Mongols
Peuple de haute Asie, aujourd'hui dispersé sur un immense territoire qui s'étend des rives de l'Amour à celles de la Volga et se situe à cheval sur la République de Mongolie, la Chine, la Russie et l'Afghanistan.
Les origines
Dans les steppes qui s'étendent à l'ouest et au nord-ouest de la Chine se concentrent au cours du iie s. avant J.-C. des populations nomades appartenant aux trois branches de la race altaïque : Turcs, Toungouses et Mongols.
Plus effacés que leurs frères en nomadisme, les Mongols ne créent avant le xiiie s. que de rares royaumes : au ier s. et au iie s., celui des Xianbei ; au ve s. et au vie s., celui des Ruanruan ; au xie s., celui des Kitans (ou Kitat).
Les Xianbei et les Murong (ier-ve s.)
Les Xianbei, originaires de la région du Grand Khingan, éliminent vers 155 avant J.-C. les Xiongnu septentrionaux. Vers 350, un de leurs clans, celui des Murong, fonde le royaume de Yan (région de Pékin), qui englobe progressivement le sud de la Mandchourie et le nord-est de la Chine actuelle jusqu'à la ligne du Huaihe avant d'être détruit par un officier, sans doute mongol, au service du roi des Xiongnu méridionaux. Le petit-fils de celui-ci, Fu Jian (357-385), occupe en 370 leur capitale, Ye (Anyang), mais sa puissance est brisée par l'Empire chinois en 383. De ses débris naissent plusieurs petits royaumes : celui des Yen occidentaux (384-394) au Shanxi ; celui des Yen postérieurs (384-407) dans le Hebei et le Shandong ; celui des Qin postérieurs dans le Shaanxi et une partie du Henan.
Les uns et les autres sont également éliminés par le peuple turc des Tabghatchs (en chinois Toba).
Les Ruanruan (ve-vie s.)
Les Tabghatchs mènent de puissantes chevauchées à travers le désert de Gobi (425, 429 et 449) contre les Ruanruan. Ces derniers parviennent néanmoins à y édifier un immense empire qui s'assujettit au ve s. de nombreuses hordes, notamment celle des Huns Hephthalites – sans doute d'origine mongole, dont se seraient détachés les Avars établis en Pannonie du milieu du vie au début du viiie s. – et celle des Tujue, peuple de race turque, dont la révolte victorieuse, sous la direction de Boumin, aboutit au suicide du khaghan ruanruan Anagui (522-552) et à la dispersion de son peuple.
Le temps des Kitans (xe-xve s.) et des Kara Kitay (xiie-xiiie s.)
Les Kitans (ou Kitat), que les Annales chinoises localisent dans le Jehol (en chinois Re he dès 405-406, s'organisent seulement au début du xe s. sous l'égide de Yelü Abaoji, (?-926). Ils édifient un nouvel empire mongol et dominent de 936 à 947 toute la Chine du Nord que leur ont cédée les empereurs de Chine qu'ils ont fait introniser. Yelü Deguang (?-947) fixe en 938 l'une des capitales à Pékin, dont la possession est finalement reconnue en 1004 à ses héritiers (profondément sinisés) par la dynastie chinoise des Song. Mais avec l'appui du peuple toungouse des Jürchen, établi dans le bassin de l'Oussouri, les Song éliminent définitivement les Kitans de la carte de l'Asie (1114-1124). Yelü Dashi (vers 1136-1142), réfugié dans la région du Tarim, fonde alors un nouvel empire : celui des Kara Kitay (Kitay noirs), qui étend son obédience du haut Ienisseï à l'Amou-Daria, englobant même Boukhara et Samarkand et contribuant ainsi à la sinisation de populations musulmanes. Se révoltant contre la tutelle du gur-khan Kara Kitay Yelü Zhilugu (1178-1211), Ala al-Din Muhammad, chah du Kharezm (1200-1220), s'empare de Boukhara et de Samarkand en 1207 ; il rejette ses adversaires à l'est du Pamir et du Syr-Daria. Mais, en les assujettissant les uns et les autres, Gengis Khan met fin brutalement à leurs querelles.
Gengis Khan et la formation de l'Empire mongol (1196-1227)
Les tribus mongoles au début du xiie s.
Pendant que s'effondrent sous les coups de nouvelles hordes barbares les premiers empires mongols, dont les qualités guerrières ont été affaiblies au contact de civilisations plus évoluées, chinoise ou islamique, de nouvelles tribus mongoles se mettent en place. Les plus occidentales, celles de la steppe, ont adhéré au nestorianisme, parfois même au manichéisme : les Naïmans (des Turcs selon Louis Hambis) à l'ouest, entre l'Irtych supérieur et l'Ouvs Nour (Oubsa Nor) ; les Keraïts au centre, dans la région du haut Orkhon, auxquels René Grousset hésite à attribuer une origine turque ou mongole, mais dont la conversion date du début du xie s. ; les Merkits aux confins méridionaux du lac Baïkal. Plus éloignées de l'Europe, les tribus semi-sédentaires qui vivent dans la forêt ou sur ses lisières restent fidèles au chamanisme animiste, tels les Kalmouks, ou Oïrats, établis au nord-ouest de ce même lac, les Solons, implantés entre l'Amour et l'Argoun, les Tatars (Turcs mongolisés selon Hambis), qui résident peut-être depuis le viiie s. entre les monts Khingan et le Keroulen, et surtout les Mongols proprement dits, qui nomadisent encore au début du xiiie s. entre ce dernier fleuve et l'Onon.
La conquête mongole
L'unification des pays mongols (1196-1206)
Temüdjin est proclamé khan des Mongols proprement dits en 1196 sous le nom de Gengis Khan malgré de nombreux rivaux, dont Djamuqa, et grâce au retrait en sa faveur de l'héritier légitime du titre : Altan. À l'appel de la cour de Pékin et à celui de Tuğrul, il aide à vaincre les Tatars sur les bords de l'Ouldza vers 1198 ; puis, lorsque le roi des Keraïts rompt l'alliance qui l'unit à lui, le khan mongol le vainc en 1203 et assujettit son peuple, dont il disperse aussitôt les membres entre les différents clans mongols.
Ayant enfin soumis en 1204 les Naïmans, dernier peuple mongol rebelle à son autorité, Gengis Khan est proclamé, en 1206, khaghan, c'est-à-dire khan suprême de toutes les tribus turco-mongoles.
Les conquêtes de Gengis Khan (1206-1227)
Bien secondé par ses fils, le khaghan assujettit les peuples de la forêt (Kirghiz et Oïrats) pour consolider sa frontière nord. À l'est, il impose sa tutelle aux Turcs Ouïgours, soumet par la force les Tangouts du royaume de Xixia de 1205 à 1209, puis occupe de 1211 à 1223 la Chine du Nord en rejetant les Jin au sud du Huaihe. Il contraint pacifiquement les Kara Kitay à reconnaître son autorité en 1218, avant de briser par la force le Kharezm en 1220-1221 et d'autoriser le raid de cavalerie qui mène en 1222-1223 Subutay et Djebe jusqu'en Russie méridionale, où ils remportent, aux dépens des Coumans (Turcs nomades) et des princes de Russie méridionale, l'écrasante victoire de la Kalka le 31 mai 1223.
L'achèvement de la conquête
Après la mort, le 18 août 1227, de Gengis Khan, la conquête est parachevée par son troisième fils, Ogoday (1229-1241). Celui-ci donne à l'Empire une capitale fortifiée, Karakorum, s'empare de l'empire des Jin de 1231 à 1234, puis décide d'élargir la domination mongole : au Moyen-Orient, où ses forces conquièrent l'Azerbaïdjan et la Transcaucasie (1231-1239) et vassalisent les Seldjoukides d'Anatolie en 1243 ; en Corée, que ses troupes occupent totalement entre 1236 et 1241 ; en Chine méridionale, dont les Song sont finalement éliminés au terme d'une longue lutte qui se prolonge de 1234 à 1279. La conquête de l'Europe est décidée en 1235. Batu Khan (1204-1255), fils de Djutchi (Djötchi), lui-même fils aîné de Gengis Khan, lance en 1236, sous les ordres de Subutay (1186-1246), une armée comprenant peut-être 150 000 guerriers et qu'il déploie en trois ailes : celle du nord détruit le royaume des Bulgares de la Kama ; celle du sud, aux ordres de Möngke (Mangu Khan), soumet les Turcs Coumans établis dans les steppes entre la Volga et le Dniepr ou les oblige à émigrer en Hongrie ; celle du centre, aux ordres de Batu, occupe toute la Russie du Nord à l'exception de Novgorod (1237-1238), puis la Russie méridionale et, faisant la jonction avec les forces de Möngke, saccage Kiev le 6 décembre 1240. Batu redéploie alors ses forces en trois colonnes : à l'aile droite, Qaidu et Baïdar pulvérisent les forces polono-allemandes à Legnica, en Silésie, en avril 1241 ; au centre, Batu et Subutay éliminent les Hongrois de Béla IV au confluent du Sajó et de la Tisza le 11 avril ; enfin, l'Adriatique est atteinte près de Split (Spalato). Mais, au moment où la tenaille mongole va se refermer sur Vienne, au début de 1242, l'annonce de la mort d'Ogoday incite Batu à regagner Karakorum pour poser sa candidature à l'Empire. Ainsi l'Europe occidentale est-elle sauvée d'une inéluctable catastrophe.
De l'unité à la division
Consolidée par le khaghan Güyük (1246-1248), puis par le khaghan Möngke (1251-1259), sous le règne duquel son frère cadet Hulagu élimine les Ismaéliens du Moyen-Orient (1256-1258) et occupe Bagdad en 1258, la conquête mongole se poursuit. Elle est parachevée en Chine par un autre frère du khaghan, Kubilay Khan, qui élimine les Song au terme de deux puissantes offensives. Devenu khaghan, Kubilay Khan (1260-1294) lance des expéditions vers le Champa, l'Annam et la Birmanie, qui feront acte de vassalité. Il transfère en 1267 la capitale de l'Empire de Karakorum à Pékin, où règne son petit-fils et successeur Timur (Temür, 1294-1307).
Mais, en accentuant ainsi la sinisation de l'Empire mongol au moment même où il atteint son expansion maximale, il introduit un nouveau germe de dissociation au sein de cette construction politique trop vaste et trop hétérogène. En fait, dès 1260-1264, les rivalités des Gengiskhanides ont entraîné la transformation de l'Empire en une fédération de khanats d'abord autonomes, très vite ennemis. Au nord-ouest, celui de Kiptchak, fondé à partir de l'ulus de Djutchi, est divisé en Horde d'Or et Horde Blanche ; le khan Berke (1257-1266), frère de Batu, se convertit à l'islam. Au sud-ouest, celui des Ilkhans, fondé par les descendants de Hulagu, est rapidement iranisé, mais plus tardivement islamisé. Au centre, celui des Djaghataïdes du Turkestan se turquise lentement. À l'est dominent les Yuan (nom dynastique des descendants de Kubilay) de Chine, dont les préférences pour le bouddhisme ne les empêchent nullement d'être favorables au christianisme.
Aggravée par la faiblesse numérique des Mongols et par la multiplication trop rapide des membres de la Horde d'Or des Gengiskhanides, qui réclament tous un apanage, la dissociation de l'Empire aboutit à l'élimination de ces derniers du pouvoir. Dès 1335, à la mort d'Abu Said Timur, celle-ci est effective en Iran, où seule la cruelle autorité du Turc Timur Lang (Tamerlan) parviendra à s'imposer dans les dernières années du xive s. Favorisée par des catastrophes naturelles, la révolte nationale chinoise se diffuse entre 1351 et 1368 de Canton à Pékin, et la dynastie des Ming se substitue alors à celle des Yuan. Plus heureux, les successeurs de Djaghataï, empereur de 1227 à 1242, conservent un pouvoir nominal même après la libération définitive de la Transoxiane des Mongols (1363-1365) par les Turcs islamisés de Timur Lang, qui se veut le légitime continuateur de l'œuvre de Gengis Khan. La Horde d'Or est affaiblie par la défaite que lui inflige le prince de Moscou Dimitri Donskoï à Koulikovo en 1380 ; mais, réunifiée presque aussitôt par le chef de la Horde Blanche, Tugtamich (?-1406), le khanat de Kiptchak restaure son joug sur la Russie en 1382 et survit pendant près d'un siècle aux autres États mongols malgré la défaite grave infligée sur le Terek à son souverain par Timur Lang en 1395. Cependant, la Horde d'Or, qui perd le contrôle de la Moscovie en 1480, est détruite définitivement en 1502 par les Moscovites et les Tatars de Crimée, qui se sont détachés d'elle vers 1430 pour constituer un khanat rival, gouverné par Haci Giray (Hadjdji Giray, †1466). En même temps naissaient du démembrement de la Horde d'Or les khanats de Kazan, d'Astrakhan et de Sibérie.
La décadence
Complètement turquisés, les Djaghataïdes, héritiers de Gengis Khan, se dispersent au xvie s. et disparaissent à la fin du xviiie s. Plus énergiques, les héritiers de Kubilay, réfugiés en Mongolie, réunifient une dernière fois les tribus mongoles sous l'autorité de Dayan Khan (1470-1543) et d'Altan Khan (1543-1583), et même menacent Pékin, qu'ils assiègent en 1550. Mais en 1635 la Mongolie orientale passe sous la domination des Mandchous (la Mongolie occidentale est alors sous contrôle des Kalmouks, ou Oïrats), tandis que les derniers Mongols se convertissent au lamaïsme bouddhique.
Finalement, c'est en Occident que la descendance gengiskhanide issue de Djutchi se perpétue le plus longtemps. Sans doute, deux des khanats nés de la dislocation de la Horde d'Or sont-ils rapidement incorporés à la principauté de Moscovie par le tsar Ivan le Terrible : ceux de Kazan (1445-1552) et d'Astrakhan (1466-1556), tandis que le khanat de Kassimov conserve une indépendance au moins nominale jusqu'en 1681. Celui de Crimée, en acceptant volontairement le protectorat ottoman, résiste jusqu'en 1783 à la pression russe.
Plus longue est encore la survie en Asie centrale des khanats chaybanides, issus de Chayban Cheïban, fils de Djutchi ; celui de Sibérie n'est en effet détruit par les Cosaques qu'à la fin du xvie s. ; celui des Ouzbeks, qui contrôle d'abord l'actuel Kazakhstan sous le règne d'Abu al-Khayr (1428-1468), se rétracte finalement à la seule Transoxiane, à laquelle Muhammad Chaybani (?-1510), petit-fils d'Abu al-Khayr donne pour capitale Boukhara, d'où il chasse les Timurides et où lui succèdent la dynastie gengiskhanide des Astrakhanides (1599-1785), puis celle des Mangit (1785-1920) qui reconnaît dès 1866 le protectorat russe. Enfin, deux autres dynasties chaybanides se perpétuent à Kokand (Khokand) de 1710 environ à 1876 et à Khiva de 1512 à 1920, date à laquelle le dernier descendant de Gengis Khan, Abd Allah Khan, est détrôné par les Soviets.
Ainsi s'achève obscurément et misérablement l'histoire d'une dynastie et d'un peuple qui, au temps de leur apogée, ont su édifier le plus vaste empire territorial qui ait jamais existé.
L'instrument de la conquête mongole : l'armée
L'armée mongole est profondément transformée par le génie militaire de Gengis Khan. Elle comprend trois forces essentielles : cuirassée, armée d'une lance et d'une épée ou d'une hache, la cavalerie lourde, d'origine iranienne, doit rompre le front ennemi ; pourvue seulement d'arcs et de lances, la cavalerie légère, de tradition hunnique, surveille, harcèle et poursuit l'adversaire ; équipé de balistes et de trébuchets servis par des spécialistes chinois ou musulmans, le corps du génie permet la prise des places fortes, au siège desquelles concourent également, à la fin du xiiie s., des forces auxiliaires d'infanterie.
Astreintes à un entraînement intensif à la faveur des grandes battues d'hiver rendues obligatoires par Gengis Khan, contraintes à la sobriété, soumises enfin à une discipline de fer, les troupes royales sont regroupées en unités de 10, 100, 1 000 et 10 000 hommes, au sein desquelles s'effacent les distinctions claniques et tribales originelles.
La cohésion de l'ensemble est assurée par la garde personnelle du grand khan, instituée par Gengis Khan et composée de guerriers d'élite largement privilégiés et vénérés dans toutes les tribus mongoles : les 10 000 bahadur. Gengis Khan perfectionne la tactique de l'armée (harcèlement par les archers montés, débordement par les ailes) et surtout sa stratégie, notamment par le déploiement sur des fronts très étendus de puissantes armées dont la concentration en un même point, au jour et à l'heure prévus, permet d'encercler et de vaincre par surprise l'adversaire qui ne dispose pas comme lui d'un service de renseignements préparant plusieurs mois à l'avance et à des milliers de kilomètres de distance l'action décisive.
Les institutions mongoles
Le quriltay de 1206, assemblée générale des chefs des tribus mongoles, décide de fondre toutes les tribus nomades de la Mongolie en une vaste confédération, dont l'organisation est précisée par la loi impériale : le yasa.
Chef de l'État, le grand khan est élu uniquement par les membres de la famille gengiskhanide, dite « famille d'Or », au sein de laquelle doivent être choisis tous les détenteurs du pouvoir suprême ou local. En fait, chacun des fils et des frères de Gengis Khan se voit attribuer un ulus, c'est-à-dire un certain nombre de tribus, et un apanage territorial, amorce des futurs khanats gengiskhanides.
Sous l'autorité du khan est créée une chancellerie impériale dirigée par des secrétaires naïmans, kitans et ouïgours, une cour suprême et surtout la grande armée impériale, à la fois instrument de conquête extérieure et d'ordre intérieur. C'est l'existence de cette armée qui conditionne la structure administrative de l'Empire, divisé en districts militaires, bases de recrutement des unités de 1 000 hommes, dont les chefs sont gouverneurs de province, et de 10 000 hommes (les tümen), dont les commandants sont membres de droit du Grand Conseil impérial. Les uns et les autres sont assistés à tous les niveaux de la hiérarchie par un corps d'élite formé de fonctionnaires civils très efficaces et honnêtes, d'origine étrangère (Ouïgours, Chinois et Iraniens) et nommés presque toujours dans des postes très éloignés de leur pays d'origine, à la seule exception des responsables des services postaux, judiciaires et financiers, toujours d'origine mongole.
La présence de l'armée conditionne également le bon fonctionnement du système des postes (yam), créé aussi en 1206 et qui assure grâce à un réseau très dense de routes et de relais postaux non seulement la libre circulation des nouvelles (et des ordres de l'empereur), mais aussi celle des hommes, des marchandises et des idées des rives du Pacifique à celles de la Baltique et de la Méditerranée. Cette circulation se fait selon deux grands axes est-ouest : Pékin-Saray (ou Sarai) par Karakorum et Kaifeng – Trébizonde (ou Laïas) par la vallée de Tarim et Tabriz ; elle emprunte également un axe nord-sud mi-fluvial mi-maritime : pays Baltes – Égypte par le Don, Kaffa et Alexandrie, axe doublé au début du xive s. par la route Novgorod – Le Caire via la Volga, Astrakhan, Tabriz et Bagdad. Ainsi est assurée l'exceptionnelle prospérité économique de l'Empire, dont le cosmopolitisme se trouve par là même accentué, ainsi qu'en témoigne la présence de colonies de marchands italiens à Tabriz, Astrakhan, Karakorum et Pékin ou la nomination par Kubilay Khan de Marco Polo comme gouverneur d'une province chinoise. Par contrecoup se trouve favorisée l'étonnante tolérance religieuse des Mongols envers le christianisme nestorien, le bouddhisme, le taoïsme et l'islam ; cette tolérance est prescrite par ailleurs par le yasa, qui reconnaît pourtant le chamanisme comme religion officielle de l'Empire. En témoignent le nestorianisme de la première épouse de Gengis Khan, la tenue d'un concile bouddhique à Karakorum en 1265, la création dans cette même ville d'un évêché nestorien en 1275, l'accueil réservé par Möngke en ce même lieu, en 1254, au franciscain Guillaume de Rubroek (vers 1220-après 1293) et par Timur (Temür) à Pékin, en 1294, au franciscain Giovanni da Montecorvino (1247-1328), qui en devient le premier évêque en 1307.
En fait, cette prospérité économique et cette tolérance religieuse ne sont rendues possibles que parce que l'armée impose par la force le respect de l'ordre établi dans le cadre des sanctions impitoyables (le plus souvent la mort) édictées par le yasa en matière de droit international, de droit public, de droit pénal, de droit civil et de droit commercial, et aussi parce qu'elle rend possible la levée des impôts selon un système complexe de tributs imposés aux peuples vaincus à partir du règne d'Ogoday.