Palestine

Désignation depuis l'Antiquité d'une région du Proche-Orient, située entre la Méditerranée, d'une part, le Jourdain et la mer Morte, d'autre part, recouvrant aujourd'hui l'État d'Israël et les Territoires palestiniens.

HISTOIRE

1. De l'Antiquité aux Ottomans

1.1. Période romaine puis byzantine

Après la conquête romaine (64-63 avant J.-C.), le territoire est divisé en trois circonscriptions administratives portant le nom de « Palestine » 1, 2 et 3.

Au ive siècle après J.-C., début de la période byzantine, la population, d'origine variée (Juifs, Arabes, hellénophones, etc.), se convertit majoritairement au christianisme. Les diocèses de l'Église d'Orient ont conservé jusqu'à aujourd'hui les noms des circonscriptions romaines (le mot « Palestine » n'a ainsi jamais totalement disparu). La région devient la Terre sainte des chrétiens tout en restant un centre actif de l'activité intellectuelle juive (surtout en Galilée).

1.2. La Palestine, terre sainte des musulmans

Après la conquête arabe du viie siècle, une part croissante de la population s'islamise tandis que la présence juive décline inexorablement à cause des nombreuses conversions. Les musulmans gardent le nom de Palestine pour désigner cette région, transformée en circonscription militaire à l'époque du califat omeyyade (fin du viie siècle-début du viiie siècle). C'est à cette époque qu'elle devient également pour les musulmans une terre sainte.

Jusqu'au xie siècle, les garants de l'orthodoxie se méfient de cette évolution, qui leur semble aller au détriment de la primauté de Médine et de La Mecque.

Les saints musulmans locaux, vénérés par les habitants, restent les prophètes de la Bible (→ Moïse, David, Samuel). Cet ancrage biblique fait la spécificité de l'islam palestinien, au point que l'on pourrait parler de « judéo-islamisme »

Au terme d'une évolution historique de plusieurs siècles, le mot « Palestine » disparaît de l'usage courant (bien qu'on le retrouve dans les écrits de certains lettrés du xviie siècle) au profit de celui de Terre sainte. Il en est de même pour Jérusalem, appelée simplement la « Sainte » (en arabe, al-Quds).

Durant les croisades (xiie et xiiie s.), la Palestine devient le champ d'affrontement entre monde musulman et monde chrétien. La région se voit définitivement reconnaître son caractère de Terre sainte au sein de l'islam.

À partir de la fin du xiiie siècle, elle fait partie du sultanat mamelouk, qui l'organise pour résister à une éventuelle réapparition des croisés.

Pour en savoir plus, voir les articles États latins du Levant, croisades.

1.3. Dans l'Empire ottoman (xvie-xixe siècles)

Au début du xvie siècle, la Palestine passe sous l'autorité de l'Empire ottoman.

Des immigrants juifs fuyant l'Espagne s'établissent en Galilée et à Jérusalem. L'inspiration de ce mouvement de population est essentiellement religieuse et les habitants juifs dépendent pour vivre des aumônes de la diaspora. Le xvie siècle est une période de grande prospérité, au contraire du xviie siècle au cours duquel se développe une grave crise économique, sociale et démographique provoquée par l'invasion de tribus bédouines. La région retrouve une certaine prospérité au xviiie siècle.

Dans la seconde moitié du siècle, la réorientation des échanges vers l'Europe permet la renaissance des villes littorales, et un pouvoir semi-indépendant s'établit entre la Galilée et Acre jusqu'en 1834, date de la prise de la ville par les troupes égyptiennes d'Ibrahim Pacha.

Durant ces trois siècles d'occupation ottomane, la présence européenne est volontairement limitée par les autorités ottomanes. Les pèlerinages catholiques, organisés par les franciscains de la custodie (province) de Terre sainte, se font plus rares. La région apparaît ainsi fermée aux Occidentaux.

Les régions littorales sont dévastées en 1799 par les troupes de Napoléon Bonaparte et, au cours des années suivantes, de nouvelles infiltrations bédouines chassent les populations sédentaires vers les hauteurs. L'éphémère occupation égyptienne de 1834-1841 ouvre la Palestine à la présence occidentale.

Après 1840, celle-ci redevient la Terre sainte des puissances chrétiennes qui, occupées à s'affronter pour accroître leur zone d'influence, multiplient les incidents autour des lieux saints. Ces troubles dégénèrent en violences et serviront de prétexte à la guerre de Crimée (1854-1855).

Vers 1860, les Ottomans mettent un terme, par une intervention armée, aux désordres endémiques provoqués par les luttes entre factions paysannes et par les déprédations des Bédouins. Jérusalem est élevée au statut de capitale d'une province indépendante de celle de Damas, et l'espace se restructure autour de l'axe Jaffa-Jérusalem (route, puis voie ferrée). L'économie est fondée sur l'arboriculture méditerranéenne (oliviers et, de plus en plus, agrumes, dont les fameuses oranges de Jaffa). Les pèlerinages et les fondations missionnaires font la prospérité de Jérusalem.

L'ouverture à l'Europe se traduit par l'établissement de lignes télégraphiques, de voies maritimes régulières par bateaux à vapeur et de consulats. Le système des capitulations permet de faire passer une fraction importante de la population juive et chrétienne sous le régime de la protection consulaire, qui la soustrait à la juridiction ottomane.

La population augmente rapidement (350 000 habitants vers 1860 et 800 000 vers 1914). La croissance naturelle la plus importante concerne les chrétiens, mais son effet est atténué par une forte émigration de cette communauté vers les Amériques. À partir de 1870, une immigration juive à vocation économique et de plus en plus politique remplace la traditionnelle arrivée de Juifs pieux subventionnés par les aumônes de la diaspora. Dès le début des années 1880, le philanthrope français Edmond de Rothschild finance la création de colonies agricoles. Il s'agit de rendre les Juifs de Palestine « productifs » et non plus dépendants des aumônes.

Ce n'est qu'à partir de 1908 que l'organisation sioniste fondée par Theodor Herzl dix ans auparavant s'implante réellement dans le pays. À cette époque, la question sioniste devient une des principales raisons qui président à l'émergence d'un mouvement politique arabe en Palestine comme dans les autres provinces arabes de l'Empire ottoman.

2. Première moitié du xxe siècle

2.1. La Palestine dans la Première Guerre mondiale

En 1917 et 1918, la Palestine est transformée en un champ de bataille entre les troupes britanniques du général Allenby et les forces ottomanes. Son futur statut, qui rentre dans le champ des négociations entre les puissances occidentales, reste ambigu :
– la Palestine deviendrait arabe, selon une certaine interprétation de la correspondance échangée entre Husayn ibn Ali Hussein et sir Henry McMahon en 1915-1916 ;
– elle serait internationalisée, selon l'accord Sykes-Picot de 1916 ;
– elle serait dotée d'un foyer national juif, selon la déclaration Balfour du 2 novembre 1917 ;
– ou encore, elle devrait respecter le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, selon les déclarations franco-britanniques de 1918.

Les arbitrages franco-britanniques de l'après-guerre en font un mandat britannique comprenant un Foyer national juif qui ne doit pas s'étendre à la Transjordanie (charte du mandat sur la Palestine ratifiée par la Société des Nations en juillet 1922).

Pour en savoir plus, voir l'article campagnes de Palestine.

2.2. La Palestine mandataire (1920-1948)

Le premier haut-commissaire britannique, sir Herbert Samuel, opte pour un développement séparé des communautés dans le cadre d'une Palestine qui ne serait ni juive ni arabe.

Dans les années 1920, le sionisme est un échec relatif : certes, le Yichouv (communauté juive de Palestine) se structure avec des institutions fortes et puissantes, mais l'immigration juive est tout à fait mesurée et le mouvement sioniste ne dispose pas des moyens financiers de ses ambitions. Néanmoins, une culture juive nouvelle d'inspiration nationaliste est en train de s'établir.

Les relations avec les Arabes sont difficiles. Des violences éclatent entre les communautés en 1920-1921 et, après quelques années de calme, elles reprennent en 1929 autour des Lieux saints de Jérusalem. L'opposition des populations se fonde aussi bien sur la contradiction des projets nationaux – les sionistes veulent un État juif, et les Arabes, un État arabe palestinien éventuellement membre d'une fédération arabe du Proche-Orient – que sur la multiplication des antagonismes locaux.

De profonds antagonismes

Vers 1930, la Palestine est déjà un pays surpeuplé, selon les critères de l'époque, et il n'existe pas de terres inexploitées. La colonisation juive a alors un but moins économique que politique : il s'agit de se donner un territoire et, dans un premier temps, de s'établir sur les axes de communication. Devant le manque de terres à acheter et la résistance des populations, on évoque de plus en plus le « transfert », c'est-à-dire l'expulsion d'une partie au moins des Arabes palestiniens.

Pour ces derniers, l'entreprise sioniste est illégitime et répond à une volonté strictement colonialiste. Pour les sionistes, il n'y a pas de « peuple » arabe en Palestine, mais seulement des habitants arabes qui constituent un obstacle à leurs projets. L'évocation par certains de la constitution d'une entité binationale est rejetée majoritairement par les deux communautés. Aucun accord ne peut être obtenu sur la question cruciale de l'immigration juive.

La révolte des Arabes (1936-1939)

L'avènement de Hitler en Allemagne donne une impulsion décisive au sionisme, qui reçoit les immigrants et les capitaux qui lui manquaient. En 1935, il y a en Palestine 355 000 Juifs sur une population totale de 1 300 000 habitants. Les inquiétudes des Arabes se transforment en 1936 en révolte organisée contre les Britanniques et les Juifs.

Le premier plan de partage proposé en 1937 par Londres provoque un important soulèvement de la population qui dure jusqu'au début de 1940, en dépit d'une sévère répression britannique. En vertu du Livre blanc de 1939, Londres limite de manière drastique l'immigration juive et relance la formule d'une Palestine unitaire, ni juive ni arabe. Toutes les tentatives de compromis échouent en raison de la contradiction des projets nationaux. Le mieux que l'on puisse proposer à l'autre partie, c'est un statut de minorité avec un régime de droits garantis.

La Palestine dans la Seconde Guerre mondiale

Durant la Seconde Guerre mondiale, le pays s'enrichit grâce aux commandes de l'armée britannique. Le secteur juif amorce un mouvement d'industrialisation et les paysans arabes se débarrassent d'un endettement séculaire. Si le Yichouv fournit des soldats à l'armée britannique, les forces de la droite sioniste (groupe Stern, puis Irgoun) multiplient à partir de 1944 les attentats contre les Britanniques.

À la fin de la guerre, le courant majoritaire, dominé par les socialistes, se joint aux actions antibritanniques et organise de spectaculaires opérations d'immigration clandestine. Les coûts militaires, économiques et politiques de la présence britannique deviennent insupportables pour Londres, qui décide au début de 1947 de transmettre le dossier palestinien à l'Organisation des Nations unies (ONU).

Le plan de partage de la Palestine (29 novembre 1947)

Le 29 novembre 1947, l'Assemblée générale de l'ONU vote le plan de partage de la Palestine en deux États, juif et arabe, et Jérusalem est transformée en territoire international. Chacune des parties est étroitement imbriquée dans les autres, ce qui, selon les concepteurs du plan, devrait forcer les intéressés à coopérer. Dans la zone accordée à l'État juif, la population arabe constitue presque la moitié de la population et détient la plus grande partie des terres.

Les Arabes s'opposent à ce partage qui les dépossède de ce qu'ils considèrent comme faisant partie de leur territoire national. Dès le lendemain du vote, la violence éclate entre les communautés. Dans les semaines qui suivent, profitant de l'éparpillement des installations juives dans le pays, ils mènent une guérilla contre les voies de communication. Les forces sionistes, refusant d'abandonner une quelconque position, sont contraintes à une défensive coûteuse en hommes.

Le premier conflit israélo-arabe (1947-1949) et l'exode des Palestiniens

Les Britanniques organisent méthodiquement leur évacuation et limitent leurs interventions sur le terrain. Ils encouragent des négociations secrètes entre le mouvement sioniste et le roi Abdullah de Jordanie pour un partage à l'amiable de la Palestine : le futur État palestinien devant être annexé par son voisin arabe.

Au mois d'avril 1948, les sionistes prennent l'offensive et chassent les populations arabes des régions littorales et d'une partie de la Galilée. Il s'agit surtout d'assurer la sécurité du futur État juif en cas d'interventions militaires des pays arabes.

Ce premier exode de centaines de milliers de Palestiniens provoque ces interventions le 15 mai 1948, date de la fin du mandat et de la création de l'État d'Israël. Le 11 juin, l'ONU impose une trêve temporaire. Le 8 juillet, les hostilités reprennent et les armées arabes sont défaites.

À partir de l'été 1948, les troupes israéliennes procèdent à une action systématique d'expulsion des populations et de destruction de leurs sources de revenus. À l'automne 1948, les Israéliens achèvent la conquête de la Galilée et repoussent les Égyptiens dans le Sinaï, à l'exception de la bande de Gaza, qui passe sous leur administration.

La guerre est officiellement terminée le 7 janvier 1949. La Cisjordanie est annexée par la Jordanie et le nombre de réfugiés palestiniens serait alors de l'ordre de 700 000 à 800 000 (→ guerres israélo-arabes).

Pour en savoir plus, voir les articles Israël : histoire, Question palestinienne.