URSS
sigle de Union des républiques socialistes soviétiques, en russe (SSSR) (Soïouz sovietskikh sotsialistitcheskikh respoublik)
Ancien État d'Europe et d'Asie (1922-1991) ; 22 400 000 km2 ; capitale : Moscou. L'URSS était constituée, après la Seconde Guerre mondiale, de quinze républiques : Arménie, Azerbaïdjan, Biélorussie, Estonie, Géorgie, Kazakhstan, Kirghizistan, Lituanie, Lettonie, Moldavie, Ouzbékistan, Russie, Tadjikistan, Turkménistan, Ukraine.
HISTOIRE
Issue de la révolution d’octobre 1917, marquée dans sa genèse par le communisme de guerre et la guerre civile qui s’achève en 1922, l’URSS connaît d’abord la pause sociale et idéologique de la NEP, la nouvelle politique économique (1921-1929), avant de subir la glaciation de l’ère stalinienne (1929-1953). Celle-ci est suivie, avec Khrouchtchev, d’une phase limitée de dégel (1953-1964), qui ne remet pas en cause la suprématie du parti et de l’appareil d’État, réaffirmée sous Brejnev (1964-1982). Les réformes amorcées par Gorbatchev (1985-1991) révèlent les blocages du régime et de la société et conduisent à l’effondrement brutal de l’URSS en 1991.
1. Une gestation douloureuse (1917-1922)
C'est le 30 décembre 1922 que les congrès des soviets des Républiques socialistes soviétiques de Russie, d'Ukraine, de Biélorussie et de Transcaucasie décident de former l'Union des républiques socialistes soviétiques. La nouvelle URSS regroupe la majeure partie des territoires de l'ancien Empire russe, désormais contrôlés, à la suite d'une guerre de cinq années, par le nouveau régime issu de la révolution d'octobre 1917.
1.1. La révolution d'Octobre
Dans les jours qui suivent le renversement du gouvernement provisoire à Petrograd (actuelle Saint-Pétersbourg), le 25 octobre 1917, le nouveau pouvoir insurrectionnel dirigé par Lénine annonce une série de décrets sur l'abolition de la propriété privée de la terre, sur le droit des peuples à l'autodétermination et sur la paix (conclue avec l'Allemagne au traité de Brest-Litovsk, le 3 mars 1918).
1.2. La guerre civile
La dissolution, le 6 janvier 1918, de l'Assemblée constituante où les socialistes-révolutionnaires (non marxistes) étaient majoritaires, achève la mainmise des bolcheviks sur le pouvoir. Mais, à cette date, ils ne contrôlent qu'une partie de la Russie centrale. La formation d'armées contre-révolutionnaires (dites Armées blanches) au sud, à l'est de l'Oural et à l'ouest du pays, soutenues par l'intervention des Alliés, contraint les bolcheviks au conflit armé pour la conquête du territoire.
La sanglante guerre civile, qui embrase le pays à partir du printemps 1918, ne met pas seulement aux prises l'Armée rouge avec les Blancs. L'ancien empire devient le théâtre de conflits multiples avec la montée des forces centrifuges, en particulier en Ukraine et dans le Caucase, et l'exacerbation des tensions sociales qui s'expriment, notamment, par des soulèvements paysans. Cette guerre civile s'achève fin 1920 dans la partie occidentale de l'ancien empire, mais elle se poursuit jusqu'en 1922, en Sibérie et en Asie centrale.
1.3. Le communisme de guerre
La victoire des bolcheviks a été acquise au prix d'une véritable dictature politique (la « terreur rouge » s'est appuyée sur la Tcheka, police politique du nouveau régime) et économique, le « communisme de guerre » : nationalisation de l'économie, réquisitions forcées de la production agricole, rationnement alimentaire, etc.
Cette victoire est sanctionnée par la création de l'URSS, le 30 décembre 1922, qui proclame l'égalité des républiques fédérées.
Cependant, en fait comme en droit, ainsi que le stipule la Constitution de 1924, les différentes républiques de l'Union se trouvent sous la tutelle du centre politique, auquel elles délèguent nombre de compétences fondamentales (défense, sécurité, budget, etc.). Ainsi l'URSS, dès sa création, est marquée par la volonté des bolcheviks de créer un État fort et centralisé.
2. La pause de la NEP (1921-1929)
2.1. Une situation alarmante
Au sortir de la guerre civile, le pays est profondément meurtri et bouleversé : la production industrielle atteint à peine 12 % de celle d'avant-guerre et la désorganisation de l'agriculture conduit à la grande famine de 1921-1922, qui fait plus de 5 millions de victimes dans le sud du pays.
De plus, les oppositions politiques au régime se ravivent avec la révolte, réprimée dans le sang en février 1921, des marins de Kronchtadt qui revendiquaient le pluripartisme et l'élection libre de nouveaux soviets (→ insurrection de Kronchtadt). C'est dans ce contexte de bilan et de tensions que le Xe Congrès du parti, en mars 1921, décide de mettre en place la nouvelle politique économique (NEP).
2.2. Une timide libéralisation
Un compromis avec le libéralisme économique
La NEP marque le début d'une détente, concrétisée par une relative libéralisation de l'économie : le commerce extérieur est légalisé, les petites entreprises dénationalisées, les réquisitions de la production agricole remplacées par un impôt en nature. Lénine, grand artisan de ce changement de cap, reconnaît la nécessité d'une transition longue vers le socialisme.
Le renforcement de l'autorité du parti
Cette libéralisation économique contraste cependant avec les décisions politiques du Xe Congrès concernant la conduite du parti. Sous l'effet du traumatisme créé par la révolte de Kronchtadt, celui-ci proscrit toute fraction ou opposition au sein du parti, fournissant à ses organes bureaucratiques des pouvoirs et des moyens de contrôle nouveaux, que Staline, promu secrétaire général du Comité central dès 1922, saura tourner à son avantage pour asseoir sa position.
Une nouvelle vague de répression
Alors que le pays commence à se relever, une nouvelle vague de répression s'abat sur les socialistes-révolutionnaires, l'intelligentsia « indépendante » – plusieurs centaines de savants sont expulsés d'URSS en 1922 – et l'Église orthodoxe, victime d'une très violente campagne anticléricale. Ces mesures répressives, qui accompagnent la nouvelle tolérance proclamée dans la vie économique et sociale, témoignent des fortes contradictions qui caractérisent la NEP.
2.3. Une révolution culturelle
Modernisation et laïcisation de la société
La volonté de créer un « homme nouveau », affranchi des entraves matérielles et spirituelles de la société capitaliste, s'est exprimée tôt, à travers plusieurs mesures spectaculaires : laïcisation de l'état civil et du mariage, décret sur le divorce (1917), légalisation de l'avortement en 1920.
Proclamant la liberté de conscience, les bolcheviks promulguent, dès janvier 1918, la loi sur la séparation de l'Église et de l'État et sur la déconfessionnalisation de l'école. Une campagne en faveur de l'athéisme est lancée, dans le cadre d'un immense effort d'éducation populaire, destiné à répandre le matérialisme scientifique.
L'effort pédagogique
La lutte contre l'analphabétisme, entreprise dès 1919 en Russie, est étendue à toute l'URSS en 1923. Le principe de l'instruction gratuite et obligatoire des enfants, adopté dès 1918, est progressivement appliqué dans tout le pays – en 1932, 98 % des enfants sont effectivement scolarisés –, des facultés ouvrières (rabfak) sont créées en 1919, pour l'alphabétisation et l'instruction des adultes. L'enseignement est dispensé dans les langues autochtones. À cet effet, des dizaines de langues parlées sont dotées d'alphabets. Les moyens d'expression et d'information sont mobilisés pour les tâches de l'agit-prop et nombre d'artistes s'engagent avec enthousiasme dans la promotion de l'« homme nouveau », expérimentant par la plume, le théâtre, le cinéma, de nouvelles expressions, où s'affirme la dimension utopique des années 1920.
2.4. Une intégration problématique dans la communauté internationale
Après la Première Guerre mondiale, l'Union soviétique, première patrie du socialisme, fait figure d'État isolé sur la scène internationale, d'autant qu'elle donne le sentiment de mener un double jeu diplomatique.
À l'exception notable de l'Allemagne, avec laquelle elle noue des relations durables à partir de 1922, la normalisation de ses liens avec les grandes puissances reste longtemps formelle – son existence est reconnue de jure par la France et la Grande-Bretagne en 1924.
Tout en cherchant à établir des relations diplomatiques avec les autres États, les dirigeants soviétiques ne cachent pas leur ambition de promouvoir un nouvel ordre mondial fondé sur le marxisme. La création de la IIIe Internationale (Komintern) en 1919 est, en effet, progressivement marquée par l'emprise de Moscou sur les jeunes partis communistes occidentaux, dont l'URSS constitue le modèle.
2.5. La lutte pour la succession de Lénine
Un débat idéologique
Si la NEP est caractérisée par la détente des relations entre l'État et la société, elle est aussi marquée par d'intenses affrontements pour la succession de Lénine qui, gravement malade à partir de 1922, meurt en 1924. Ces luttes se déroulent sur fond d'importantes controverses concernant les voies de développement du pays et le sens de la NEP dans la perspective de l'avènement du socialisme. À travers les différents courants qui s'affirment – celui de gauche avec Trotski, prônant la priorité à l'industrialisation ; celui de droite avec Boukharine, défendant la poursuite de la NEP –, Staline mène surtout une lutte tactique et, sans prendre vraiment position, cherche à incarner la juste ligne du parti.
La victoire de Staline
En l'espace de cinq ans, Staline parvient à évincer les principaux dirigeants historiques du bolchevisme, pour s'affirmer comme le nouveau Lénine. Au-delà d'un habile arbitrage, Staline assure son ascension en usant de ses fonctions pour placer ses alliés aux postes clés. Il bénéficie des fortes mutations sociologiques du parti, s'affirmant parmi les nouveaux militants peu politisés comme l'homme du centre face aux concurrents « déviants ». Parvenu en 1927 à éliminer l'opposition unifiée de Trotski, Zinoviev et Kamenev, Staline engage la rupture avec la NEP et amorce en 1929 le « grand tournant » pour la construction du socialisme.
3. L'ère stalinienne (1929-1945)
Staline s'affirme comme le nouveau guide et l'instigateur du « grand tournant » pour la construction du socialisme. Cette deuxième révolution, au carrefour des années 1930, se caractérise par des bouleversements radicaux qui modifient en profondeur la physionomie de l'URSS.
3.1. Mise en place de la première économie socialiste
En 1927, la production industrielle a retrouvé son niveau d'avant-guerre. En revanche, la quantité de céréales sur le marché est deux fois inférieure à celle de 1913, soulignant l'état de sous-développement de l'économie rurale.
Dékoulakisation
Prenant prétexte de la faiblesse des récoltes, le clan stalinien entreprend une vaste offensive contre la paysannerie et, renouant avec les pratiques du communisme de guerre, lance une campagne de réquisitions forcées des céréales. Face aux résistances paysannes, Staline radicalise l'intervention du centre et désigne comme ennemi de classe les koulaks (paysans riches, ou supposés tels : aucune définition de la « richesse » n'est donnée par le pouvoir, qui soumet ainsi l'ensemble de la paysannerie à l'arbitraire de ses représentants locaux).
Collectivisation des terres
La dékoulakisation s'accompagne de la collectivisation des terres, menée à partir de 1929 dans un climat de violences extrêmes – massacres, déportations, etc. La déstructuration et l'épuisement de l'économie rurale se traduisent par une immense famine qui, en 1932-1933, fait, en Ukraine principalement, plus de 6 millions de victimes. L'accalmie de la NEP est une époque révolue.
Priorité à l'industrie lourde
Le lancement du Ier plan quinquennal (1929-1933) donne la priorité à l'industrie lourde et marque le début des grands chantiers pour la modernisation du pays. Une nouvelle classe ouvrière, issue en grande partie de l'exode rural provoqué par la collectivisation, est en train de naître. Au rythme d'une propagande sans relâche prônant l'émulation socialiste, le premier plan, conduit avec une poigne de fer, se donne des objectifs irréels et ne parvient pas à maîtriser l'ensemble des changements induits par la dynamique engagée.
Le IIe plan quinquennal (1933-1937) est donc marqué par une rectification en faveur des industries légères, des biens de consommation et un plus grand souci de la formation de la main-d’œuvre. Le lancement du mouvement stakhanoviste en 1935 – du nom du mineur Stakhanov ayant réalisé 14 fois la norme d'extraction – annonce la nouvelle mobilisation exigée de la société pour la « consolidation du socialisme ».
3.2. De la répression à la Grande Terreur (1930-1938)
L'élimination des oppositions (1930-1934)
C'est la dékoulakisation qui a conduit à la mise en place du Goulag (administration principale des camps) qui, sous l'égide de la Guépéou (administration chargée de la sécurité de l'État qui s'est substituée en 1922 à la Tcheka), inaugure le système concentrationnaire soviétique, véritable société pénale parallèle.
De 1930 à 1934, la répression des divergences politiques (portant notamment sur les choix du Ier plan quinquennal) se solde par l’exclusion d’un quart des membres du parti, mais se fait encore sans exécutions capitales. En janvier 1934, le XVIIe Congrès du parti dresse le bilan du grand tournant et consacre l'assise de Staline, le « Lénine d'aujourd'hui ». Une accalmie se dessine après les immenses efforts consentis. Elle est cependant de courte durée.
L'assassinat, le 1er décembre 1934, de Kirov, secrétaire du parti de Leningrad, par un jeune communiste, permet de légitimer la hantise du complot, déjà présente dans les propos des dirigeants, pour expliquer les défaillances nombreuses du système. Ce meurtre accroît le climat de suspicion générale et entraîne le renforcement de la répression (loi autorisant l'instruction accélérée des affaires de terrorisme).
La Grande Terreur (1936-1938)
La répression culmine avec la Grande Terreur (ou les Grandes Purges). Ponctuée par les grands procès publics des dirigeants historiques du bolchevisme, la Grande Terreur (en russe Iejovchtchina, du nom de Nikolaï Iejov, nommé à la tête du NKVD [Commissariat du peuple aux Affaires intérieures qui a succédé à la Guépéou en 1934] est la période des purges les plus sanglantes : 2 millions d'arrestations, un tiers d'entre elles se soldant par des exécutions.
La répression touche en particulier les cadres de l'armée, de l'administration, du monde scientifique et artistique, mais elle n'épargne pas non plus les simples citoyens. La typologie des victimes est brouillée. Sur fond de terreur aveugle, l'équipe stalinienne prône la nouvelle légalité socialiste et un ordre social marqué par le retour aux valeurs traditionnelles, même si l'équivalence entre consolidation et répression s'estompe à la fin de 1938 avec la mise à l'écart de Iejov.
3.3. Une société de plus en plus conservatrice
La nouvelle Constitution soviétique de 1936 – « la plus démocratique du monde » selon Staline –, étend le suffrage universel à tous les citoyens de l'URSS, reconnaît la légitimité de l'État – qui n'est plus considéré comme une forme politique transitoire – et précise l'organisation de l'URSS en 11 républiques fédérées.
Toute une série de mesures – dans le domaine de la famille (interdiction de l'avortement en 1936, restriction du divorce), de l'organisation des grands corps (rétablissement des grades dans l'armée en 1935), de la culture (remise en valeur de la littérature russe classique, réhabilitation partielle de l'histoire impériale grand-russe) – marquent la mise en place d'un fort conservatisme social.
À la veille de la guerre, le pouvoir stalinien est parvenu à détruire, dans le parti et dans le pays, tous les liens de solidarité personnels, professionnels et politiques : seul triomphe le principe d'allégeance absolu à la personne du guide suprême, Joseph Staline.
3.4. La fin de l'isolement diplomatique et la guerre (1934-1945)
Le tournant diplomatique antifasciste (1934-1939)
Le double jeu soviétique dans les relations avec les pays occidentaux s'estompe avec l'arrivée de Hitler au pouvoir en 1933. La nouvelle menace que représente l'Allemagne nazie entraîne le rapprochement de l'URSS avec les grandes puissances occidentales, qui se concrétise par son entrée à la Société des Nations (SDN) en 1934 et par son orchestration de la lutte antifasciste par l’intermédiaire des partis communistes. Mais ce front commun reste fragile. La faiblesse des démocraties face à l'expansionnisme allemand – en particulier lors de l'annexion de l'Autriche en 1938 –, conduit peu à peu l'Union soviétique à un renversement d'alliances.
Le pacte germano-soviétique (1939-1941)
À la veille de la Seconde Guerre mondiale, malgré la force des antagonismes idéologiques, l'URSS stalinienne se tourne brusquement vers son premier allié historique depuis 1922, l'Allemagne : elle signe avec Hitler un pacte de non-agression (23 août 1939), dont les protocoles secrets prévoient le partage de l'Europe orientale entre les deux puissances (→ pacte germano-soviétique).
C'est en vertu de ces protocoles que, de septembre 1939 à août 1940, l'URSS annexe, aidée en cela par l'offensive nazie, la Pologne de l'Est, la Carélie, les États baltes, la Bessarabie et la Bucovine du Nord.
Dès lors, l'URSS se tient hors du conflit mondial jusqu'à l'invasion surprise des armées allemandes.
La « grande guerre patriotique » (1941-1945)
Le plan Barbarossa, déclenché le 22 juin 1941 par Hitler, prend Staline par surprise. En quelques semaines, les Allemands occupent l'Ukraine, la Biélorussie et menacent de prendre Moscou à l'automne.
L'agression du IIIe Reich détermine le basculement de l'URSS dans le camp des Alliés. Dès l'été est signé un accord de coopération anglo-soviétique, tandis que les États-Unis accordent un premier prêt à l'URSS. Enfin, Staline réussit à mobiliser la population au service de la « grande guerre patriotique » (→ Seconde Guerre mondiale), en favorisant l'union nationale par des concessions, notamment dans le domaine religieux : l'Église orthodoxe peut se réorganiser légalement en 1943 ; l'islam soviétique est doté, en 1941, de quatre directions spirituelles.
Après dix-huit mois de revers et de défaites, les Soviétiques remportent la difficile victoire de Stalingrad, en février 1943. Ce succès marque un tournant dans la guerre et le début de la contre-offensive décisive de l'Armée rouge pour la reconquête du territoire (victoire de Koursk en juillet 1943).
À partir de 1944, l'Armée rouge participe à la libération de l'Europe occupée (Pologne, Tchécoslovaquie, Roumanie, Hongrie, Bulgarie) et se lance dans la dernière bataille de Berlin (mars 1945), qui s'achève par la capitulation de l'Allemagne.
Pour en savoir plus, voir les articles guerre germano-soviétique, Seconde Guerre mondiale.
4. La seconde ère stalinienne (1945-1953)
4.1. La guerre froide
Grâce à la part prise à la victoire, le poids de l'URSS, qui a payé un très lourd tribut à la guerre, s'est considérablement accru sur la scène internationale. Mais la participation des Soviétiques à la libération de l'Europe ne se fait pas sans contreparties. Dès 1944, l'Armée rouge reprend le contrôle des États baltes, de l'Ukraine polonaise et de la Bessarabie, qui sont intégrés à l'URSS. Son avancée jusqu'à Berlin permet à Moscou, après les accords de Yalta (février 1945), d'assurer sa mainmise sur l'Europe centrale et orientale, avec la création, en 1947, du Kominform (bureau d'information des partis communistes et ouvriers), et l'organisation, entre 1945 et 1948, de gouvernements communistes dans les États de la région. Par ailleurs, l'URSS signe en février 1950 un traité d'amitié et d'assistance mutuelle avec la Chine.
La constitution du bloc soviétique, déterminante dans la rupture avec les Alliés, est à l'origine de la guerre froide et de l'édification d'un monde divisé entre Est et Ouest qui, jusqu'à la fin des années 1980, conditionnera les rapports de forces internationaux.
4.2. La répression des nationalités
Sur le plan intérieur, le bilan de la guerre est particulièrement lourd : 26 millions de victimes (dont la moitié de soldats, la moitié de civils), 25 millions de sans-abri. Au cours du conflit, l'emprise du pouvoir sur la société s'est certes relâchée : mais la répression n'est cependant pas en reste, elle s'est déplacée, touchant des peuples entiers accusés de collaboration avec l'ennemi.
Dès 1944, la déportation des Tatars de Crimée, des Tchétchènes, des Ingouches, des Balkars, des Kalmouks, et d'autres peuples encore, grossissent les effectifs du Goulag de plus de un million de personnes. Dans l'après-guerre, les « nationalités » (peuples punis auxquels s'ajoutent les Baltes, les Ukrainiens et les Roumains, accusés de résistance nationaliste) composent la majorité de la population des camps.
4.3. Remise en ordre et retour à la terreur
Le IVe plan quinquennal (1946-1950) entraîne une nouvelle mobilisation sociale pour la reconstruction du pays. En 1950, la production industrielle dépasse de 73 % celle de 1940, mais la production agricole atteint à peine celle enregistrée à la veille de la guerre.
Cette période est surtout marquée par le renforcement des contraintes idéologiques : l'exaltation du rôle de « peuple dirigeant » des Russes accompagne l'accroissement de la mainmise du centre sur les républiques de l'URSS ; la lutte contre les influences « décadentes » de l'Occident confirme la fermeture du pays. Enfin, la campagne contre le « cosmopolitisme », à partir de 1948, prend une tournure ouvertement antisémite, touche les cadres de Mingrélie – une région du sud de la Géorgie (1951) – et culmine avec le complot des « blouses blanches » : des médecins juifs sont accusés de tentative d'assassinat sur Staline et d'autres dignitaires, peu avant la mort du « petit père des peuples », le 5 mars 1953.
Pour en savoir plus, voir les articles Staline, stalinisme.
5. Les années Khrouchtchev et les limites de la détente (1953-1964)
La disparition de Staline entraîne le passage rapide du totalitarisme à un simple régime autoritaire. Mais, si les années Khrouchtchev sont synonymes de détente (sur le plan intérieur comme international), elles constituent aussi l'ultime tentative de mobilisation de la société pour la « construction du communisme ».
5.1. Le dégel (1953-1958)
Le dégel politique
En l'absence de tout candidat désigné par le guide, une lutte s'engage dès mars 1953 pour la succession au poste de Staline. La concurrence entre le président du Conseil Gueorgui Malenkov et le premier secrétaire du parti Nikita Khrouchtchev (qui devient également président du Conseil en 1958) se dénoue finalement en faveur de ce dernier qui, dès 1956, sort l'URSS du stalinisme.
Malgré les affrontements internes, un consensus se manifeste très tôt sur l'assouplissement du régime : dès le 27 mars est décrétée l'amnistie de près de 900 000 personnes. Beria, ministre de l'Intérieur de Staline, est arrêté le 26 juin et exécuté. Sa disparition entraîne la réorganisation de son ministère, qui perd la gestion du Goulag. La police politique s'autonomise et prend le nom de Comité à la sécurité d'État (KGB).
Le XXe Congrès (1956)
Le XXe Congrès du PCUS, en février 1956, marque une étape décisive dans la politique intérieure et extérieure de l'URSS. Sur le plan politique, il prône un retour au léninisme. Mais c'est la divulgation, devant les seuls délégués soviétiques, les 24 et 25 février, du « rapport secret », qui fait de ce Congrès un événement sans précédent et scelle la rupture avec le stalinisme. Khrouchtchev y dénonce le « culte de la personnalité » de Staline et rejette la responsabilité des nombreux excès passés, non sur le parti, mais sur la seule personne de son chef.
Rapidement divulgué en URSS et hors du pays, le rapport crée un choc sans précédent, en particulier dans les démocraties populaires agitées par les révoltes polonaise et hongroise. Les remous importants suscités par le rapport secret, au sein du parti, vulnérabilisent la position de Khrouchtchev, qui reprend cependant l'avantage en obtenant du Comité central la condamnation du « groupe anti-parti » et l'exclusion de Molotov, Malenkov et Kaganovitch, en 1957.
La coexistence pacifique
Sur le plan international, N. Khrouchtchev présente XXe Congrès sa doctrine de « coexistence pacifique », qui annonce la détente des relations avec l'Ouest et la fin de la guerre froide. L'hégémonie de l'URSS en Europe orientale ne se desserre pas pour autant, comme le montrent la signature, en mai 1955, du pacte de Varsovie avec sept démocraties populaires et l'intervention de l'armée soviétique à Budapest lors de la révolution hongroise de 1956 (→ insurrection de Budapest).
Parallèlement, l'Union soviétique développe son influence internationale en soutenant les pays du tiers-monde récemment décolonisés, mais ses raports avec la Chine se détériorent à partir de 1955.
Le dégel économique
L'avènement de Khrouchtchev est également marqué par la réorientation de l'économie en faveur du développement de l'industrie légère et des biens de consommation. Cette politique, qui répond aux demandes tant de la population que des industriels, favorise aussi le relèvement des prix d'achat de la production agricole par l'État et provoque, par conséquent, la hausse des revenus des kolkhoziens (membres d'une exploitation agricole fondée sur la propriété collective des moyens de production).
L'autre volet de la nouvelle orientation, lancé en mars 1954, concerne la mise en valeur des « terres vierges » au nord du Kazakhstan, en Sibérie, et dans l'Altaï ; 37 millions d'hectares sont ainsi mis en culture : l'opération, payante à court terme (ces terres fournissent la moitié de la récolte de 1956), reste cependant difficile à gérer, car les nouvelles terres sont tributaires d'importants investissements et particulièrement vulnérables au climat difficile des régions.
Le dégel social
L'équipe poststalinienne mène enfin, sur le plan social, une politique plus libérale, tout en réactivant le mythe de la construction du communisme.
Khrouchtchev rétablit une plus grande autonomie syndicale, réduit la durée du travail et dépénalise les relations professionnelles ; il lance un vaste programme de construction de logements, qui lui garantit, avec la hausse du niveau de vie (+6 % par an), un fort soutien dans la société. Le système carcéral retrouve sa fonction régulatrice, la majorité des détenus étant alors des droits communs.
Le dégel culturel
Cependant, Khrouchtchev relance, à partir de 1957, les méthodes de mobilisation des masses, prônant le rattrapage et le dépassement des États-Unis. Sur le plan culturel, la déstalinisation s'exprime de façon spectaculaire dans un premier temps, à travers la parole retrouvée. Mais les limites au dégel culturel se font rapidement sentir, en particulier lors de l'interdiction faite à Boris Pasternak de publier le Docteur Jivago et de recevoir le prix Nobel en 1958. L'affaire Pasternak précipite une crise de conscience de l'intelligentsia. C'est à la fin des années 1950 qu'apparaissent les premiers mouvements dissidents avec, notamment, la divulgation de samizdats, ouvrages interdits par la censure, mais diffusés clandestinement. Après le XXIe Congrès du parti (1959), la ligne « dure » se confirme : le mythe de l'édification du communisme donne lieu à plusieurs campagnes idéologiques et, notamment, à une forte offensive antireligieuse.
5.2. Les limites de la détente (1958-1964)
Les problèmes de la coexistence pacifique
La confrontation Est-Ouest se poursuit indirectement, notemment au Viêt Nam et à Cuba, où l'URSS, qui soutient militairement le régime de Fidel Castro, installe des missiles en 1962, provoquant une grave crise internationale qui débouche sur une recula de l'URSS, devant le risque d'une guerre mondiale (→ crise de Cuba). Quant à la rupture avec la Chine, elle est consommée en 1961.
Les déceptions économiques
La période 1958-1964, après les cinq années de croissance qui viennent de s'écouler, est marquée par des difficultés importantes. Les récoltes catastrophiques du maïs, planté dans les nouvelles terres, sont ressenties comme l'échec de la campagne de défrichement : à partir de 1960, la crise de l'agriculture est patente et l'URSS est contrainte d'importer pour 1 milliard de dollars de céréales en 1963. La hausse des prix alimentaires suscite des protestations, voire des émeutes dans le monde ouvrier, comme à Novotcherkassk, le 1er juin 1962.
Vers la chute de Khrouchtchev
Sur le plan politique, la nouvelle offensive antistalinienne, lancée par Khrouchtchev lors du XXIIe Congrès, en 1961, accroît l'opposition au sein du parti. La nomenklatura, inquiétée dans ses prérogatives par les ambitieux projets khrouchtchéviens (réorganisation, notamment, du parti en deux branches, industrielle et agricole), se désolidarise du premier secrétaire. C'est finalement une révolte des appareils qui aboutit à la destitution de Khrouchtchev, annoncée par communiqué, le 14 octobre 1964, dans l'indifférence d'une société soviétique déçue dans ses espoirs nés de la déstalinisation.
6. L'ère brejnévienne et les années de stagnation (1964-1985)
Pour la première fois dans l'histoire de l'URSS, le règlement de la succession a été prévu lors de la destitution de Khrouchtchev, avec la nomination de Leonid Brejnev comme premier secrétaire (puis, à partir de 1966, secrétaire général) du parti .
L'ère brejnévienne, qui dure près de vingt ans, est caractérisée à la fois par une stagnation politique et économique et par la transformation de la société qui acquiert, de fait, une certaine autonomie face à l'État.
6.1. L'immobilisme politique et l'âge d'or de la nomenklatura
La nouvelle équipe dirigeante opte pour le conservatisme politique, tout en recherchant une meilleure efficacité sur le plan économique. Malgré de réelles divergences sur les choix de développement, le gouvernement concentre tous ses efforts sur le maintien du statu quo. Il privilégie la stabilité des cadres, l'enracinement local des bureaucraties et assoit sa cohésion sur la généralisation du clientélisme. Les années 1970 marquent l'âge d'or de la nomenklatura, vaste réseau de potentats locaux qui, du centre aux périphéries, se constitue par un système de parrainage et s'appuie sur des intérêts convergents. Cette nouvelle « féodalité soviétique » se traduit politiquement par la présence majoritaire des cadres régionaux au sein du Comité central. Au cours de cette décennie, un culte pathétique est rendu à la personnalité vieillissante de Leonid Brejnev, qui incarne la solidarité d'une nomenklatura docile.
6.2. De prudentes réformes économiques
Jusqu'au début des années 1970, des efforts sont tentés pour rationaliser le système productif. Les entreprises obtiennent une certaine marge de manœuvre, les ouvriers étant incités à produire plus, grâce à des « fonds de stimulation ».
Le président du Conseil Alekseï Kossyguine se fait l'ardent partisan du développement de l'industrie légère et de l'amélioration qualitative de la production.
Mais, à partir de 1972, la ligne défendue par Leonid Brejnev et le secrétaire du parti Mikhaïl Souslov, prônant la priorité à l'industrie lourde, en particulier dans le domaine militaire, est adoptée et confirmée dans le Xe plan quinquennal (1976-1980) : celui-prévoit, outre le renforcement du complexe militaro-industriel, le développement du front pionnier énergétique en Sibérie, afin de stimuler l'exportation de matières premières et de favoriser l'importation de technologies occidentales.
Des résultats décevants
Le bilan des tentatives de rationalisation de la production est négatif ; les mesures incitatives sont freinées par le renforcement de la bureaucratie. Dans le secteur industriel, la situation de sous-emploi de la main-d'œuvre conduit à une baisse de production. La pénurie des biens de consommation s'installe.
La situation du secteur agricole est encore plus catastrophique : le manque d'infrastructures de transport et l'échec de la campagne des terres vierges conduisent le pays à importer massivement les céréales (40 millions de tonnes par an entre 1979 et 1984). Les mesures mises en place par le gouvernement en faveur des kolkhoziens ne parviennent pas à enrayer l'exode rural, ni à augmenter la production.
6.3. Les mutations sociales
La nouvelle Constitution de 1977, préparée depuis quinze ans, abandonne le mythe du passage au communisme et de la fin de l'État, au profit du nouveau concept de « socialisme développé » ; l'État devient « l'État du peuple tout entier ». Mais la volonté proclamée d'inclure la société dans les affaires du pays est en contradiction avec l'affirmation du rôle dirigeant du parti. Toutefois, le développement de nouvelles structures socioculturelles favorise l'apparition de quelques champs d'autonomie sociale.
Au cours de ces décennies, la société soviétique connaît une profonde transformation : ralentissement de la croissance démographique, accroissement important du taux d'urbanisation et hausse du niveau de l'éducation. C'est l'émergence de cette société urbaine cultivée qui est à l'origine de nouvelles « structures informelles », voire de la constitution d'une opinion publique. L'adhésion au parti ne représente plus qu'un passeport pour l'accès à une carrière digne de ce nom.
6.4. La dissidence intellectuelle
La contestation du régime change, elle aussi, de nature dans les années 1970. La dissidence, qui se fonde désormais sur le respect de la légalité du régime, se renforce grâce à la signature de l'Acte final des accords d'Helsinki, qui lui fournit un cadre juridique international de référence et de défense des droits de l'homme. Ainsi, l'exil du physicien Andreï Sakharov en 1980 et l'expulsion de l'écrivain Aleksandr Soljenitsyne, en 1974, suscitent de vives réactions à travers le monde.
6.5. De la détente à la reprise de la guerre froide
Sur le plan diplomatique, l'emprise de l'URSS sur les démocraties poppulaires ne se desserre pas, de la répression du printemps de Prague (1968) à la menace d'intervention en Pologne qui provoque le coup d'État du général Jaruzelski (1981).
Au début des années 1970, la quête d'un équilibre entre les deux blocs se concrétise pourtant par plusieurs accords sur la limitation des armements (accords SALT de 1972 et 1979) et par la conférence d'Helsinki (1975) sur la sécurité et la coopération en Europe, qui marque le point d'orgue de la détente. Les pays occidentaux y avalisent l'influence soviétique sur l'Europe de l'Est, mais l'URSS s'engage de son côté à respecter les droits de l'homme et les libertés fondamentales. La fin de la décennie est cependant ternie par l'intervention soviétique en Afghanistan (1979) qui entraîne un nouveau durcissement des relations internationales.
6.6. Un régime dans l'impasse
À la mort de Leonid Brejnev, en novembre 1982, l'impasse économique dans laquelle se trouve le pays est patente. Le bref intermède Andropov-Tchernenko (le premier reste en fonction 14 mois, avant de mourir, et le second 13 mois) n'est marqué que par quelques velléités de lutte contre la corruption, dans un contexte de déstabilisation lié aux très fortes tensions internationales, ainsi qu'à l'enlisement en Afghanistan, où l'armée soviétique affronte les moudjahidin pendant dix ans (1979-1989).
7. Gorbatchev et l'effondrement de l'URSS (1985-1991)
Le 11 mars 1985, l'élection de Mikhaïl Gorbatchev au poste de secrétaire général du PCUS, ouvre une nouvelle période, la dernière dans l'histoire de l'URSS. Elle est caractérisée à la fois par une forte volonté réformiste « par le haut », visant à rendre plus efficient le système soviétique existant, et par une radicalisation incontrôlée « par le bas », en réponse à l'ouverture politique, qui entraînera, au terme de six années de perestroïka, l'effondrement de l'URSS.
7.1. Glasnost et perestroïka
Le gouvernement formé par Gorbatchev est constitué de personnalités acquises à l'urgence de réformes : le « rapport de Novossibirsk », publié dès 1983, montrait déjà officiellement les déficiences, nombreuses, du système. Mais, dans l'esprit de la nouvelle équipe, il devient évident que de nouvelles réformes structurelles ne peuvent être conduites sans l'adhésion de la société.
En 1986, les orientations du groupe gorbatchévien se précisent avec la mise en avant de deux mots d'ordre : la perestroïka (restructuration), qui vise à la réforme du système, et la « glasnost » (transparence), qui marque la volonté de ne plus masquer les réalités et d'engager un nouveau dialogue social.
Cependant, une fois lancé, le mouvement déborde très vite la direction gorbatchévienne.
7.2. Des réformes rapidement dépassées
La glasnost conduit très rapidement à la remise en cause de la légitimité du pouvoir, notamment à travers la relecture du stalinisme puis de la révolution. Aux côtés des débats historiques, les domaines les plus divers, tels que l'écologie (catastrophe nucléaire de la centrale de Tchernobyl en 1986), l'idéologie, la politique des nationalités, occupent le devant de la scène. Les revendications nationales se multiplient : à la fin des années 1980, la commémoration du pacte germano-soviétique dans les trois républiques baltes donne une impulsion décisive aux forces centrifuges.
Le pluralisme des opinions, encouragé par la glasnost, pose la question de leur expression politique. Mais Gorbatchev prône d'abord des réformes économiques. Pourtant, si l'équipe dirigeante casse les mécanismes de l'économie planifiée, elle ne parvient pas à définir une alternative cohérente, et procède par demi-mesures. Le développement, encouragé, de l'autonomie des entreprises est entravé par le maintien d'un fort contrôle. Par ailleurs, le gouvernement ne réussit pas à formuler des propositions susceptibles d'insuffler de nouvelles motivations aux travailleurs.
7.3. La démocratisation « par le bas »
L'échec des réformes économiques, perceptible dans le quotidien des citoyens, éclipse la portée des réformes politiques d'importance, qui sont également pénalisées par le maintien du rôle dirigeant du parti.
Néanmoins, les réformes institutionnelles, telle la création en 1989 du Congrès des députés du peuple, élu en partie au suffrage universel direct, donnent une certaine visibilité aux multiples comités, groupes, embryons de partis politiques nés des micro-univers de la décennie précédente.
Cette démocratisation par le bas met en lumière le caractère partiel de l'ouverture politique de l'équipe dirigeante. À partir de 1990, la question du pluralisme finit par être ouvertement posée lorsque Boris Ieltsine, l'un des principaux dirigeants du PCUS, quitte le parti avec fracas.
7.4. La fin de la guerre froide
Les atermoiements du gouvernement à l'intérieur du pays contrastent avec ses initiatives radicales sur le plan international. Gorbatchev s'impose, en quelques années, comme le plus ferme partisan de l'intensification des échanges économiques et de la réduction des armements. Le dialogue avec les États-Unis reprend à partir de 1985 (aboutissant notamment, en 1987, à la signature d'un accord sur l'élimination des missiles à moyenne portée en Europe). Le retrait soviétique d'Afghanistan (1988-1989), la non-intervention de l'URSS face à l'implosion des régimes communistes en Europe centrale et orientale (1989), ainsi que la normalisation des relations avec la Chine matérialisent la nouvelle donne soviétique. Mais une fois engagée sur la voie des réformes et l'abandon de son hégémonie, l'URSS se trouve elle-même confrontée à sa désagrégation interne.
7.5. L'effondrement du bloc de l'Est (1989-1991)
Le désaveu des gouvernements communistes dans les démocraties populaires, qui s'opère par la négociation (« révolution de velours » en Tchécoslovaquie) ou la violence (exécution du dictateur Ceauşescu en Roumanie), est marqué par le laisser-faire de l'URSS. En 1990, la popularité extrême de Gorbatchev sur la scène internationale est à la mesure de la désaffection qu'il suscite dans l'opinion publique soviétique.
Au cours des années 1990-1991, les tensions se multiplient. La proclamation de l'indépendance de la Lituanie encourage les revendications des autres républiques et rejoint les aspirations à une véritable alternance démocratique que permet le vote, par le Congrès, de l'abrogation du rôle dirigeant du PCUS (article 6 de la Constitution).
7.6. L'éclatement de l'URSS
L'année 1991 précipite la fin de l'URSS : Boris Ieltsine, élu triomphalement à la tête de la Russie au suffrage universel, en juin, incarne une nouvelle légitimité face à Gorbatchev. Devant l'accélération des événements, qui menacent la cohésion de l'URSS, les éléments les plus conservateurs du parti fomentent un coup d'État qui échoue au bout de trois jours (19-21 août). La résistance conduite par Ieltsine, qui est soutenu par l'opinion et la majorité de l'armée, relèguent Gorbatchev dans l'ombre. La tentative de putsch accélère le mouvement de sécession des républiques périphériques et la défection des membres du parti. Lorsque Gorbatchev démissionne de ses fonctions, le 25 décembre, l'URSS n'existe déjà plus.
Pour en savoir plus, voir l'article Histoire de la Russie.