électorale et a fortiori à mordre au-delà, au point de créer la surprise, lors du scrutin de novembre 2016, en perdant la plupart des « États pivots » (swing states) et son pari de succéder à B. Obama. Portés de la sorte à la Maison blanche, maintenus à la tête du Congrès, et de fait placés aux commandes de tous les pouvoirs, les républicains ont dès lors les mains libres pour défaire l’œuvre de ce dernier.
8. Une politique étrangère sous le signe du pragmatisme, oscillant entre rupture et continuité, inaction et avancées, reculades et succès
En politique étrangère, prévaut le changement dans la continuité. Barack Obama s'attache en priorité à redorer l'image fortement détériorée des États-Unis dans le monde. Ses premiers gestes de président visent à tirer un trait sur le passif des années Bush Jr. et à amorcer le désengagement du pays de ses zones d’intervention militaire : sans remettre en cause la lutte contre le terrorisme, le nouvel hôte de la Maison-Blanche condamne officiellement l'usage de la torture et des prisons secrètes, de même qu'il affiche – avec une certaine précipitation – son intention de fermer rapidement le centre de détention de Guantánamo : vœu pieux, comme en témoignent l’imbroglio juridique dans lequel se débat son Administration et le décret qu’il signe en mars 2011 autorisant la détention illimitée in situ des prisonniers restants. Et s'il souhaite accélérer le retrait des troupes d'Iraq (effectif à la fin 2011), c'est d’abord pour les redéployer en partie sur le théâtre afghan (continûment renforcé dès février 2009 jusqu'à ce qu'à partir de la mi-2011 s'amorce un progressif désengagement, par ailleurs ralenti dès 2014 puis gelé en 2015), et ensuite pour en réaffecter une fraction sur le front de la lutte contre l'État islamique à partir de la fin 2014.
À plusieurs reprises dans de grands discours (à Ankara en avril 2009, puis au Caire en juin), il s'emploie à donner des signes de respect et en somme des gages à la « rue arabe ». Il associe le geste à la parole en cherchant à se saisir du dossier proche-oriental, non sans faire montre d'une plus grande fermeté envers l'allié israélien, avec lequel les relations virent de fait bientôt à l’aigre. Il se prononce également en faveur de l'engagement d'un dialogue voire de l'assouplissement des liens avec des puissances jusque-là considérées comme hostiles, tels l'Iran, la Russie, le Venezuela, ou encore Cuba. Et, prenant en compte la restructuration en cours des équilibres à l'échelle de la planète au même titre que l'amoindrissement relatif de la place des États-Unis dans le concert mondial, il plaide pour un nouveau multilatéralisme et la lutte contre la prolifération nucléaire (discours prononcé à Prague en 2009, suivi de la signature d’un nouveau traité START avec la Russie en mars 2010 et de la révision consécutive de la politique nucléaire du pays). C'est d'ailleurs cette question qui nourrit la première « crise » internationale à laquelle il se trouve confronté, à savoir la reprise, dès le début d'avril, des essais balistiques puis atomiques de la Corée du Nord, avant qu'à l'occasion de l'élection présidentielle contestée du 12 juin 2009 ne se rouvre le contentieux iranien.
C’est pour ces efforts « en faveur du renforcement de la diplomatie et de la coopération internationale entre les peuples » qu’il se voit attribuer, à la surprise générale, le prix Nobel de la paix en octobre 2010, devenant par là-même le troisième président américain en exercice à recevoir cette distinction. Malgré ces initiatives, il peine à traduire en actes gestes et paroles : la crise politique de 2010 en Iraq se double d’une recrudescence de la violence, cependant que sur le front afghan la situation s’aggrave, que la situation au Pakistan ne manque pas d’inquiéter, que les menaces terroristes demeurent, et que, par ailleurs, le dossier iranien reste très largement en panne – au moins jusqu'à l'arrivée au pouvoir à Téhéran du modéré Rohani en juin 2013. L'Administration ne parvient pas non plus à rouvrir le dialogue israélo-palestinien, pourtant jugé crucial dans la résorption des conflits de la région, et doit vite se résigner à maintes reprises à l’idée d’un gel du dossier. Et elle rencontre la méfiance sourde puis l’hostilité d'un Kremlin repassé en 2012 dans les mains de Vladimir Poutine. Entre Moscou et Washington, la question syrienne dès 2012 puis l’affaire Snowden en 2013 s’ajoutent bientôt à une longue liste de différends qu'aggravent encore la crise ukrainienne, au cours de l’année 2014, puis l’ingérence informatique avérée des services russes dans le processus électoral américain de 2016.
Les conférences internationales – comme les G20 de Pittsburg en septembre 2009 ou de Séoul en novembre 2010, ou encore le sommet de Copenhague sur le climat en décembre 2009 – voient les positions américaines se heurter à celles de la Chine, et se soldent par autant d’échecs. D’où, progressivement, l’abandon de l’axe Washington-Pékin initialement privilégié, au profit notamment d’un rapprochement au moins parallèle avec New Delhi, initié au reste par G. W. Bush. À bien des égards par conséquent, la ligne du réalisme politique finit par l’emporter sur la remise en cause des orientations passées. La mise en œuvre d’un pivot asiatique, le renforcement des partenariats militaires avec les alliés extrême-orientaux et la conclusion, en octobre 2015, d’un vaste projet de libre échange avec 11 autres nations de l'océan Pacifique, court-circuitant à la fois l’Empire du Milieu et ses initiatives en la matière, accentuent ce virage, à peine amorti par l’accord conjoint sur le traité environnemental de la COP21, à Paris, en décembre 2015.
À nouveau, le président Obama se voit contraint de seconder Séoul face aux offensives de Pyongyang dans la mer Jaune à la fin novembre 2010, menant conjointement avec la marine sud-coréenne des opérations régulières destinées à intimider le voisin du Nord et à faire cesser son bombardement de l’île de Yongpyong. Mais la Corée du Nord s’emploie à défier Washington et le monde occidental, procédant à des tirs de missile balistique au cours de l’année 2012, à une explosion nucléaire en février 2013, et à toutes sortes de menaces par la suite.
Si les fuites de Wikileaks, rendant publics quelque 250 000 télégrammes du Département d’État, sont en partie à l’origine des soulèvements du Maghreb, le président tarde à prendre la mesure du vent de changement qui souffle sur la région et craint avant tout la répétition d’un scénario à l’iranienne. Certes, il salue dès le 14 janvier le départ du président tunisien Ben Ali, mais hésite sur la conduite à tenir envers le fidèle Hosni Moubarak qu’il finit par lâcher en février. Il se voit obligé de s’engager dans une opération armée de l’OTAN en soutien aux rebelles libyens contre le colonel Kadhafi en mars, et se contente ensuite de condamner la répression à l’œuvre par les autorités en Syrie, mais aussi au Yémen et à Bahreïn – des États-pivots dans la lutte menée contre al-Qaida. Barack Obama peut toutefois s’enorgueillir d’avoir porté un coup sérieux à l’organisation terroriste lors de la liquidation de son chef dans son repaire pakistanais le 1er mai par un commando américain. Non sans voir se détériorer davantage les relations entretenues avec les autorités d’Islamabad. Maintenues, ces opérations de traque et d’élimination des chefs d’al-Qaida ou des groupes talibans vont à l’encontre de la politique de dialogue et de réconciliation nationale menée par le nouveau Premier ministre Nawaz Sharif à partir de l’été 2013, fragilisant un peu plus l’entente entre les deux pays…
L’avancée des djihadistes de l’État islamique en Iraq et en Syrie à la mi-2014 contraint B. Obama à l’intervention : de concert avec le grand voisin iranien, il organise la riposte en imposant d’abord un gouvernement d’unité nationale à Bagdad, puis, avec le soutien d’une coalition internationale montée à la fin de l’été, en lançant une campagne de frappes aériennes contre les places fortes du nouvel État islamique qui menace de déstabiliser l’ensemble de la région et d’exporter au-delà le danger terroriste. Ainsi appuyées, les troupes irakiennes sont en mesure de reprendre, à partir de 2015, le contrôle de Ramadi et de Fallouja, puis, à la fin de 2016, d’engager la bataille de Mossoul. Mais, peu désireux d’engager ouvertement les hommes sur ce nouveau front et incapable de régler l’épineuse question du régime à Damas, il ne peut que constater la dégradation dans cette zone du Proche-Orient et laisser en définitive le champ libre aux initiatives russes.
Il assiste de même impuissant à la montée des tensions en Palestine, cependant que l’accord sur le nucléaire iranien qu’il a appelé de ses vœux et que les parties en présence signent finalement en avril 2015 l’éloigne un peu plus du Premier ministre israélien B. Netanyahu et écarte d’autant toute idée de règlement des contentieux au Proche-Orient. Il indispose en outre les alliés du Golfe, et en particulier l’Arabie saoudite, acteur majeur dans les équilibres – et les déséquilibres – de la région. Mais il réintègre au moins temporairement Téhéran dans la communauté internationale, dessinant et désignant par là même de nouveaux horizons aux différents groupes de diplomates et négociateurs.
Par ailleurs, en ouvrant des relations diplomatiques avec le vieil ennemi cubain à partir de décembre 2014, B. Obama solde plus de cinquante années de guerre froide – et d’insuccès de cette politique – sur le continent américain, contribuant à normaliser un peu plus les rapports entre Washington et son ancienne « arrière cour ». Et moins d’un an plus tard, il enrôle dans le grand traité transpacifique de libre-échange qu’il promeut les voisins canadiens, mexicains, mais aussi péruviens et chiliens. C’est donc toujours un pays influent aux destinées duquel préside B. Obama, mais aussi une puissance plus que jamais empêtrée dans des alliances contradictoires et les réalités complexes d’un monde en profond changement. Son successeur, D. Trump, se fait fort d’en rebattre l’ensemble des cartes.
Pour en savoir plus, voir l'article États-Unis : vie politique depuis 1945.